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Peut-on empêcher un joueur de représenter son pays ?

Par Quentin Ballue
Peut-on empêcher un joueur de représenter son pays ?

Arrive la trêve internationale, et avec elle son lot de galères. Surtout quand un international souhaite rejoindre sa sélection, mais que son club l’en empêche, la faute à des règles parfois ubuesques. Si représenter son pays demeure l’honneur suprême, tout le monde ne voit pas les choses de la même façon. Qui dit intérêts divergents, dit bras de fer, dans lequel le football de sélection n’apparaît pas comme le mieux armé.

Rien n’est jamais simple en période de trêve internationale. Et quand ce ne sont ni les longs trajets jusqu’en Amérique du Sud ni la fameuse « blessure FIFA » qui cristallisent les tensions, la Covid-19 prend le relais. Au point que nombre d’internationaux évoluant en France ont longtemps cru qu’ils devraient se contenter de regarder leurs compatriotes jouer à la télé en ce mois de mars. La raison : pour toute sortie de l’espace européen, sept jours d’isolement sont désormais offerts à votre retour dans l’Hexagone. Ce qui a poussé les clubs à dresser les barbelés en refusant de libérer leurs joueurs, comme les y autorise la circulaire 1749 de la FIFA. Hors de question de se passer de leurs forces vives pour la reprise du train-train quotidien début avril. Pas de rassemblement avec les Pays-Bas pour Memphis Depay, déplacement en Turquie oblige, ni de retour en Russie pour Aleksandr Golovin, par exemple, pendant que les Bleus frimaient avec la dérogation dégotée pour leurs matchs au Kazakhstan et en Bosnie-Herzégovine. Un traitement de faveur qui a suscité incompréhension et colère. On kiffe l’équipe de France, et on kiffe la voir gagner, mais on aime encore plus la justice et l’équité.

Gardons enfants de la partie

Voilà l’idée exprimée vendredi en conférence de presse par Christophe Galtier. « Je trouve très bien que l’équipe de France puisse bénéficier de tous ses joueurs,[…]mais j’ai du mal à comprendre le gouvernement.[…]Je suis très énervé, je trouve que ce n’est pas juste. Tout le monde devrait avoir une dérogation. On est dans une situation très particulière, très difficile, une période importante pour les sélections. Vous imaginez les sélectionneurs qui ne peuvent pas avoir leurs joueurs ? » La mesure a passablement contrarié, justement, le sélectionneur du Togo, Claude Le Roy : « (La FIFA) privilégie les clubs, sans tenir compte des sélections. Certaines d’entre elles vont être privées de six, sept, huit ou plus de dix joueurs, alors qu’elles vont disputer des matchs décisifs ! Ce n’est pas sérieux. Où est l’équité sportive ? »

L’absurdité a été corrigée samedi, le ministère des Sports élargissant cette dérogation à l’ensemble des internationaux évoluant en France. Un soulagement pour les joueurs comme pour les différentes sélections, principalement européennes, qui commencent les qualifications pour le Mondial 2022, et africaines, qui terminent celles pour la CAN. « C’était un mauvais choix de départ que de faire cette distinction et de ne penser qu’aux seuls joueurs de nationalité française. Le sport français dépend aussi de la venue de joueurs qui sont non nationaux, estime Maître Alexis N’Diaye, avocate au barreau de Paris spécialisée dans le droit du sport. Je n’irais pas jusque dire que c’est discriminatoire, mais je pense que c’était une erreur de jugement. D’autant plus que ça n’a pas de sens d’accorder une dérogation pour nos sportifs de nationalité française et pas pour ceux qui sont d’une autre nationalité. » Les joueurs pourront finalement partir sous les drapeaux, mais le message selon lequel le football de clubs compte plus que son homologue de sélections est passé. Et pas qu’en France. Au mois d’octobre déjà, l’Ajax avait retenu quatre joueurs qui auraient dû respecter dix jours de quarantaine à leur retour d’Afrique. De même, le Werder n’avait laissé partir qu’un seul de ses internationaux en novembre. « Nous savons que les joueurs aimeraient se rendre dans leurs sélections, mais étant donné la situation générale, nous ne pouvons pas prendre le risque », s’était justifié le club brêmois par la voix de son DG Frank Baumann. D’où l’interrogation suivante : a-t-on le droit de priver un joueur de sélection ?

Club vs sélection : c’est qui le plus fort ?

La FIFA a ouvert la boîte à questions, sans aucun doute, et celle de Pandore, peut-être, en installant une brèche dans le mur de la sacro-sainte obligation des clubs de laisser les internationaux à disposition des sélections lors des fenêtres dédiées. « La circulaire a une durée de vie limitée, elle vise tant bien que mal à organiser une situation d’urgence et inédite, tempère Me N’Diaye. Dès lors que la crise sanitaire sera derrière nous, on en reviendra à la règle de base qui est qu’un club ne peut pas s’opposer à ce qu’un joueur parte en sélection. En droit, on a un principe de proportionnalité : il y a des moments où lorsque deux intérêts s’opposent, il faut faire la balance des deux, et il y en a un qui l’emporte, non pas dans l’absolu, mais dans un contexte donné. Le fait que des joueurs ne puissent pas représenter leur pays, alors que c’est une consécration, ça n’a pas vocation à durer. On ne remet pas en question toute une organisation à long terme, on n’instaure pas la possibilité pour les clubs de faire échec à certaines convocations en sélection nationale. »

« Si on s’en réfère aux textes, notamment au Règlement du statut et du transfert des joueurs de la FIFA, l’avantage serait plutôt donné à la sélection puisqu’il est indiqué qu’un club ne peut empêcher un de ses joueurs de répondre à la convocation de la sélection dont il dépend, rappelle l’avocate. Mais lorsque l’on fait face à un contexte inédit où il faut changer ses habitudes, il y a toujours des parties qui sont défavorablement affectées. Il s’agit de trouver la moins pire des solutions. Le club n’a pas tous les droits, mais s’il y en a un qui doit être avantagé, pour moi, c’est le club, car c’est lui qui fait signer un contrat à son joueur. Ça ne me choque pas du tout qu’un club dise qu’il ne puisse pas se permettre d’organiser une septaine qui le priverait de certains joueurs parce qu’ils reviennent de sélection. Étant l’employeur du joueur, c’est lui qui détermine de quelle manière il souhaite l’utiliser. Après, les fédérations peuvent très bien saisir la FIFA si elles trouvent que la circulaire leur est défavorable. Elles ont un grand pouvoir, à elles de l’exploiter et de faire valoir leur position vis-à-vis de la FIFA. » Comme Noël Le Graët le disait justement en mars 2020, « les fédérations vivent économiquement de leurs matchs. On en a dix par an, ils doivent être protégés ». D’où l’importance de jouer collectif, sur le terrain comme en dehors.

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