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Matuidi et Playse : la Stat Academy

Par Allan Doisneau, à Nanterre

Blaise Matuidi et la start-up Playse développent depuis deux ans une plateforme d’entraînements personnalisés à destination des 5-12 ans. Au rythme d’exercices poussés sur la concentration et l’implication des enfants au jeu, la technologie occupe une place de choix dans les séances, avec l’envie de dépoussiérer le football de maintenant. Reportage sur les terrains de l’Urban Soccer de Nanterre devenu temple de la statistique avancée le temps d’une après-midi.

Matuidi et Playse : la Stat Academy

Il y a finalement bien peu de choses qui différencient l’atmosphère d’un terrain indoor à celui d’un complexe en extérieur. Une même odeur de transpiration qui jaillit des vestiaires, le son des crampons qui tapent sur le sol avant de fouler la pelouse, le crissement des ballons qui frottent le synthétique et puis Blaise Matuidi, Grégory Sertic et Kieran Gibbs qui retrouvent, le temps de quelques minutes, la joie d’une séance d’entraînement à un haut niveau de concentration. La scène est bien orchestrée du côté de l’Urban Soccer de Nanterre. Caméramans et photographes s’approchent du terrain numéro 4 et tentent d’immortaliser les trois anciennes gloires en train de taper la balle avec une bande de 35 gamins. Le moment est magique, les éducateurs rabâchent les consignes, le tout dans une atmosphère bienveillante et pédagogue. L’objectif de l’après-midi est clair : se faire « playse ».

La science au service de la pratique

Playse est d’ailleurs la raison qui a réuni le trio d’anciens pros. Lancée il y a deux ans par le champion du monde 2018, la start-up s’érige aujourd’hui en plateforme d’entraînements spécialisés à la méthodologie avancée. L’idée est née de la réflexion de l’ancien milieu de terrain du PSG, qui cherchait désespérément un entraîneur proche de son domicile pour son fils, sans succès. Une transmission des savoirs qui se développe désormais au travers d’un réseau de 4 600 jeunes joueurs âgés de 5 à 12 ans, soutenues par des coachs diplômés et soucieux du moindre détail. Pour 15€ la séance ou 49,90€ par mois, Playse offre aux enfants un entraînement digne des professionnels : groupe réduit, travail sur le cognitif et la perception de soi sur un terrain, utilisation de capteurs de données statistiques, sans oublier les montées de genoux et les pas chassés.

Avec le travail que l’on fait sur le cognitif, on constate des changements de comportements de la part des petits : ils sont plus concentrés à l’école, ils écoutent mieux.

Hakim, directeur des opérations chez Playse

Rien d’étonnant a priori dans une ère où la stat prédomine, et dans une époque où les « Mbappé Project » naissent aussitôt qu’ils se meurent. « L’approche est avant tout scientifique, explique Hakim, directeur des opérations chez Playse. Notre méthodologie d’entraînements vise à développer l’individu, autant le sportif que l’homme. Avec le travail que l’on fait sur le cognitif, on constate des changements de comportements de la part des petits : ils sont plus concentrés à l’école, ils écoutent mieux. » Quant à la manière de garder l’attention des 5-7 ans pendant plus d’une heure sur le terrain : « Les coachs sont formés à être bienveillants avec les petits. L’avantage de travailler en effectif réduit, c’est que ça leur laisse le temps d’expliquer les consignes et de revenir en détail si un gamin n’a pas réussi l’exercice. » Les ateliers en question sont innovants et poussent les petits à développer des caractéristiques qui vont au-delà du simple contrôle de balle. Sur le terrain numéro 6, Salim, coach Playse, demande à son groupe d’enfiler un cache-œil afin de perturber leur vision le temps du jeu. En face, les 10-12 ans enchaînent les accélérations-flexions-extensions à l’aide d’une balle de tennis dans la main droite pour influencer le déséquilibre.

Un projet ambitieux qui continue de grandir grâce au soutien d’ambassadeurs de renom. Moussa Sissoko, Presnel Kimpembe, Grégory Sertic et Kieran Gibbs ont rejoint les rangs du Charo. « Blaise m’a parlé de ce projet quand on jouait ensemble à Miami, confie l’ancien international anglais. Au départ, j’étais surpris de voir toute cette technologie. Je ne savais pas s’il était légalement possible de récupérer les data de ces jeunes, comme on le faisait pour nous à un niveau professionnel. » Un point sensible rapidement dégagé par les équipes de Footbar, partenaire de Playse pour l’utilisation de capteurs statistiques. « C’est avant tout une option supplémentaire pour l’utilisateur de la plateforme, c’est un moyen d’accéder à des données qu’on n’a pas l’habitude d’avoir en club amateur. »

La stat avant l’âge

La séance se fait tout de même sous la surveillance de parents, intrigués mais séduits par ce vent de nouveauté. Car l’un des points forts de la plateforme d’entraînements, c’est qu’elle offre aux enfants un suivi personnalisé de leurs séances, détaillant les éléments de progression et ceux à améliorer. Sini a inscrit son fils de 7 ans, Nahel, depuis un an et s’étonne aujourd’hui des progrès qu’il a réalisés : « Il est plus mobile, il arrive mieux à se placer sur le terrain et prend aussi plus de plaisir à jouer. Et en plus, il en redemande, donc moi, je suis heureux de le voir comme ça ! » Le football, surtout à cet âge, doit rester un jeu et c’est peut-être bien là le paradoxe de cette initiative.

À l’heure où les coachs ou les parents sont pointés du doigt pour leur mise sous pression des jeunes pousses, la surexposition aux stats est un jeu dangereux, creusant un peu plus l’inégalité entre les mômes. Celui qui ne fera pas autant de passes que son ami peut être rapidement mis à l’écart, tant par ses coéquipiers que ses éducateurs. Et qu’en est-il de celui qui n’aura pas les moyens financiers de s’offrir le luxe de connaître à la minute près le nombre de tirs réalisés ? Pourra-t-il encore prétendre à une place dans le onze de départ le dimanche suivant ? Avec un abonnement mensuel équivalent au prix d’une licence à l’année dans certains clubs, le retour à l’égalité des chances promis par la plateforme de « Blaisou » semble trouver sa limite là où la compétition l’emporte sur l’esprit collectif, et ce, malgré l’emballage ludique et le plaisir procuré.

Par Allan Doisneau, à Nanterre

Tous propos recueillis par AD.
Photos : AD pour So Foot.

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