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Que doit-on attendre du retour de Saint-Étienne en Ligue 2 ?
Dix-huit ans après, Saint-Étienne s’apprête à retrouver la Ligue 2. Après une fin de saison dernière cauchemardesque, rythmée par les déceptions sportives et les huis clos, le chantier de reconstruction s’annonce colossal pour ce club mythique aux dix titres de champions de France. Mais à quoi doit-on s’attendre ? État des lieux avant le premier match de la saison.
29 mai 2022, 21h50. L’ASSE est au bord du gouffre. Dans une séance de tirs au but décisive lors du match retour des barrages, l’Auxerrois Birama Touré a au bout du pied le penalty synonyme de remontée vers l’élite. L’international malien ne tremble pas et expédie les Verts en enfer. Quelques secondes après ce tir victorieux, le Chaudron s’embrase. Le terrain est envahi par des milliers de supporters stéphanois, verts de rage. Pétards, fumigènes, bombes lacrymogènes, l’enfer est bien là. Bilan de cette triste soirée : une trentaine de blessés légers. Une situation lunaire qui a fait craindre le pire à Roland Romeyer, co-actionnaire du club : « J’ai vraiment eu peur que des comportements irresponsables n’entraînent la mort et que la pelouse de Geoffroy-Guichard ne soit, à jamais, tachée de sang. »
C’est sur ce brasier que Saint-Étienne a dû composer pour relever la tête dès cet été. Épargnés par la DNCG, contrairement à leurs homologues girondins, les Verts ont pu profiter d’une petite accalmie. « On a vécu, il y a maintenant un mois jour pour jour, une véritable déflagration. Désormais, on a hâte de passer à une nouvelle saison. Lors du mois qui vient de s’écouler, nous ne sommes pas restés inactifs. De la Ligue 1 à la Ligue 2, il a fallu passer d’un budget de 70 à 30 millions », assurait Jean-François Soucasse, le président exécutif, en conférence de presse. Mais le sujet de la vente du club reste sur toutes les lèvres. Tandis que la direction, composée du triumvirat Romeyer-Caïazzo-Soucasse, reste accrochée au club forézien comme une moule à son rocher, l’exaspération des supporters se transforme en résignation. Le board stéphanois serait trop gourmand en affaires. Dernier chiffre avancé : 20 millions d’euros. Depuis l’échec des négociations avec l’homme d’affaires David Blitzer, aucune offre sérieuse ne serait arrivée sur la table alors que le projet de vente s’éternise depuis près de quatre ans.
« Papy » fait sa révolution
Si du point de vue des dirigeants rien ne semble bouger, au niveau du sportif, de grands changements ont eu lieu. Après avoir remercié Pascal Dupraz à la suite de l’échec de sa mission de sauvetage, les dirigeants stéphanois ont officialisé le 29 juin l’arrivée de Laurent Batlles. Le natif de Nantes a tout du bon profil. Après avoir terminé sa carrière sous le maillot de l’ASSE à 36 piges, « Papy » commence sa reconversion. Entraîneur-adjoint des U15 Nationaux du club avant de prendre en charge la réserve, il poursuit sa progression linéaire en devenant l’adjoint de Christophe Galtier. La suite est plus connue, après avoir pris les rênes de l’ESTAC, il parvient en deux saisons à faire monter Troyes en remportant le championnat de Ligue 2. Après son aventure dans l’Aube, qui s’est terminée en décembre 2019 d’un commun accord, la suite logique pour le jeune technicien aurait été de trouver un club évoluant dans l’élite du football français, mais la tentation d’entraîner un club historique était trop grande : « Venir en Ligue 2, je ne le voyais presque qu’à Saint-Étienne. Ce n’est pas un manque d’humilité, mais j’ai vécu des choses lors de mon passage à Troyes, je voulais grandir et essayer d’entraîner une équipe de L1 dans la durée, mais quand on m’a proposé ce projet-là, il me paraissait intéressant de le relever. »
La descente en Ligue 2 a poussé de nombreux cadres à quitter le navire. Hamouma, Khazri, Kolodziejczak, Boudebouz ont laissé la place à des joueurs taillés pour la L2 comme Briançon, Giraudon, Lobry ou encore Cafaro et aux meilleurs jeunes du centre formation que le staff souhaite intégrer dans le groupe. Un recrutement cohérent, coordonné par Loïc Perrin, au vu du faible champ d’action du club sur le marché des transferts. Pour ce qui est du schéma tactique, Laurent Batlles l’a annoncé, il souhaite installer durablement un système avec trois défenseurs axiaux. Seule ombre au tableau, l’absence d’un avant-centre fiable à la veille de cette nouvelle saison. Les noms de Grbić et Tardieu circulent ces derniers jours, mais rien n’est officiel. Annoncé sur le départ depuis plusieurs semaines, Denis Bouanga serait proche de s’envoler pour la MLS pour rejoindre Gareth Bale et Giorgio Chiellini aux Los Angeles FC. Une épine dans le pied stéphanois quand on sait que les équipes qui sont parvenues à s’extirper de la Ligue 2 pour rejoindre l’élite ces trois dernières saisons ont marqué en moyenne 55 buts (le plus faible total étant Lens en 2019-2020 et Ajaccio la saison dernière avec 39 buts marqués).
Garder les pieds sur terre
Mais quel est réellement l’objectif des Verts pour cette saison ? Le fameux « On joue le maintien » de Guy Roux ne fonctionnerait pas ici. Si beaucoup de supporters rêvent d’une remontée immédiate, Laurent Batlles souhaite, pour le moment, garder les pieds sur terre : « Il y a un projet sur deux ans. Après on est des compétiteurs, l’ambition c’est d’essayer d’être le plus haut possible, mais j’ai fonctionné à Troyes en essayant de passer des paliers. Toutes les 10 journées, je ferai un bilan, et en fonction de ce bilan à la 30e journée, on verra où on se situera. »
Après avoir pris un bon bol d’air frais en stage de préparation à La Plagne et avoir enchaîné cinq matchs amicaux (2 victoires, 2 nuls, 1 défaite), les Stéphanois s’apprêtent à lancer la saison avec déjà quelques handicaps. À la suite des graves incidents survenus lors du match retour face à Auxerre, la Ligue de football professionnel (LFP) a infligé à l’ASSE six points de pénalité (dont trois avec sursis) et six matchs à huis clos (dont deux avec sursis). Pour compliquer encore la tâche de l’ASSE, l’exercice 2022-2023 est marqué par la suppression des play-offs et des barrages. Conséquence, seuls les deux premiers de Ligue 2 retrouveront l’élite. La première étape de ce renouveau s’écrira ce samedi face à Dijon. Privés de Chaudron jusqu’au mois d’octobre, les supporters stéphanois seront présents par milliers dans les travées de Gaston-Gérard. Une occasion parfaite pour renouer avec la victoire, qui leur échappe depuis le mois d’avril en championnat, et raviver la flamme.
Par Thomas Morlec