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Pourquoi la Bourse n’aime toujours pas le foot ?

Par Ugo Bocchi
Pourquoi la Bourse n’aime toujours pas le foot ?

Football et finance. Sur le papier, c'était alléchant. D'ailleurs, c'était la grande mode à la fin des années 90. Mais aujourd'hui, la plupart des clubs ont mis ça sous le tapis, voire complètement abandonné le projet.

Loin des poutres de cocaïne, des transactions de Kerviel et du Loup de Wall Street, aujourd’hui, les places financières du football sentent bon le grenier et s’étouffent sous la poussière. Indices au plus bas, actionnaires en fuite et recherche de solutions alternatives. Rien ne va plus. À la base pourtant, ça semblait être une idée de génie. Un moyen révolutionnaire pour lever des fonds. Les premiers à s’être lancés là-dedans, ce sont les dirigeants de Tottenham en 1983. Suivis de très près par la Juve, la Lazio, la Roma, l’Ajax et Manchester United. En tout, trente-sept clubs européens fument le cigare dans ce cercle privé à l’aube du XXIe siècle. Aujourd’hui, il y en a tout juste vingt. Preuve que la Bourse n’aime pas du tout le foot. Mais alors pas du tout.

Le cadeau Batigol

Pour Boris Helleu, maître de conférence à la faculté de Caen, il y a d’abord deux raisons à l’introduction en Bourse : « La première, c’est que le club va organiser une levée de fonds pour investir dans des joueurs. Les actionnaires payent, on peut acheter des nouveaux joueurs, gagner des titres et donc gagner plus d’argent. » Si la stratégie a notamment fonctionné pour la Roma qui a pu offrir Batistuta à ses tifosi pour 35 millions d’euros et gagner un Scudetto dans la foulée, elle est trop souvent hasardeuse. Car rien ne dit que l’investissement pourra être rentable. « La deuxième stratégie, c’est une diversification d’activité. C’est ce qu’a voulu faire Lyon en 2007. Avec l’introduction en Bourse, ils ont pu construire leur stade. »
Mais là encore, la relation entre les deux mondes est trop fragile. Bastien Drut, spécialiste de l’économie du sport : « Lyon n’a pas perdu d’argent, mais les gens qui ont acheté des actions ont perdu de l’argent. Ils ont joué de malchance. Ils ont eu des problèmes lors de la construction, ça a retardé les recettes du nouveau stade et donc la confiance s’est un peu perdue. » D’ailleurs, en huit ans, la valeur de l’action OL a été divisée par quatre. Aujourd’hui, elle se porte mieux, mais pas encore de quoi décrocher un tweet à Jean-Michel Aulas.

L’exception turque

En fait, si la Bourse rejette autant le football, si les clubs français ne veulent pas se jeter à l’eau, il y a trois grandes explications à ça. Boris Helleu : « La première, c’est que la performance d’une équipe est soumise à l’incertitude du résultat. Ce n’est pas un investissement performant. » Second problème de poids, la plupart des clubs (notamment en France) ne possèdent pas grand-chose, juste « des contrats de joueurs, dont les performances sont fluctuantes, dont la réputation peut évoluer et dont la santé est précaire. Les clubs ne sont pas non plus propriétaires de leur stade. Et ça, ça pose problème. »
Dernier souci, et pas des moindres : la confiance. Comme on a pu le constater lors du krach boursier de l’automne 2008, c’est l’essence même de la finance : « Quand il y a des problèmes de dopage ou d’argent sale, je ne dis pas que le football ne marche qu’avec ça, mais ça donne une mauvaise image. Et c’est mauvais pour la Bourse. C’est ce qui fait qu’il y a si peu de clubs sur le marché. C’est aussi pourquoi les clubs se désengagent. » Bref, mis à part en Turquie où les clubs ont de vrais actifs, des stades à eux, et Manchester qui tente de s’installer à Wall Street, le football ne dégage pas suffisamment de bénéfices pour être attrayant aux yeux des traders. Et puis, de gros milliardaires prêts à jeter tout leur argent par les fenêtres sont venus à la rescousse des clubs en mal de trésorerie : « Finalement, quand on veut gagner de l’argent, on n’investit pas en Bourse dans le foot. » CQFD.

Par Ugo Bocchi

Bastien Drut, auteur du livre Sciences sociales Football Club à paraître.

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