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Pourquoi le foot est meilleur qu’une élection d’un président de la République

Par Théo Denmat
Pourquoi le foot est meilleur qu’une élection d’un président de la République

Tous les cinq ans, c'est le même bazar : on commence à parler des élections présidentielles des mois avant, puis on continue pendant des mois après. Jusqu'à l'overdose. Le football, c'est bien plus subtil, et surtout bien plus intéressant qu'un débat politique. Même quand c'est George Weah qui s'y colle.

Les yeux au ciel, il ne rencontre qu’un plafond blanchâtre. Le voilà dans un isoloir. La pression lui tord les boyaux, comme s’il devait tirer un tir au but décisif en finale de Ligue des champions. On lui avait pourtant conseillé de préparer son geste pendant sa course d’élan, ce qu’il a minutieusement respecté : le côté est choisi, reste à viser juste. Il commence par attraper de la main droite le papier de son choix, et entame le pliage. Attention, une fois suffirait, mais la double courbure permet une insertion plus facile dans l’enveloppe. Il introduit ensuite les bords du rabat à l’intérieur même de l’emballage, puis jette sans un regard à la poubelle le papier qui n’aura pas sa faveur. Il l’a fait ! Le moment est venu de tirer le rideau, de se faire soulever par la foule, de récolter les louanges du peuple ! Hop, il tire d’un coup sec, le sourire aux lèvres et puis… rien. Après des mois de doutes à ne penser qu’à l’instant où il choisirait son futur président, même pas une tape dans le dos une fois le travail accompli. À peine un regard, et c’est la sortie le dos courbé. Pire, on lui glisse gentiment qu’il avait intérêt à le faire, que c’est « normal » . Mais qu’est-ce que c’est que cette discipline sans médailles ? Pas de doute, une élection présidentielle recèle tous les mauvais côtés du foot, sans en avoir les avantages.

L’amour du Petit Poucet…

Tout d’abord, qui est ce grand bonhomme qui a eu l’idée d’organiser ça tous les cinq ans ? Pire qu’un Euro, pire qu’une Coupe du monde, pire qu’une CAN ! À l’inverse des rebondissements incessants d’un championnat national, une élection scelle dans le marbre la supériorité d’un être pour les cinq ans à venir. Et mieux : à lui de décider des règles de la prochaine édition, alors que l’on sait très bien qu’une équipe couronnée sept ans d’affilée rentre bien profondément plus dans les mémoires qu’un premier mandat de Jacques Chirac. D’ailleurs, François Hollande ne s’y était pas trompé lorsque BFM TV lui demandait mercredi matin quel était son programme du soir. Monaco-Juve ou débat ? La journaliste : « Bonjour Monsieur le président. » Lui : « Vous allez bien ? » La journaliste : « Vous allez regarder le match ce soir ? » Lui : « Oui, bien sûr, le match de… non, je vais regarder le débat. » Une demi-ellipse et lapsus révélateur proférés par le champion en titre lui-même, saoulé par une campagne à laquelle il aura lui-même décidé de ne pas participer. Depuis quand un champion peut-il refuser de remettre son titre en jeu ? La beauté d’une équipe se situe justement dans le risque qu’elle soit plus laide que l’année précédente. Le foot est une question d’orgueil, de force viscérale, de fierté et de supériorité, en témoigne ce tweet plein de soulagement de l’Olympique lyonnais après la défaite du PSG à Nice.

Plein de haine, aussi. Cette haine de la défaite qui habite footballeurs et politiques, à une différence près : le football vit de ses « Petit Poucet » . Alors que l’on vibre à l’évocation même de Quevilly, Carquefou, Calais ou Montceau Bourgogne, les gros poissons de la politique se plaignent des « petits candidats » qui faussent le jeu. Mais c’est justement cette différence de taille qui fait tout l’attrait d’un combat démocratique ! Pourquoi tenter de briser les rêves de conquête de titre de Jacques Cheminade ? Pourquoi vouloir tordre les illusions de Nathalie Arthaud ? Une saison entière de football permettrait même d’apprécier Jean Lassalle sur plusieurs mois, d’en voir les contours et les limites, invisibles à l’issue d’un sprint médiatique de six petits mois. Qui n’apprécie pas découvrir de temps en temps la singularité d’un championnat des Pays-Bas ou la violence d’une Coupe de Grèce ?

… et le désamour de l’enjeu

Enfin, la politique est infiniment inférieure au football en cela qu’elle a horreur du suspense. On écrème les candidats avec 500 parrainages pour n’en garder que le suc. On effectue des débats pour exposer sa tactique. On sonde pour savoir qui a le plus de chances de l’emporter. Imaginez simplement le même fonctionnement avec un match de Ligue des champions : toute pression en serait alors ôtée, comme si l’on martelait au supporter « le résultat est acquis d’avance, mais venez quand même au stade. » Le football de Barcelone se résume-t-il à une passe d’Iniesta ? Un tweet de Nadine Morano a-t-il plus d’allure qu’un tacle de Yannick Cahuzac ? Qui serait aujourd’hui capable en politique de reproduire l’équivalent d’une virgule de Ronaldinho ? Personne, car personne ne prend vraiment de risques. Une élection veut faire « paraître président » . Aux candidats « d’endosser le costume » , de mimer le sérieux. Le foot, c’est bien plus que cela. On vénère les artistes, ceux qui pensent autrement. On idolâtre les fous, tout comme on respecte les hommes d’un seul club. Peu d’hommes et femmes politiques peuvent se targuer de la fidélité de Totti, et encore moins gagner une élection en sortant trois soirs par semaine en boîte de nuit parisienne. La différence est une force, mentale comme physique. Alors au moment de choisir entre un débrief électoral sur les deux premières chaînes et une soirée canapé devant Marseille-Nice, que les électeurs n’oublient pas ce fait : le Ballon d’or a un jour récompensé un homme dont on voyait les gencives lorsqu’il souriait.

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