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  • Foot et climatisation

Peut-on vraiment climatiser un stade ?

Par Jérémie Baron, au frais
Peut-on vraiment climatiser un stade ?

Climatiser. Mettre la clim'. L'image fait désormais partie du lexique footballistique à part entière. Mais qu’est-ce qu’une « vraie » bonne clim' ? Et surtout, cette expression est-elle fondée ? Tentative de réponse avec des spécialistes.

Mercredi 17 avril, dans un bel écrin de la périphérie de Manchester. Tel un bambin découvrant les rayons d’un Toys « R » Us, il sautille sur place, fait des allers-retours le long du terrain en multipliant les grands gestes, gueule sur ses joueurs, ne semble plus savoir quoi faire. Guardiola savoure, et il a bien raison : après 90 minutes de suspense fou et une fin de match irrespirable, Sterling vient d’arracher pour City une inespérée qualif’ vers le dernier carré de Ligue des champions. L’Etihad est en fusion, Tottenham a rendu les armes et la nuit s’annonce grandiose.

Un dernier regard à son banc, le technicien catalan se retourne vers le terrain, puis intervient un très léger moment de flottement… et c’est le drame, lorsqu’il jette un coup d’œil au tableau d’affichage pour lire un cruel « VAR / No Goal / Offside » . En une demi-seconde, le Pep se décompose. Le voilà à genoux, la tête entre les mains. La photo est d’ores et déjà mythique, et sur les réseaux sociaux, cela ne fait pas de doute : on vient d’assister à une climatisation en bonne et due forme.

« Tu as le sentiment que le ciel te tombe sur la tête, le sol se dérobe sous toi »

Car en 2019, cette notion (que l’on pourrait en fait plus traduire par « rafraîchissement » ) est totalement rentrée dans les mœurs des discussions foot et ressort à toutes les sauces. Un but de l’équipe locale annulé contre toute attente ? Clim. Une équipe visiteuse qui anéantit les ardeurs de son hôte en plantant sans vergogne ? Clim. Un stade qui assiste impuissant à l’élimination de ses troupes ? Clim. Mais à quoi ressemblerait la baisse de température parfaite, aujourd’hui dans un stade ? Marwen, inconditionnel de l’OM abonné en Virage Sud, en a connu quelques-unes et a donc sa petite idée. « Pour moi, une climatisation, ce serait un but de l’adversaire, si possible dans un match important, démarre-t-il.Il faut aussi qu’il y ait une portée tragique du but. Au Vélodrome, la plus grosse de ces dernières années, ce n’est pas le coup franc de Cavani, mais Depay la saison dernière. Le but de Cavani fait mal. Mais quand l’arbitre siffle coup franc, on se regarde tous, et tout le monde le voit venir. Alors que Lyon, il y avait la surprise, le côté rivalité sportive. Et au moment où il marque, tu sais quasiment que tu as perdu le podium. La célébration avec son maillot jeté n’importe où, son arcade en sang, ça renforce le côté climatisation. »

« Dans ces moments-là, tu as le sentiment que le ciel te tombe sur la tête, le sol se dérobe sous toi, continue Marwen.Tu ne comprends pas ce qui se passe, tu es un peu hébété. » Lors de tels chocs, le coup de froid est encore plus palpable quand les supporters adverses sont interdits de déplacement : « Il y a vraiment un silence de cathédrale, du coup : sur le but de Cavani, il y avait la bronca juste avant puis plus rien. On avait même entendu les joueurs parisiens gueuler ! » Évidemment, en baroudeur qu’il est, le garçon a également pu expérimenter la chose côté climatiseur en tant que supporter visiteur : « Je pense par exemple au but de Rolando en prolongation à Salzbourg. C’est le moment jouissif par excellence, faire taire un stade. Les émotions sont démultipliées quand tu es à l’extérieur, parce que tu es un petit contingent face à un stade hostile. Quand tu te fais chambrer tout le match, voir les mecs autour de toi complètement dépités… Mais en matière de puissance, concéder une clim’, c’est beaucoup plus fort qu’en mettre une. Après Lyon, pendant quinze jours, il ne fallait pas m’adresser la parole ! »

