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Qui es-tu le traître du football ?

Par Alexandre Doskov
Qui es-tu le traître du football ?

Il y a des choses qu'on ne pardonne pas, surtout en football. Crime suprême, passible de la pire des peines dans ce tribunal impitoyable qu'est le cœur des supporters, le transfert vers le club ennemi. Des départs qui répondent la plupart du temps à des besoins sportifs, mais ça, les fans ne veulent pas en entendre parler.

Judas, Brutus, Lorenzo de Médicis, Talleyrand, Éric Besson… Les grandes pages de l’histoire ont souvent été noircies au rythme des agissements des grands traîtres. Ces personnages qui, à un moment donné, se sont dit que le monde avait besoin d’un coup d’accélérateur, et qu’ils étaient les seuls à pouvoir influer sur le cours des choses. Ou tout simplement qui, à un instant précis de leur histoire personnelle, ont tout envoyé valser, l’honneur, l’amitié, leur réputation, pour rejoindre le camp de l’ennemi. Royaume du drame, terre des passions, empire du déchaînement des émotions, le football n’échappe évidemment pas à la règle. La table des matières du grand roman des traîtres du ballon rond, c’est Michael Laudrup qui gagne 5-0 avec le Barça contre le Real en 1994, puis qui gagne par le même score avec Madrid contre Barcelone un an plus tard. C’est Figo qui devient le joueur le plus cher de l’histoire en effectuant le même trajet, et récompensé par un Ballon d’or, deux Liga, une Ligue des champions, et une tête de porc. C’est Sol Campbell qui devient le premier joueur à oser la galipette de Tottenham vers Arsenal. C’est ce camion poubelle moitié couleur de City, moitié couleur de United, qui tourne dans les rues de Manchester en 2011 pour que les fans des deux équipes mancuniennes y balancent leur maillot de Tévez. C’est la glissade de célébration d’Adebayor devant les fans d’Arsenal, la joie de Cana après son but face au PSG au Vélodrome, ou le Marseille-Lyon de 2015, ses pantins de Valbuena pendus en tribune, et ce match interrompu vingt minutes à cause du chaos ambiant.

Piquionne, compréhensif malgré tout

Afin de comprendre ce qui passe par la tête de ces joueurs qui commettent l’irréparable, la parole est à la défense, ici incarnée par Frédéric Piquionne, qui avait déchaîné les enfers en quittant Saint-Étienne aux forceps, pour rejoindre Lyon une saison plus tard : « Le mot traître, il vient de la haine ! Quand un supporter te parle du club rival, il a de la haine dans les yeux. Le mot traître est sur la même ligne. C’est un mot très, très, très fort. » Pourtant, les joueurs concernés ont bien conscience des risques auxquels ils s’exposent, et tentent parfois de jeter toute la responsabilité sur les clubs tout puissants. Plusieurs années après son transfert surprise de l’OM au PSG, Peter Luccin, né et élevé à Marseille, mettait encore les points sur les i : « Je vais m’expliquer une bonne fois pour toutes sur ce transfert. Je suis à Vichy en préparation, et je reçois un coup de fil dans ma chambre. On me dit que le taxi est en bas, qu’il faut que j’aille à Paris. Une fois dans la voiture, je me rends compte que le deal entre Marseille et Paris était fait avant même que j’accepte. » Forcément, le Parc des Princes ne l’acceptera jamais, et surtout ne lui pardonne pas de marcher sur les plates-bandes de Pierre Ducrocq, mascotte parisienne. Luccin joue devant des banderoles « Luccin 100 % parisien ? Mission impossible ! » , ou « Si tu n’as pas la foi, ne reste pas ! » , et s’en va au bout d’une seule saison. « Je peux me mettre dans la peau d’un supporter. C’est mon club, celui de mes ancêtres. Quand un joueur arrive dans le club ennemi, ça fout la haine. C’est comme si ta femme allait avec ton meilleur ami » , analyse Piquionne, compréhensif envers l’acharnement des fans.

