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- Lazio-Atlético (1-1)
Pourquoi aime-t-on autant les buts de gardien ?
Mardi soir, Ivan Provedel, le gardien de la Lazio, a égalisé à la 94e minute face à l'Atlético de Madrid. Or, on adore tous quand un gardien marque un but. Mais pourquoi donc ?
Par sa rareté, par l’enthousiasme qu’il suscite, un but inscrit par un gardien, c’est quasiment un but en finale de Coupe du monde. On s’en souviendra toujours, on le regardera avec toujours autant de frissons, on le racontera à ceux qui ne l’ont pas vécu. Mais pourquoi ? Pourquoi un but de gardien provoque-t-il une telle sensation ?
À l’explication purement sportive – celle de l’égalisation au buzzer –, vient forcément s’ajouter une bonne dose de mythologie et de fantasme. Le gardien qui monte, c’est le dernier espoir d’un récit épique. C’est la lueur qui persiste même lorsque toutes les autres voies semblent être fermées. C’est l’adrénaline. Tout à coup, c’est comme si les autres joueurs, impuissants, disparaissaient pour laisser place à cet individu qui, d’ordinaire, n’a rien à faire là. Il n’a pas le même maillot, pas la même dégaine, il a des gants, son look et son attitude jurent au milieu des autres et pourtant, on ne regarde plus que lui. C’est lui qui symbolise la résilience, qui catalyse l’audace et la détermination de l’équipe à tout donner pour égaliser. Il y aurait presque une notion de sacrifice, à traverser seul tout le terrain, à laisser son but vide et sans défense, pour venir en aide à ses coéquipiers dans une tentative désespérée.
C'EST EXCEPTIONNEL 😱😱😱
Ivan Provedel, le GARDIEN de la Lazio ÉGALISE À LA 94ÈME MINUTE face à l'Atletico 🤯🤯#LazioAtleti | #UCL pic.twitter.com/JwnhSI2q3G
— CANAL+ Foot (@CanalplusFoot) September 19, 2023
Quand le gardien monte, on joue toujours la dernière minute, parfois la dernière seconde. C’est l’ultime action, celle dite de la dernière chance. Un gardien qui viendrait placer un coup de casque à la 24e minute, cela n’aurait évidemment pas la même puissance symbolique. Cela n’aurait même aucun sens. Non, pour que le plaisir soit si fort, il faut que l’instant soit solennel. Que l’arbitre ait déjà le sifflet en bouche. Il faut qu’en marquant à la toute fin de la quête, le gardien devienne le héros d’une épopée qui se dresse contre le destin.
Le coup d’un soir
Il y a évidemment, aussi, une dimension fantasmagorique, presque érotique. Le gardien qui marque un but, c’est le coup d’un soir. C’est l’interdit, c’est l’inconnu, c’est l’impossible. Quand on le voit monter, sur ce dernier corner ou ce dernier coup franc, on y pense tous. « Et si c’était lui… » Mais non, la rationalité nous ramène sur terre. C’est impossible, ça ne peut pas arriver, c’est contre-nature, ce n’est pas son rôle. D’ailleurs, ça n’arrive jamais. Mais quand ça arrive… Bon sang, que c’est électrisant, que c’est enivrant, que c’est exaltant. Tout à coup, on bascule dans l’irrationnel. Le portier héros vient de transgresser les normes, libérant une incroyable sensation d’excitation tout autour de lui. Le gardien qui marque, c’est l’acte de rébellion ultime, c’est la défiance envers les règles établies. C’est arrivé une fois, cela n’arrivera probablement plus, mais tout le monde a pris son pied. On s’est autorisé à croire que, même lorsque tout semblait perdu, il pouvait y avoir un chemin vers la victoire. On s’est autorisé un moment d’excitation suprême, le temps d’une soirée, d’une nuit. Alors merci pour ces moments.
Par Eric Maggiori