Pas de toit, pas de froid

Voilà pour la définition foot. Mais, derrière cette nouvelle manie de désigner par ce mot un coup de poignard d’un attaquant adverse qui lâcherait un vent glacial dans une enceinte, se cache une interrogation qui ne demande qu’à être résolue : pourquoi nos stades ne pourraient-ils pas être climatisés pour de vrai, sans avoir besoin de l’intervention d’une tête de Moussa Dembélé à la fin d’un derby ou d’un Marcus Rashford au bout d’une double confrontation européenne ? C’est là que l’on s’attaque à une définition plus terre-à-terre, celle du Larousse : « Créer ou maintenir dans un local ou un véhicule un ensemble de conditions déterminées de température, d’humidité, etc. »

On se heurte alors d’emblée à une difficulté de taille : en règle générale, un stade n’a rien d’un espace fermé. Tout ceci relèverait donc de l’utopie. « À partir du moment où l’espace n’est pas confiné, il paraît ridicule d’envisager de parler de clim pour les spectateurs qui regardent le match, lâche Franck Sembenini des Climaticiens de France, boîte spécialisée dans le domaine du chauffage et de la climatisation qui a d’ailleurs posé la clim’ dans les vestiaires du Vélodrome. Vous allez fabriquer du froid et l’envoyer sur des gens, mais il va se barrer compte tenu de l’immensité d’un stade. Si le stade est fermé, ça devient possible de faire des grosses gaines, des machines énormes. Mais vous vous rendez compte de la puissance frigorifique qu’il faut pour un volume d’air aussi grand ? Évidemment, quand il fait soleil et très chaud, ce n’est pas agréable. Mais de là à faire tomber du froid sur les gens, ni trop ni trop peu… En matière de recyclage, c’est l’enfer. Comme dans un supermarché, il faudrait à peu près quatorze rooftops de deux tonnes chacun fonctionnant en permanence pour balancer du froid. Avec un toit ouvert, ce serait purement gâché, il faudrait fabriquer du froid non-stop. Dans ce cas de figure, il faudrait un toit fixe et pas rétractable, et que les rooftops soient posés dessus pour cracher en vrac de l’air froid. » Même le Pierre-Mauroy de Lille ne ferait pas l’affaire, donc.

Le mirage qatari

Et pourtant. Jamais dernier quand il s’agit d’investir dans le tape-à-l’œil, le Qatar a prévu de faire sortir de terre les premières enceintes climatisées (bien qu’ouvertes), comme par magie, en vue du Mondial 2022. Au pays des droits humains et du respect du code du travail, on met les gros moyens et le stade Khalifa de Doha, rénové pour l’occasion et dans lequel la clim est désormais opérationnelle, le prouve avec un système annoncé comme révolutionnaire : une centrale produit de l’eau glacée, laquelle est ensuite transformée en air froid au moment d’emprunter une tuyauterie souterraine pour enfin être expulsée via 3000 canons installés à l’intérieur de l’écrin à trois hauteurs différentes. Tout ceci, pour une chose : avoir le pouvoir de faire baisser la température aux alentours des 26 degrés en une demi-heure alors que sous le cagnard de la Péninsule arabique, le thermomètre indiquera 40 à l’extérieur du joujou. Chez les Qataris, on assure que ce procédé se fera dans le respect de l’écologie et du développement durable, invoquant un circuit peu gourmand en énergie et l’utilisation de panneaux photovoltaïques pour nourrir tout ça.

La recette miracle serait donc là, sous nos yeux ? Pas tout à fait. « Nous connaissons cette technologie en France, mais elle est encore très peu utilisée, explique Adrien Le Norcy, gérant du site spécialisé frigoristes.fr. Pour le côté écologique, je reste sceptique. Le coût environnemental est quand même énorme ! Le bilan carbone d’une telle installation doit être exorbitant. Un champ de panneaux photovoltaïques, couplé à un réseau de tuyauteries gigantesque et des pompes hydrauliques de puissance phénoménale, sans parler des turbines, ça n’a rien de très écolo. C’est juste qu’ils n’ont pas d’autre choix, au vu des températures dans le pays. Par 40°C à l’ombre, difficile de jouer un match ! » À moins donc d’être piqué par la folie des grandeurs, peu de chances pour que dans l’immédiat nos tribunes puissent se rafraîchir à la demande. On risque donc de rester sur le vieux modèle, qui ne nécessite aucune machine, mais simplement une petite intervention humaine au bon moment, par un professionnel. Bref, la clim’ à la Depay, Cavani, Dembélé ou Rashford a encore de beaux jours devant elle.

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Propos de Marwen, FS et ALN recueillis par JB

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