L’estomac de Vahid, le prestige de Figo

Pire des cas s’agissant du championnat de France, le passage de Paris à Marseille presque toujours impossible à faire accepter. « Hier soir, quand je suis rentré chez moi, je vous le dis franchement, j’ai vomi » , avait affirmé Vahid Halilhodžić lors d’une conférence de presse devenue mythique après le départ de Fabrice Fiorèse à la toute dernière minute du mercato 2004. Fiorèse s’en allait rejoindre Frédéric Déhu, arrivé un peu plus tôt dans l’été, et qui avait quitté Paris en larmes après une finale de Coupe de France passée à se faire siffler. Au rang des explications des joueurs, au choix, l’argent ou le défi sportif. « C’était beaucoup d’argent pour Marseille. C’était treize ou quatorze millions quand même » , avançait Luccin, quand Piquionne se souvient de ses ambitions d’antan : « On sait qu’on s’expose à des réactions du public. Mais l’OL, c’était l’équipe où il fallait jouer. Donc quand il y a un intérêt, on ne reste pas insensible aux appels du meilleur club français du moment. » Même son de cloche de l’autre côté des Pyrénées, où Figo a toujours juré ne pas avoir pensé à l’argent au moment de signer au Real, et avoir avant tout réfléchi au terrain : « Je pense que c’était la meilleure décision pour ma carrière, car j’ai gagné beaucoup de titres, du prestige et de l’expérience. » Un footballeur ne venant pas de la ville où il joue peut-il se sentir possédé par la même impression d’appartenance que les supporters, et leur jurer l’exclusivité ? Piquionne ne le croit pas : « Ma région, c’est la région parisienne. Je viens pour bosser et donner le meilleur de moi-même, mais je ne me voyais pas vivre à Saint-Étienne après ma carrière. Je ne suis pas de là-bas, pas de la région. Mes racines, elles sont aux Antilles ou à Paris. »

Le retour du fils honni

Grand moment attendu par tous, le retour au bercail. Toujours une épreuve, surtout quand on a la bonne idée de marquer. Comme Gomis, pour son premier match face à Sainté avec le maillot lyonnais en octobre 2009. Entré sous une bronca à la 83e minute, Bafé offre la victoire à l’OL et célèbre son but avec le banc de touche. Les supporters lyonnais l’adoptent dans la foulée, même si Gomis n’oublie jamais de rester courtois envers les Verts, comme lorsqu’il déclarait en 2012 être heureux de les voir dans les premiers du championnat : « Je suis content et surtout, félicitations à eux. Voir les Verts dans le haut de tableau, ça fait plaisir. » Le retour de Piquionne à Geoffroy-Guichard avait au contraire tourné à la catastrophe. Match pourri, glissade ridicule, expulsion… « C’est des moments spéciaux, on est fébrile, très stressé, on a envie de bien faire donc et on tombe dans le panneau » , se remémore-t-il. L’histoire récente se souviendra aussi qu’un Brésilien nommé Ilan a osé passer de l’AC Ajaccio à Bastia, ou encore que William Gallas a écumé les clubs de Londres, passant coup sur coup de Chelsea, à Arsenal, à Tottenham. L’histoire encore plus récente, celle de cet été, a vu Mario Götze tout oser en revenant à Dortmund après trois saisons en demi-teinte à Munich. Puis Alcácer faire pleurer tout Valence en partant pour Barcelone, même si les réactions les plus virulentes sont venues des bouillants Napolitains, furieux contre Higuaín, entre maillots jetés et pizzaïolos annonçant des réductions à chaque blessure de l’Argentin. Le tout couronné par une déclaration sans appel de Francesco Totti : « Higuaín, c’est un désatre. » Facile à dire, quand on est l’homme d’une seule femme depuis vingt-cinq ans.

Par Alexandre Doskov

Propos de Frédéric Piquionne recueillis par AD

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