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Qu’est-ce qui cloche avec Moutinho ?

Par William Pereira
Qu’est-ce qui cloche avec Moutinho ?

Il a été qualifié de star, de numéro dix, comparé à Iniesta et a coûté 25 millions à Monaco à une époque où Rybolovlev n'avait pas de problèmes financiers. Trop de sous, trop de bruit et donc trop d'attente. João Moutinho n'est finalement pas celui que l'on croyait. Il paraîtrait même qu'il est nul. Mais il semblerait aussi et surtout que ce soit un tout petit peu plus compliqué que ça.

Y a-t-il eu méprise sur João Moutinho ? L’AS Monaco s’est-il fait arnaquer par le FC Porto en déversant un peu plus de 25 millions d’euros pour s’attacher les services du chouchou de Pinto da Costa à l’été 2013 ? Ou bien alors, est-il tout simplement un incompris, comme a pu l’être son ancien coéquipier Lucho González à l’OM ? Autant de questions que se posent sympathisants monégasques, amoureux de la Ligue 1 – oui, ça existe – et spécialistes en tous genres au sujet du milieu portugais qui attise chez ces gens curiosité et indignation. Curiosité, car il est difficile de dire si João Moutinho est bon ou mauvais depuis son arrivée sur le Rocher. Il a eu de bonnes périodes, comme lors de ses premières semaines en Ligue 1 l’année dernière, et des moins bonnes. Un peu comme tout le monde, en fait. Indignation, car justement, le relayeur formé dans la prestigieuse « academia » du Sporting ne devrait pas être comme le commun des joueurs de notre championnat. On l’a vu briller sous le maillot du FC Porto et lors de l’Euro 2012 – il avait été monstrueux contre les Pays-Bas et l’Espagne – et c’est à ce niveau que l’on exige de le voir évoluer chaque week-end. Et puis il y a surtout son prix. 25 millions d’euros. Encore et toujours l’argent, le même dont la masse s’était servie comme argument pour minimiser l’importance d’un Lucho González dans le collectif de l’OM. Le même qui avait empêché à André-Pierre Gignac d’avoir droit à un temps d’adaptation digne de ce nom en arrivant au Vélodrome et surtout, le même qui avait pris le pas sur le talent aussi fou qu’irrégulier de Javier Pastore jusqu’à son but contre Chelsea au Parc. João Moutinho a coûté cher, donc il doit dribbler, humilier et marquer. C’est là qu’il y a méprise. De fait, la première erreur aura été de le considérer comme un numéro 10, et de le médiatiser en tant que tel.

Scoop : Moutinho est un 8

Depuis ses débuts au Sporting, à même pas vingt piges, jusqu’à son arrivée à Monaco l’année dernière, Moutinho a toujours été un relayeur. Il lui est arrivé de jouer un peu plus haut, comme dans le Porto d’André Villas-Boas ou plus régulièrement en équipe nationale, mais jamais on ne l’a cantonné à un rôle de « playmaker » . Techniquement, le Portugais possède pourtant quelques arguments : on le voit souvent faire la différence sur un contrôle, un râteau, un crochet, une passe… Bref, sa palette technique est suffisamment élargie pour en faire un joueur au-dessus de la moyenne. La seule chose qui lui fait défaut pour pouvoir jouer plus haut, c’est un coup de rein. Moutinho sait éliminer des joueurs, oui, mais pas à l’arrêt. Il peut faire un crochet pour se donner de l’espace afin d’écarter le jeu, de faire une passe en retrait ou de tirer. Mais il réussira difficilement à aller de l’avant s’il reçoit le ballon en marchant. Ce détail n’en est pas un, car c’est précisément la raison pour laquelle le Portugais a parfois du mal à se montrer efficace depuis sa signature chez le vice-champion d’Europe 2004. À Porto, il évoluait très près du 6 en phase défensive pour mieux pouvoir se lancer vers l’avant et se servir de l’autre 8 (Guarín en 2011, Lucho après) ainsi que des ailiers lorsque l’équipe récupérait le ballon. En d’autres termes, João Moutinho aime les relais, les une-deux. Et pour ce faire, il a besoin d’évoluer dans un bloc resserré, ce qui n’a été le cas ni avec Ranieri, ni maintenant avec Jardim. L’espace entre les lignes est beaucoup trop grand pour que le Portugais puisse se servir de qui que ce soit comme appui pour progresser sur le terrain. Ferreira Carrasco et Ocampos sont des joueurs de profondeur et seul Berbatov peut lui fournir ce précieux soutien dont il a besoin pour exister. Mais cela ne suffit pas. À Porto, Moutinho n’avait pas que Guarín ou Lucho. Il avait Falcao, il avait Hulk, et il avait… James. Il est d’ailleurs intéressant de souligner que les rares fois où Moutinho a été intéressant en Ligue 1, il jouait derrière un 10 de formation (quand James jouait dans l’axe et pas sur les côtés ou quand Jardim a aligné Bernardo Silva dans l’axe). Il n’y a que dans cette configuration que le relayeur lusitanien peut s’exprimer. Autrement, il continuera de faire ce qu’il fait depuis un an et demi : des passes en retrait, des passes latérales ou des grandes ouvertures qui aboutissent une fois sur cinq.

« C’est un meneur »

Le hic, c’est que pour faire rentrer un dix dans le système actuel, il faudrait sacrifier Kondogbia pour Bernardo. Problème, cela créerait un déséquilibre. Deux nains et Toulalan, c’est trop léger dans un championnat où il faut jouer des coudes et faire sonner les tibias pour remporter la fameuse « bataille du milieu de terrain » . Monaco en a donc besoin. Faut-il donc laisser l’ancien capitaine du Sporting sur le banc et instaurer, pourquoi pas, un milieu Toulalan-Kondogbia-Silva ? Ce serait culotté et pas forcément rentable. Car si le rendement offensif de Moutinho est hautement perfectible, son intelligence tactique et sa vaillance font de lui un redoutable ratisseur de ballons. Contre Leverkusen et le Zénith, il a récupéré un grand nombre de ballons dans le camp adverse, permettant ainsi à Monaco de jouer plus haut et donc de s’approcher plus vite du but. Le fameux travail de l’ombre que Kondogbia a récemment évoqué pour défendre son pote, qu’il a également qualifié de « meneur sur et hors du terrain » . À défaut d’être spectaculaire, João Moutinho est donc important. Il respecte et applique correctement les consignes qui lui sont données, se montre rarement décisif, mais porte très rarement préjudice à son équipe. Il n’est ni excellent, ni mauvais. Et si, finalement, il ne pouvait pas faire mieux que cela en Ligue 1 ? Et si la France n’était tout simplement pas faite pour lui ? Ce championnat n’est-il pas trop dense, trop statique, trop costaud et trop lent pour lui ? Jusqu’à preuve du contraire, si. Mais de nos jours, il est possible de se refaire une réputation en sortant un gros match au bon endroit et au bon moment. Le Parc vient d’être témoin d’une victoire du PSG sur le Barça. Le bon endroit, et le bon moment, donc…

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