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Quand le PSG a raté son virage « banlieue »

Par Mathieu Faure
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Il y a un peu plus de 15 ans la direction du PSG voulait surfer sur la vague « Black-Blanc-Beur » du Mondial 98. L'idée était la suivante : faire du club de la capitale un avatar des banlieues, à savoir recruter des jeunes joueurs français issus de l'immigration, à très fort potentiel, et faire de Paname un club qui rassemble toute une région. Ce PSG, c'était celui de l'été 2000 : Anelka, Dalmat, Luccin, Mendy, Distin. Un club qui s'est ruiné sur le marché des transferts avec l'idée de devenir champion de France. Un bide monumental, forcément.

C’est l’histoire d’une présentation officielle que personne n’a oubliée. Samedi 22 juillet 2000, le PSG joue un match amical contre les Corinthians au Parc des Princes. À la pause, le très classe président parisien Laurent Perpère présente sa nouvelle recrue au public. Il a 21 ans, vient de gagner la Ligue des champions avec le Real Madrid et a coûté 220 millions de francs. « Il » , c’est Nicolas Anelka. Lunettes de soleil sur le crâne, débardeur blanc en fourrure, jambe droite de pantalon relevée jusqu’au genou, Nico est de retour dans son club formateur dans une dégaine digne de Trace TV. Il portera le numéro 9. C’est « la » star d’un recrutement estival incroyable. Incroyable car cher (plus de 500 millions de francs dépensés) et ciblé. En avril, lorsque l’idée de recruter Anelka émerge au sein du PSG, le sportif apparaît au second plan. Au sein du club, une idée bruisse : « Si on a l’argent pour faire venir Anelka, il faut y aller à fond, car il peut ouvrir de nouveaux horizons en Île-de-France » , se dit-on dans les arcanes du club de Paname. Ou comment le PSG s’est lancé dans un recrutement « banlieue » pour mieux s’approprier son propre territoire. Outre Nicolas Anelka, Sylvain Distin, Bernard Mendy, Peter Luccin et Stéphane Dalmat arrivent. Ils sont jeunes et ambitieux, parfois vicieux, mais ils veulent surtout être les princes de la ville. Même si le PSG se retrouve obligé de racheter Anelka pour une somme quarante-quatre fois supérieure à son prix de vente à Arsenal en 1997, le jeu en vaut la chandelle. À l’été 2000, Laurent Perpère ose d’ailleurs tout, même les folies : « Le titre et les quarts de finale de la Ligue des champions » . Lors de son intronisation, Perpère s’offre même une envolée sociologique sur Nico9 : « C’était important d’avoir quelqu’un qui représente Paris et ses origines. » Ce à quoi Anelka adhère complètement : « Je représente la banlieue parce que je viens de Trappes. Il y a un travail à effectuer auprès des jeunes de banlieue qui veulent réussir. Et on va travailler ensemble pour aboutir à quelque chose » , étaye-t-il dans la foulée. Le message est donc clair. Ce PSG sera jeune, représentatif de la banlieue et symbole de réussite sociale. L’idée est novatrice, mais soumise à un aléa sportif : les résultats.

4-4-2 losange, attaque de feu

En mai, déjà, quand Stéphane Dalmat quitte l’OM pour Paris, le projet semble colossal. Luccin embraye le pas avec des contrats sur six ans et des salaires astronomiques pour l’époque (800 000 francs par mois). Avant même l’ouverture du championnat, Dalmat évoque les objectifs très élevés des Parisiens. « Avec tous les efforts consentis au niveau du recrutement, il nous faut au moins un titre de champion ou les deux Coupes nationales. Car la C1, ça semble difficile. On a une grosse pression, on va nous mettre l’étiquette de favoris, et c’est normal. À nous d’assumer. » Philippe Bergeroo, habitué à rouler en familiale, se voit confier une Ferrari. Sur le circuit, l’ancien membre du staff de France 98 va s’envoyer sur un 4-4-2 en losange avec Peter Luccin en pointe basse, Laurent Robert et Stéphane Dalmat sur les côtés, Jay-Jay Okocha en numéro 10 pour filer des caramels à un duo Anelka-Christian en pointe. Le banc ? Ali Benarbia, Laurent Leroy, Pierre Ducrocq, Igor Yanovski. Et comme prévu, les débuts sont fracassants. Après sept matchs de L1, le PSG a déjà marqué 17 buts. La génération rap va vite et le style est dynamique et réaliste, même si Bergeroo tâtonne tactiquement. Okocha, Benarbia, Dalmat, le coach ne sait pas comment jouer avec ses meneurs. Après un déplacement à Munich en Ligue des champions, Ali Benarbia est même écarté de l’équipe. Sa faute ? Avoir partagé sa chambre avec une amie. La légende urbaine raconte que c’est la facture de la piaule – avec deux petits déjeuners – qui l’a trahi. Pas grave, l’équipe tourne bien. C’est encore bancal, mais la puissance offensive fait le reste en dépit d’un manque flagrant de sérieux en interne. En fait, il manque un taulier dans cette équipe. Bernard Lama n’est plus là. Les historiques non plus. C’est le bizut Frédéric Déhu qui a la charge d’encadrer cette jeunesse dorée. Mais tout semble oublié quand le PSG, avec dix Français titulaires, en passe sept à Rosenborg au Parc des Princes. C’est la première fois depuis la création de la Ligue des champions qu’une équipe trouve sept fois le chemin des filets à domicile. Cette soirée fait du bruit. Trop sans doute.

