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Pinilla, l’homme qui a presque fait taire le Brésil

Par Arthur Jeanne
Pinilla, l’homme qui a presque fait taire le Brésil

Au milieu de ces Chiliens héroïques et beaux, qui voulaient écrire le Mineirazo, il y a un joueur qui aurait pu tout changer. Ce joueur, c'est Mauricio Pinilla. Mais le destin a voulu qu'il frappe sur la barre. Pour que le Brésil soit une fête.

De son fameux but en 1950 face au Brésil, l’Uruguayen Alcides Ghiggia a souvent dit : « Il y a trois personnes qui ont fait taire le Marcacana : Jean-Paul II, Franck Sinatra et moi. » Soixante-quatre ans après, le Chilien Mauricio Pinilla a failli, lui, plonger tout un pays dans le silence. Failli seulement. Il fallait le voir, Mauricio, cheveux laqués et tatouages bling, en pleurs au milieu du Mineirão, il était beau, Pinigol. Malgré sa dégaine un peu cheap de playboy latino, il était vraiment beau. Lui qui en cinq minutes avait manqué d’offrir à son pays une victoire inattendue avant de rater son tir au but et d’entraîner le Chili dans sa chute. Lui, l’homme de tant de galères, ancien enfant chéri du Chili, qui a préféré consumer son talent dans les nuits éthyliques de Santiago. Lui qui a plus alimenté les colonnes de la presse à scandale pour ses multiples conquêtes que celles de la presse sportive.

Lui qui a été grand espoir, puis éternel espoir avant de devenir au gré d’étranges pérégrinations aux quatre coins du monde un attaquant moyen. Lui qui a vu Medel, Vidal et Sánchez devenir des idoles tandis qu’il n’était plus qu’un exilé, déconsidéré par la sélection, rappelé uniquement parce que ses 187 centimètres détonnaient avec le morphotype classique du joueur chilien petit et trapu. Pinigol, c’est avant tout une histoire de gâchis. En 2003, Mauricio n’a pas 20 ans quand il explose sous les couleurs de son club de cœur la U de Chile. 20 buts en 30 matchs plus tard et voilà l’Inter de Milan qui le drague avec insistance. Mauricio est trop jeune, Mauricio n’est pas mûr, mais il y fonce quand même. Il est comme ça, Pinigol, il ne sait pas résister aux avances des belles ingénues. Combien de fois l’a-t-on vu avec son pote Marcelo Ríos, au bras de blondes surfaites dans des soirées mondaines ? Évidemment à Milan, Mauricio ne joue pas. Il part en prêt d’abord, puis définitivement ensuite. Lui qui a été formé par le Romantico Viajero devient un voyageur professionnel, un VRP du football qui enquille les clubs. Sporting, Racing Santander, Chievo, Hearts of Midlothian, Apollon Limassol, Vasco de Gama sans autre logique que celle de la lose avant de se poser enfin à Cagliari et de se refaire un peu la cerise.

Un spécialiste du pénalty pourtant

Ce soir, Mauricio le tricard aurait pu prendre sa revanche, quand Alexis était mort de tant de courses folles, quand le pitbull Medel qui jouait claqué avait rendu les armes en pleurs et sur une civière, quand Vidal pas à 100% physiquement avait abandonné le terrain, c’était son tour d’offrir enfin un miracle à la patrie. Alors Pinilla ne s’est pas défilé, il s’est battu et à une minute de la fin, alors que ses coéquipiers n’attendaient plus grand-chose d’autre que les tirs au but, balançaient loin devant en espérant un peu par hasard trouver sa grande carcasse, il a pris sa chance crânement. Un crochet long et une frappe de mule plus tard, Mauricio a fait trembler la barre de Júlio César. L’auguste barre transversale, que le gardien brésilien a remerciée comme une amie qui lui veut du bien. La chance chilienne était passée, le Brésil devait se qualifier. Pour que Rio soit une fête. Parce qu’il était écrit qu’un buteur de seconde zone ne pouvait pas mettre à terre l’Auriverde. Parce qu’après 98 et 2010, le Chili devait à nouveau se faire sortir en huitièmes par sa bête noire.

Malgré tout, au moment des tirs au but, Mauricio s’est avancé. Il a voulu vaincre le signe indien avec l’énergie du désespoir. Mais sa frappe trop molle a été facilement détournée par Júlio César. Cette fois, la transversale n’y était pour rien. Cette saison à Cagliari, il a marqué 7 fois ; 6 fois sur pénalty. Terrible ironie du sort. À deux centimètres près, Mauricio serait passé du statut de loser éternel à celui de héros national. Qui sait ? On aurait pu lui construire une statue à Santiago ou baptiser des rues à son nom. Seulement voilà, sa frappe a heurté la barre et Pinigol va sombrer dans l’oubli. Comme tant d’autres avant lui. C’est pour ça que le football est triste, c’est aussi pour ça que Mauricio est beau.

Par Arthur Jeanne

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