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Que reste-t-il de l’Athletic de Madrid ?

Par Robin Delorme, à Madrid
Que reste-t-il de l’Athletic de Madrid ?

Plus d'un siècle après leur naissance, les Colchoneros retrouvent ce samedi leur géniteur basque. Créé sous l'impulsion d'étudiants basques et supporters des Leones, l'Athletic de Madrid se voulait originellement une filiale du grand frère de Bilbao.

De prime abord, la calle O’Donnell ne cache aucun vestige footballistique. Artère centrale de Madrid, cette rue regorge de bureaux, de troquets et d’appartements. Bref, rien de bien fou. Un siècle avant notre temps, la ferveur y est alors tout autre. Premier terrain de football de la capitale, le campo O’Donnell – ou l’estadio O’Donnell, c’est selon – abrite la première finale du championnat d’Espagne, actuellement connu sous l’appellation de Copa del Rey. En ce 8 avril 1903, ladite rencontre oppose le Madrid Football Club, ancêtre du Real, à l’Athletic de Bilbao. Parmi les cinq milliers d’aficionados présents, les Basques sont les heureux vainqueurs du tournoi. Mais plus que ce 3-2 infligé aux locaux d’un jour, cette rencontre donne une drôle d’idée à Ramon de Arancibia, les deux frangins Ignacio et Ricardo Gortazar, Eduardo Acha et Manuel de Goyarrola. Étudiants basques de l’université des ingénieurs des mines expatriés dans la capitale de Castille, ils décident alors de créer une filiale des Leones : le 26 avril de la même année, l’Athletic Club Succursale de Madrid voit le jour.

Entre Southampton et Blackburn

Pour ce, Eduardo Acha profite d’un déplacement familial pour se rendre à Bilbao. Accueilli par les premiers dirigeants de l’entité basque, son projet reçoit enthousiasme et approbation. Les statuts du petit frère de l’Athletic Club sont alors des plus basiques : « Il sera régi par le même règlement, en tant que succursale, et la cotisation mensuelle sera de 2,50 pesetas, comme dans ladite société » . De fait, les maillots respectent la tradition anglaise découlant des marins britanniques en stationnement dans le port bilbayen. Les maillots offrent deux rayures, blanche et bleue, et les shorts se partagent entre le même bleu et le noir. Des couleurs qui sont directement importées de Blackburn et de son club des Rovers. En 1911, patatras : l’émissaire basque envoyé en Grande-Bretagne ne retrouve pas le même équipement. Celui de Southampton, ses rayures blanches et rouges pour le jersey et son short noir, fait l’affaire et atterrit dans les vestiaires de Bilbao. À Madrid, la filiale adopte également les nouveaux maillots, mais conservent le short bleu. Aujourd’hui encore, les deux clubs se parent de la même façon.

Considérant les deux équipes comme un seul et même club, la Fédération espagnole interdit à l’Athletic Bilbao et à l’Athletic de Madrid de s’opposer dans une rencontre officielle. Pour autant, ces deux faux frères s’octroient quelques échanges de joueurs au cours des premières saisons. Justement, le premier match de la filiale madrilène se déroule le 2 mai 1903. L’arbitre de la rencontre est alors Enrique Goiriki, trésorier, et les joueurs des deux équipes se composent de socios des deux clubs. Le terrain se trouve lui à quelques centaines de mètres du campo O’Donnell, de l’autre côté du Parc du Retiro et à la frontière du quartier de Vallecas. Alors président, l’avocat Enrique Allende, dont l’amour pour le cuir laisse à désirer, délaisse rapidement son siège à Eduardo Acha, figure paternel de l’Athletic madrilène. Grâce à l’énergie de son homme fort, l’Athletic à l’accent castillan participe à sa première rencontre officielle en 1906, à l’occasion du championnat de Madrid des clubs de football. De saison en saison, il gagne en indépendance et la déclare officiellement en 1921. Le petit frère s’émancipe alors.

L’Aviacion, équipe de détente des soldats

De succès en échec, l’Athletic Club de Madrid connaît les aléas de tout club de football. La guerre civile, entamée en 1936 et terminée en 1939, brise alors un élan qui lui coûte son nom et son identité, ouvrière et socialiste. Car, au lendemain du tragique conflit espagnol, le club connaît alors une dette de plus d’un million et demi de pesetas, mais ne compte plus qu’une demi-douzaine de joueurs. Son stade, alors dans le quartier de Vallecas, est lui intégralement détruit. À cause de cette situation, la Fédération de football, contrôlée par le pouvoir franquiste, le pousse alors à se jumeler avec l’Aviacion Nacional, équipe créée durant le conflit pour « détendre les soldats basés à Salamanque » . L’officialisation de ce jumelage arrive le 4 octobre 1939 et le club prend le nom d’Athletic Aviacion Club. Définitivement renommé Club Atlético de Madrid en janvier 1947, il reprend alors son fanion d’origine, mais ne conserve plus aucun lien avec son géniteur basque. Pis, son identité se retrouve mêlée entre aficionados originels, populaires, et la ligne droitière de l’Espagne de Franco et de son armée. Aujourd’hui ne restent des vestiges de l’Athletic Club Succursale de Madrid qu’un maillot et un short.

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