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Les tournois de quartiers, un terrain d'engagement

Par Nesrine Bourekba, à Lyon

Le week-end passé, le quartier Paul-Santy à Lyon est devenu le théâtre d'un tournoi de football pas comme les autres. Organisé par le Comité Populaire d'Entraide et de Solidarité (CPES), cet événement dépasse le cadre sportif pour devenir un acte de soutien à la Palestine et une occasion de sensibilisation politique.

Les tournois de quartiers, un terrain d'engagement

Ce samedi 20 juillet, la chaleur est écrasante dans le quartier Paul-Santy dans le huitième arrondissement de Lyon. Alors que le tournoi de foot prévu à 17h se met lentement en branle, Julie, membre du Comité Populaire d’Entraide et de Solidarité (CPES), annonce qu’ « il n’y a eu que deux équipes qui se sont inscrites », soit 13 de moins que lors du tournoi précédent. Une nouvelle qui n’a pas l’air d’inquiéter. « Une fois qu’on sera installé les gens viendront, c’est toujours comme ça » ajoute-t-elle. Organisé par le CPES – un comité de quartier qui lutte pour que les habitants du quartier aient une vie plus décente – ce tournoi de foot n’est pas uniquement un événement sportif. Annoncé comme étant un tournoi de soutien à la Palestine, « l’objectif est de pouvoir ramener de la politique dans le quartier, mais par un biais plus attractif », explique Eve, elle aussi membre du CPES. « On a choisi la Palestine, car c’est un sujet qui fédère dans les quartiers populaires, mais surtout qui met en lumière un problème étatique. Comme la question des violences policières, le délaissement des quartiers populaires par l’État », complète Julie tout en précisant que le tournoi est organisé en collaboration avec La Fosse aux Lyons, un comité lyonnais de soutien à la résistance palestinienne.

Jules Koundé en exemple

« Regarde, on a que des terrains de foot ou de basket, jamais tu verras des terrains de tennis ici », lance Nadia, une habituée des événements pro-palestiniens lyonnais. En effet, ce n’est pas moins de trois terrains de foot qui sont visibles aux alentours depuis le terrain principal où a lieu le tournoi. Preuve d’un sport qui reste accessible à tous ou du moins dans la pratique. « Il suffit de quelques potes, d’un terrain et d’un ballon et le tour est joué », rajoute Eve. Pour ce qui est de l’apparent état de décrépitude de ces terrains, il faut y voir là un symbole de la marginalisation des quartiers populaires dans la politique de la ville. « Il faut remettre des infrastructures et des activités, il ne faut pas oublier que des gens habitent ici et qu’il faut proposer les mêmes services que dans toute la ville », continue celle qui est au comité depuis plus d’un an et demi. Une dimension politique qui, pour beaucoup, se reflète dans le monde du foot de manière générale. Nadia déplore cette volonté de « criminaliser le fait de lier le sport à la politique, alors que c’est souvent un biais de lutte sociale  ».

C’est normal de se rassembler quand on sait qu’il y a un génocide en cours et qu’on parle de 75 ans de colonisation, mais ça fait du bien de le faire dans un contexte plus sympa, on va dire.

Karim, habitant de Paul-Santy

C’est seulement vers 18h30 que le tournoi débute, soit une heure et demie après l’heure initiale. Environ 60 personnes de 12 à 30 ans sont présentes et ce sont finalement 6 équipes qui sont inscrites. Le premier match oppose le FC Palestino à La Fosse aux Lyons et commence sous les cris des spectateurs installés autour du terrain, mais aussi des joueurs. « Aller Anthony, tire putain ! », lance Wilson à son coéquipier. Les deux jouent en club, un au LOSC (Lyon Ouest SC) et l’autre au FC DOMTAC, dans l’ouest lyonnais. Les deux jeunes se sont déplacés du neuvième arrondissement jusqu’à Paul-Santy. « On a grave kiffé le premier tournoi, on joue, il y a une bonne ambiance et on rencontre des gens. Ça occupe nos vacances », confie Wilson, avant que son coéquipier pour l’été ne rajoute « et en plus, on est là pour la bonne cause ». Quand on leur parle de foot et de politique, les deux prennent l’exemple de Jules Koundé. « Lui au moins il se mouille et il a raison, le foot, c’est grave politique surtout en ce moment. » Un tournoi à l’ambiance festive et solidaire malgré un sujet et une actualité compliqués. « C’est normal de se rassembler quand on sait qu’il y a un génocide en cours et qu’on parle de 75 ans de colonisation, mais ça fait du bien de le faire dans un contexte plus sympa, on va dire », confie Karim, venu regarder ses amis jouer.

En attendant les olympiades

Un mégaphone circule entre les mains des organisateurs et des enfants, chacun y allant de son commentaire, qu’il soit footballistique ou politique. Des crêpes, des boissons et des glaces sont offertes à tous, renforçant l’aspect convivial de cet après-midi. Pendant que certains disputent un match, d’autres s’approchent de la table de presse mise à disposition à l’occasion de ce tournoi. On y retrouve de la documentation sur la Palestine, sur les luttes menées par le CPES, mais aussi des stickers, affiches, t-shirts ou encore des bobs mis en vente. « Tous les bénéfices seront reversés dans la cagnotte qu’on a lancée pour aider un centre culturel à Naplouse », explique une des personnes assises derrière cette table.

Après une dizaine de matchs disputés, de deux mi-temps de 5 minutes chacun, la finale, opposant le FC Palestino à l’équipe des Dragons commence. Une rencontre qui a lieu sous un ciel gris effaçant la chaleur du début de tournoi. La pluie fait même son apparition avant que de grosses averses ne dispersent petit à petit la foule. Les plus téméraires s’abritent sous des arbres tout en criant pour supporter les finalistes. « Aller, vous êtes les meilleurs, vous êtes des vaillants », scande un homme, tandis que d’autres annoncent rentrer chez eux. Le FC Palestino tient sa victoire, comme un symbole. « C’est quand le prochain tournoi ? », lance un jeune. S’il n’y a pas de date fixée, c’est la preuve d’un pari gagné pour les membres du CPES, qui par le biais de ces tournois de foot animent non seulement le quartier, mais surtout la vie politique de ce dernier. À la fin de l’été, ce sont en revanche l’heure des Olympiades « pour faire la promotion d’une lutte pour une salle qu’on mène avec les femmes du quartier de Viviani », explique Julie. Il n’y a malheureusement pas assez de week-ends dans l’année pour mener tous ces combats.

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Par Nesrine Bourekba, à Lyon

Propos recueillis par NB, Photos : NB.

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