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Peter Bosz : « Je pense que l’on pratique le meilleur football des Pays-Bas »

Par Matthieu Rostac, à Amsterdam
Peter Bosz : « Je pense que l’on pratique le meilleur football des Pays-Bas »

Douzième d'Eredivisie il y a encore un mois, le Vitesse Arnhem vient d'engranger 19 points sur 21 possibles et trône désormais sept places plus haut dans le classement. Surtout, le Vitesse Arnhem est, selon certains, ce qu'il se fait de mieux en matière de ballon hollandais. Cette raison porte un nom : Peter Bosz. L'ancien joueur de Feyenoord et de Toulon et actuel coach de l'annexe néerlandaise de Chelsea nous a accordé une interview où il est question de spectacle, de Bertrand Traoré, de doordekken et de Rolland Courbis.

Hugo Borst (célèbre journaliste néerlandais, ndlr) dit de votre équipe qu’elle est la plus agréable à voir jouer en Eredivisie. Qu’est-ce que ça vous fait ?

C’est un beau compliment. Nous avons une manière de jouer qui est très plaisante pour les supporters, oui, mais à la fin, il est toujours question de résultats. Surtout en première partie de saison, durant laquelle nous avons énormément dominé sans obtenir le succès escompté. Nous avons d’ailleurs perdu pas mal de points, alors qu’on ne pouvait pas forcément se le permettre. Donc c’est vrai, je pense que l’on pratique le meilleur football des Pays-Bas, mais on manque de points.

Diriez-vous que vous êtes un homme d’idées plus qu’un entraîneur pragmatique ?

Bien sûr. Mais chaque coach a sa propre idée de comment jouer au football. Moi, je n’essaie pas seulement de gagner, mais aussi de provoquer de l’enthousiasme chez les gens. Je pense que les fans attendent d’une équipe qu’elle ait la possession, qu’elle se crée beaucoup d’occasions et bien sûr, qu’elle marque beaucoup de buts. Avec le Vitesse, nous pressons les équipes très haut et très tôt dans le jeu. Lorsque nous avons la balle, le but est d’avoir une bonne possession et de construire par l’arrière, et lorsque nous perdons la balle, nous avons mis en place la règle des cinq secondes. Chaque joueur doit faire en sorte d’avoir récupéré la balle dans les cinq secondes qui suivent sa perte en pressant immédiatement l’adversaire. Parce qu’un adversaire qui récupère la balle n’est jamais en bonne position pour attaquer, les joueurs sont souvent regroupés autour du ballon. Nous essayons donc de tirer profit de ça pour récupérer la balle rapidement. C’est un concept mis en place par Guardiola à Barcelone. Il avait sa règle des trois secondes. Bon, on n’est pas Barcelone, donc j’ai décidé de donner à mes joueurs deux secondes de plus. J’essaie aussi d’appliquer le doordekken : si un adversaire retourne dans sa moitié de terrain, le dernier défenseur de mon équipe ne doit pas avoir peur lui aussi de rentrer dans la moitié de terrain de l’adversaire.

Pour mettre en place le jeu que vous essayez de développer, quel est le meilleur schéma tactique ?

C’est avant tout une question de travail d’équipe, et chaque joueur sait ce qu’il a à faire, quand on a la possession ou quand on ne l’a pas. Je n’aime pas trop parler de schéma tactique parce que le plus important, ce sont les joueurs que tu as à disposition. Actuellement, nous avons les joueurs nécessaires pour évoluer en 4-3-3 et en 4-2-4 ou 4-4-2 au pressing, en fonction de l’endroit où l’on presse. Mais le plus important, c’est de le faire ensemble. Entre le premier attaquant et le dernier défenseur, il ne doit y avoir que trente mètres.

Excepté Guardiola, revendiquez-vous d’autres « influences » ?

Évidemment. Tous les coachs qui essaient de jouer de manière offensive, Johan Cruijff le premier. Je le suivais avec assiduité lorsqu’il était encore joueur et quand il est devenu coach, il parvenait toujours à mêler résultats et spectacle. D’ailleurs, Guardiola a également été influencé par Cruijff.

C’est étonnant parce que certains vous considère comme un légataire du jeu que Van Gaal, l’archenemy de Cruijff, développait à l’Ajax…

Vous parlez de deux coachs qui s’opposent, mais moi, je vois deux coachs brillants qui pratiquent un football plaisant. Ils sont simplement différents dans leur caractère, leur personnalité. La seule différence que l’on peut leur trouver en matière de football, c’est qu’en tant qu’entraîneur, Cruijff était sans doute encore un peu un joueur. Van Gaal, c’est un vrai coach, une personne rationnelle qui réfléchit énormément au jeu, qui veut tout organiser et faire en sorte que les joueurs prennent leurs responsabilités.

Vous avez commencé votre carrière de coach à Appeldoorn, au niveau amateur. Dans quelle mesure cette expérience vous a-t-elle aidé dans votre métier de coach ?

Il y a deux façons de débuter comme entraîneur professionnel : soit tu fais comme Frank de Boer et tu commences à l’Ajax, soit tu fais comme moi. Même si l’on était au niveau amateur, cette expérience m’a forgé parce que tu dois tout faire par toi-même. C’était une équipe très ambitieuse qui voulait jouer au niveau professionnel. Pour ça, il fallait être champion des Pays-Bas amateur. Ils m’ont donné la liberté nécessaire pour que je me charge de tout organiser, du recrutement au centre de formation. Beaucoup de gens s’imaginent que tout joueur pro peut finir coach, mais pour moi, c’est différent. J’ai été joueur pro pendant vingt ans et je peux te dire que coacher une équipe, c’est le jour et la nuit. C’est un nouveau métier. Et tu dois apprendre ce métier. D’ailleurs, j’apprends toujours après quinze ans. D’un autre côté, j’ai toujours su que je voulais devenir coach.