Rosenborg, l’apogée

On voit alors le PSG trop beau. Et comme souvent avec Paris, la chute n’est pas loin. Trois jours après Rosenborg, Bordeaux vient l’emporter au Parc. Les Girondins peuvent compter sur… Alain Roche, un ancien de la maison parisienne, et sur le double buteur du soir, un certain Pauleta. Après trois premiers mois superbes, Paris sombre à la septième place au milieu de l’automne. Dans cette tempête, Bergeroo perd pied progressivement. En plein mois de novembre, souvent propice à la crise au PSG, Nicolas Anelka prend la « plume » sur son site internet personnel pour suggérer dans un édito à son entraîneur de jouer avec un meneur de jeu. L’attaquant va plus loin puisqu’il glisse le nom de son ami Fabrice Abriel, alors en réserve, pour occuper le poste. Ce à quoi Bergeroo répond en conférence de presse : « Si je commence à prendre les cousins et les amis, on va finir à vingt-cinq… » Plus personne ne contrôle personne. C’est un bordel permanent. La rumeur Luis Fernandez – au chômage à l’époque – (re)prend du poids et fragilise le staff en place. Dans l’esprit des décideurs parisiens de l’époque, seul Luis, l’enfant des cités lyonnaises, saura driver cette équipe de jeunes loups.

Bergeroo et Napoléon III tombent à Sedan

Bergeroo place finalement sa tête sur le billot le 2 décembre. Le PSG joue à Sedan et va tomber comme Napoléon III. 1-5, une gifle. Une honte. Le PSG est dixième, et les joueurs ont choisi leur chef. Bergeroo est isolé. Dans la nuit, le board parisien va se réunir et rappeler Luis Fernandez aux manettes. En sauveur de la patrie. Pour son premier match, trois jours plus tard, Luis Fernandez joue à Galatasaray en Ligue des champions. Dans les tribunes du stade Ali-Sami-Yen, un proche du vainqueur de la C2 1996 qui n’aurait raté ça pour rien au monde : Francis Borelli. Pour bien marquer son territoire, Luis change tout (out le 4-4-2, welcome le 3-6-1), mais le PSG perd son cinquième match de suite toutes compétitions confondues. Alors que les jeunes – qui avaient pris le pouvoir dans le vestiaire – pensaient avoir trouvé un grand frère en la personne de Luis, c’est finalement un papa qui débarque. Pour botter des culs.

Dalmat, Luccin, Robert sont vilipendés par l’ancien chouchou de la porte de Saint-CLloud. Diviser pour mieux régner. Dès lors, Fernandez réintroduit Benarbia dans le groupe et hispanise son vestiaire au mercato d’hiver avec les arrivées de Mauricio Pochettino, Enrique De Lucas et Mikel Arteta. Dans le même temps, les anciens Didier Domi et Mickael Madar retrouvent Paris pendant que l’échange Dalmat-Vampeta s’officialise avec l’Inter Milan. Fernandez a tout bouleversé avec l’espoir de redresser la barre, mais ça ne change rien, l’équipe prend l’eau et s’offre des soirées chaotiques comme ce PSG-Auxerre en Coupe de France (0-4, 0-2 au bout de 5 minutes) ou encore le fameux déplacement à La Corogone où Paris en prend quatre alors que le club menait 3-0 au Riazor, sans oublier la réception de Galatasaray au Parc, match arrêté à la pause après des incidents entre les supporters turcs et le virage Auteuil (56 blessés). Rien ne marche. Bilan de la saison : une triste et incroyable 9e place. Aucun titre et une élimination en poule de C1. Tout va bien.

Avant de partir en vacances, Nicolas Anelka se livre dans L’Équipe sur le retour de Luis aux manettes : « Quand Luis est arrivé, le doute était déjà installé. Et après, c’est allé en empirant… Nos entraînements manquent de jus. Il n’y a pas de plan de jeu, aucun décalage, rien… » Bizarrement, personne ne s’inquiète pour l’avenir du PSG. Et pour cause, en janvier 2001, le club a officialisé le recrutement d’un môme de 20 ans avec des dents de cheval. L’étalon arrivera durant l’été. Son nom ? Ronaldinho. Finalement, le PSG n’était pas fait pour les banlieues. Son truc, c’est le clinquant. Définitivement.

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