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PSG : le bonheur d’être riche et vexé
Vice-champion de France, le PSG s’offre - en un mois - les capitaines du Real Madrid et des Pays-Bas, le vice-capitaine de l’AC Milan, ainsi qu'Achraf Hakimi et le capitaine du FC Barcelone, un certain Lionel Messi. Quatre d’entre eux étaient en fin de contrat mais c’est bien l’arrivée de l’Argentin de 34 ans, six fois Ballon d’or, qui donne au PSG 2021-2022 déjà une allure de n’importe quoi. Ou comment une bête blessée par la perte d’un titre de champion vient de s’offrir le mercato le plus impressionnant de son histoire – sur le papier – avant d’entamer une saison qui ne sera réussie que par le gain de la C1.
Depuis 2011, quand le PSG se plante en Ligue 1, les grandes manœuvres sont de sortie. De quoi tordre le cou à l’idée préconçue selon laquelle les propriétaires qataris ne s’intéressent pas au championnat de France. 2012 : Montpellier coiffe le PSG de Carlo Ancelotti pour l’Hexagoal, dans la foulée Zlatan Ibrahimovic, Thiago Silva et Ezequiel Lavezzi déboulent dans la capitale. 2017 : Leonardo Jardim et sa bande roulent sur la France et le PSG. La suite ? Daniel Alves, Neymar et Kylian Mbappé sont exfiltrés vers Paris. 2021 : Lille devient champion de France devant Mauricio Pochettino et son escouade. De quoi accouche le mercato estival qui suit ? Sergio Ramos, Gianluigi Donnarumma, Achraf Hakimi, Georginio Wijnaldum et Lionel Messi. Le tout sans perdre le moindre titulaire. Bref, quand Doha est vexé, la CB chauffe. Beaucoup. Sans plafond. Même si quatre des cinq recrues estivales sont arrivées sans la moindre indemnité de transfert, il faut être culotté pour affirmer que le PSG s’est offert cinq titulaires dont les capitaines du Barça et du Real pour seulement 60 millions d’euros. La mauvaise foi le permet-elle ? Évidemment. C’est le jeu.
Merci qui ? Merci Wuhan
Malgré tout, le PSG a surtout bénéficié de plusieurs circonstances pour renforcer considérablement son équipe. La crise sanitaire a mis à mal la plupart des grands clubs européens et notamment les deux géants espagnols. Dès lors, le marché des agents libres est devenu aussi excitant que celui de la NBA et à ce jeu, bien aidé par un actionnaire étatique riche comme jamais, le PSG peut encore se permettre d’allonger les millions et d’arroser les agents pour rapatrier dans la capitale les joueurs les plus convoités du circuit. Lionel Messi est donc un joueur du Paris-SG et aura la joie et l’honneur de découvrir la folie française : être interviewé dans une langue que seul Laurent Paganelli maîtrise les soirs de match, prendre des 3/10 dans L’Équipe, se faire ridiculiser par sa propre fanbase sur les réseaux sociaux, se faire mêler par Antoine Kombouaré ou Frédéric Antonetti un soir de novembre, jouer avec sponsor Pitch sur le torse un soir de janvier à Niort, bref, l’un des meilleurs joueurs de l’histoire de ce sport, destiné à ne jouer que pour un seul et unique club, va vraiment porter le maillot du Paris-SG en même temps que Neymar, Mbappé, Di Maria, Verratti, Sergio Ramos et Colin Dagba. Pour les amateurs du prochain opus de FIFA, c’est une très bonne nouvelle. Pour Mauricio Pochettino, coach parisien qui a flirté avec son ancienne régulière durant l’été et qui n’avait jamais rien gagné sur un banc avant son arrivée dans la capitale, c’est le début des emmerdes. Avec une telle équipe, l’Argentin n’a pas d’excuses ni d’autres choix que de tout gagner tout en surfant sur les ego de son vestiaire. Oui, il y a beaucoup d’amitié et d’amour dans ce groupe mais certains vont forcément attendre les erreurs de l’autre, notamment dans les cages.
Faire mieux que le Nantes de 1995, mission impossible ?
Ce PSG, taillé pour tout rafler, peut-il vraiment le faire ? À savoir tout gagner. Rien qu’en Ligue 1, le record incroyable du FC Nantes 1995 – 32 matches sans défaite en championnat – peut-il résister à une telle armada ? On parle quand même du PSG qui, même sous QSI, a été capable de se faire éparpiller dans certains stades de France malgré ses stars (Bastia, Nice, Reims, Guingamp, Lille, Lorient, etc.)Même si la reconquête du titre de champion est obligatoire, c’est surtout vers la Coupe aux grandes oreilles que Doha zieute. Quand vous alignez Messi-Mbappé-Neymar, vous ne rêvez que d’aller la soulever après deux dernières campagnes plutôt réussies. Mais d’aucuns n’attendent que l’échec pour ressortir la rengaine habituelle : « les millions n’achètent pas les titres » . Là aussi, c’est le jeu.
Mais on en oublierait presque qu’une telle puissance offensive déséquilibrera tout l’édifice et qu’à la première opposition structurée et disciplinée, le PSG sera coupé en deux et retrouvera ses vieux démons : un empilement de stars au détriment d’un réel collectif. Mais le PSG est ainsi construit, c’est son ADN. C’est pour ça que feu Francis Borelli recrutait l’Autrichien Richard Niederbacher parce qu’il avait pour principal qualité d’être « beau dans le maillot du PSG » . À Paris, à cause de son histoire, du CV de ses créateurs, de sa place centrale, de l’aura mondiale de la Ville, il faut des stars, du strass et des paillettes. Il faut que ça brille. Tout le temps. Jamais le club de la capitale n’aura finalement été aussi proche de la volonté de ses historiques que durant cet été 2021 où la grande majorité des joueurs offensifs bankables de la planète football est vouée à évoluer sous le même maillot. C’est ça, le PSG. Un club irrationnel, jusque dans son recrutement, mais qui a pour vocation de séduire les masses, de faire rêver, de vendre des maillots sur les cinq continents.
Doha tient finalement son Messi
En 2011, les propriétaires qataris s’étaient lancés dans une folle opération de détection : découvrir le nouveau Lionel Messi. À défaut d’avoir su le trouver au sein de sa formation, ils ont été à l’original, bien aidés par la crise sanitaire, la gestion économique catastrophique du Barça et par les sous de Doha. Voilà donc Lionel Messi, le vrai, au PSG. À en croire la folie qui s’est emparée du Bourget ces derniers jours, cette arrivée va susciter quelque chose d’inouïe autour du club de la capitale. De la joie, de l’attente, de la pression mais aussi de la jalousie et une folle envie de voir chuter cette maison dorée. Ce PSG cheaté va-t-il trahir ses fans les plus fidèles ? Pas du tout. Quand vous avez enduré les Souza, Everton, Semak, Martel, Ouédec, Edmilson ou autre Landrin, vous mesurez la chance de pouvoir choisir votre flocage maillot entre Messi, Ramos, Neymar et Mbappé. Car comme le disait Franck Dubosc dans Incognito, c’est bien d’être riche.
Par Mathieu Faure