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Philippe Hinschberger : « Je suis un anti-mercato »

Propos recueillis par Antoine Donnarieix
Philippe Hinschberger : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je suis un anti-mercato<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Dans la conférence de presse suivant le match nul entre son Grenoble et le RC Lens lundi soir (2-2), Philippe Hinschberger a activé un signal d’alarme sur la période du marché des transferts en utilisant le terme « fumisterie ». Dès lors, il semblait nécessaire d'approfondir le sujet avec le coach du GF38.

Bonjour Philippe. Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a poussé à évoquer le marché des transferts avec une aussi grande transparence ? J’ai été interrogé sur le transfert de Youssouf M’Changama à Guingamp à quelques heures d’un match important contre Lens.

Le mercato d’hiver est encore plus dingue : il ne sert qu’aux clubs qui ont de l’argent.

Dans l’excitation, j’ai certainement été vindicatif, mais sur le fond, je ne retire pas du tout ce que j’ai dit. Ce mercato, en été comme en hiver, est une énorme aberration. Celui d’hiver est encore plus dingue : il ne sert qu’aux clubs qui ont de l’argent.

Globalement, une grosse partie de la couverture médiatique du mercato se résume aux feuilletons Neymar, Icardi ou même Rongier. La réalité du marché à Grenoble, elle ressemble à quoi ? C’est une autre sphère. Pour avoir entraîné à Niort, je peux vous dire que les joueurs visés en hiver sont ceux qui ne jouent pas ou ceux qui reviennent de blessure. Pourquoi ? Parce que vous n’avez pas les moyens. Il y a même des joueurs qui décident de ne pas venir et préfèrent rester au chômage… Mais si vous allez plus haut, c’est tout de suite moins compliqué. Par exemple, Lens prend cet été les meilleurs joueurs de Ligue 2 : Robail, Mauricio, Sotoca, Pérez… Après, chacun ses problèmes, hein ! Aujourd’hui, M’Changama profite de certains règlements, et il n’y a pas à lui en vouloir parce qu’il a raison. Mais de mon côté, j’ai reçu un message à 14 heures pour me dire que Youssouf partait alors qu’il était dans le groupe pour affronter Lens. Quand vous parlez de Rongier, c’est le même type de problème : le mec est sur le banc car il est en partance. (Rongier s’est finalement engagé à Marseille après la clôture du marché des transferts, N.D.L.R.) M’Changama est parti à sept heures de la fin du marché des transferts. Qu’est-ce que cela vous inspire ? À ce rythme, faisons le mercato le dernier jour du mois d’août ! 80% des mouvements de joueurs se font dans les trois derniers jours.

80% des mouvements de joueurs se font dans les trois derniers jours. C’est complètement débile, d’autant que tu commences une saison avec un effectif et que tu la poursuis avec trois ou quatre joueurs qui finissent par partir. Cela entraîne aussi un problème d’équité sportive.

C’est complètement débile, d’autant que tu commences une saison avec un effectif et que tu la poursuis avec trois ou quatre joueurs qui finissent par partir. Cela entraîne aussi un problème d’équité sportive. Vous vous souvenez de l’époque où Monaco était entraîné par Simone en Ligue 2 ? À l’époque, ils étaient vingtièmes à la trêve hivernale. Ils filaient vers le National, ils ne mettaient pas un pied devant l’autre. Et à ce moment, les Russes sont arrivés et ils ont transformé leur équipe. À Grenoble, on ne peut pas faire ça ! Pour ma part, je considère qu’il y a deux types de transfert : le transfert planifié comme nous avons pu le faire avec Lens au sujet de Florian Sotoca, un joueur que nous avons eu le temps de remplacer, et le transfert de dernière minute comme celui de M’Changama, où nous perdons un joueur titulaire sans possibilité d’anticiper cette perte. Je ne discute pas à propos des personnes qui viennent nous piquer des joueurs en pleine saison, je discute des personnes qui l’autorisent.

Je ne discute pas à propos des personnes qui viennent nous piquer des joueurs en pleine saison, je discute des personnes qui l’autorisent.

Quelles sont les solutions pour mettre un terme à cette problématique ?En Angleterre, ils ferment le mercato à la veille de l’entame du championnat. J’en ai discuté avec mon président, mais a priori, l’Italie n’est pas d’accord pour utiliser le même système. Pour faire avancer les choses, il faudrait une uniformité entre tous les championnats. Et puis en vérité, tout le monde y trouve son compte dans ce bazar : les agents car leurs joueurs sont mis en vitrine, les journaux car cela fait vendre du papier. Mais ceux qui se font chier et se retrouvent comme des cons, ce sont les coachs. On voit nos joueurs partir, et on les remplace par des joueurs moins bons ou pas de joueur du tout. Et derrière, les gens se posent la question de savoir quelles sont les ambitions du club… Le message donné est pourri, que ce soit pour les gens qui nous suivent ou pour les joueurs de notre club car des objectifs d’avant-saison sont fixés. Avec le président, nous n’avons pas cherché à retenir Youssouf car nous comprenons sa situation. Mais nous n’allons pas le remplacer car c’est impossible en pratique.

Vous avez aussi évoqué des agents prêts à « faire tourner la tête aux joueurs » sans que le club acheteur propose une compensation financière satisfaisante pour l’acquérir. Pensez-vous possible d’établir des règles strictes à ce sujet ? En l’occurrence, Guingamp a été correct avec nous. Ce n’est pas le cas de tous les clubs de Ligue 2… Les règles strictes à imposer aux agents, il faut laisser tomber. J’en connais et ce sont des personnes qui mettent en valeur leur joueur, c’est leur métier. Sans mouvement de joueur, ces gens-là ne gagnent pas d’argent. Je ne crache pas là-dedans car je fais partie de ce monde, mais je souhaite juste que l’on mette une date correcte pour arrêter ce cirque. Je suis un anti-mercato. Tu l’arrêtes à la première journée du championnat, tu assumes et tu vas jusqu’au 30 juin ! L’autre idée, c’est de boucler chaque mercato avant le début de chaque championnat. Au moins, on évite l’effet par ricochet (Ludovic Blas parti à Nantes, Guingamp s’est tourné vers M’Changama, N.D.L.R.). À Grenoble, nous avons de bons joueurs pour évoluer en Ligue 2, mais nous nous rapprochons des grilles salariales de Niort ou Clermont. Celles des clubs descendus de Ligue 1 sont deux fois au-dessus des nôtres. Ça ne me choque pas, mais il faut que les choses soient claires. De mon vécu d’entraîneur, je n’avais jamais perdu un joueur à quatre heures d’un match de championnat, c’est dire l’importance que cela prend. Quand un joueur est bon, on marche à vue pendant six mois avec lui. Et ça s’arrête là. Vous aviez l’air dépité lundi soir en conférence de presse. Trouvez-vous normal que le marché des transferts prenne autant la tête dans un sport comme le football ? Le joueur de football avance avant tout avec son cerveau. Il a des jambes et des pieds pour frapper dans un ballon, mais il a aussi une tête pour réfléchir. Les informations qu’il envoie dans son cerveau ne sont parfois pas compatibles avec la pratique du sport de haut niveau. Le joueur peut bouder, ne plus vouloir s’entraîner… Ceux qui observent de l’extérieur ne savent pas comment ça marche concrètement. C’est toute une gestion, un management des états d’âme. C’est déjà une source de déséquilibre interne en temps normal, alors imaginez la chose dans la période des transferts. Le gars va penser au club intéressé, il va vouloir éviter de se blesser et jouera sans intensité aux entraînements comme en match. Bref, c’est particulièrement chiant. Voilà pourquoi je suis pour un mercato clos avant la première journée de championnat.

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