Quels autres moments ont forgé votre profil d’entraîneur ?

Lorsque j’étais joueur. Par exemple, Wim Jansen, quand je jouais à Feyenoord. Je savais déjà que j’appliquerais en tant que coach ce qu’il m’inculquait sur le terrain chaque jour. Même chose quand je faisais partie de l’équipe nationale avec Rinus Michels. Par la suite, quand je suis devenu entraîneur de Heracles Almelo, j’ai découvert le football moderne, fait d’innovation. Quand j’étais joueur, ça n’existait pas. Maintenant, tout le monde a l’analyse vidéo, l’analyse de données et tu te dois de t’adapter.

Vous êtes à l’aise avec ces outils techniques dans le football ?

Il faut. Désormais, mon staff se compose de douze ou treize personnes en raison de ces outils. Mais à la fin, c’est toujours l’œil du coach qui prévaut. 95% du temps, tu te fis à ton expérience, à ton feeling, et les 5% restants, ce sont les données et les vidéos. Ça n’est jamais le point de départ de notre façon de jouer.

En parlant de données, le Vitesse est l’équipe qui tire le plus au but cette saison. C’est quelque chose qui est travaillé à l’entraînement ?

Bien sûr. Mais tirer au but, ça n’est que la finalité d’une bonne possession de balle. Nous pressons très haut, nous récupérons le ballon presque tout le temps dans la moitié de terrain adverse, donc je ne suis pas plus surpris que ça quand on me dit que Vitesse est l’équipe qui tire le plus au but. En revanche, ce sur quoi nous devons travailler, c’est l’efficacité.

Oui, parce que votre ratio occasions/buts est relativement faible, et la plupart de vos occasions se produisent hors de la surface. Comment l’expliquez-vous ?

Si vous jouez en contre-attaque, il y a de grandes chances que vous finissiez dans la surface de réparation adverse parce qu’il y a beaucoup d’espace. Parce que nous jouons avec la possession, les équipes ont peur de nous et se regroupent dans leur camp. Donc il n’y a plus tant d’espace que ça derrière la ligne de défense. Je tiens également à dire que nous sommes l’équipe qui marque le plus hors de la surface de réparation. C’est normal : c’est toujours très compliqué de combiner jusqu’à te retrouver à cinq mètres du but.

Vous manquez peut-être d’un tueur en attaque, aussi ?

Ça a été le cas pendant longtemps, oui. Juste avant la trêve, nous avons recentré notre ailier Bertrand Traoré (petit frère d’Alain Traoré, ndlr), 19 ans, en avant-centre. Il a commencé à marquer. Malheureusement, il est parti à la CAN, et nous avons eu des difficultés à marquer. Mais depuis qu’il est revenu, nous gagnons tous nos matchs. Il était le chaînon manquant de l’équipe cette saison. Si l’on regarde les résultats, il y a une grosse différence, mais le fonds de jeu, la possession, le nombre d’occasions sont les mêmes entre une victoire et une défaite cette année. Maintenant, on marque. Et derrière Feyenoord, nous sommes la meilleure défense du championnat avec cette fameuse règle des cinq secondes. Nous avons commis beaucoup d’erreurs en début de championnat, mais nous avons encaissé seulement un but lors de nos cinq derniers matchs.

Bertrand Traoré appartient à Chelsea. Comme Lucas Piazón, votre meilleur buteur l’année dernière. Comment faites-vous pour construire chaque année une équipe compétitive malgré ce roulement fréquent de joueurs en prêt ?

Tout le monde s’attarde là-dessus, mais si on compare notre situation à celle des autres clubs néerlandais, elle n’est pas si différente. Si l’on regarde le nombre de joueurs qui vont quitter le PSV à la fin de saison ou ceux de Feyenoord l’été dernier, ils sont au nombre de six ou sept. Titulaires, de surcroît. C’est juste une question d’argent aux Pays-Bas. Un bon joueur de 20, 21 ans va partir à l’étranger. C’est la raison pour laquelle tous les coachs se plaignent d’avoir des équipes jeunes, avec un manque certain d’expérience. Au Vitesse, on a trois joueurs prêtés par Chelsea, oui, mais seulement un sur trois est titulaire. Bertrand Traoré est encore jeune, mais ça fait déjà un an et demi qu’il est avec nous et peut-être qu’il sera avec nous l’année prochaine aussi. Patrick van Anholt est resté trois ans avec nous comme ça.

Cette relation avec Chelsea, c’est plus un atout ou un souci selon vous ?

En toute honnêteté, travailler main dans la main avec Chelsea est quelque chose de spécial. Il n’y a pas beaucoup de clubs qui peuvent se permettre d’aller regarder dans le vivier de Chelsea. Trois à quatre fois par saison, je vais à Londres rencontrer les dirigeants et Mourinho pour voir les joueurs que l’on peut nous envoyer. Très souvent, ce sont des joueurs très talentueux. Et Chelsea ne dit jamais : « Vous devez prendre tel ou tel joueur ! » C’est toujours discuté en amont. En tant qu’entraîneur, c’est une situation assez géniale.

Hormis le fait de prêter des joueurs, quelle est l’implication de Chelsea dans la vie du Vitesse Arnhem ?

Pas grand-chose de plus. Le propriétaire du Vitesse (Alexandr Chigirinski, ndlr), chose assez rare pour être soulignée, est russe et ami d’Abramovitch. Excepté ce lien entre eux, le Vitesse sert également à faire progresser des jeunes joueurs de Chelsea et réciproquement. C’est donnant-donnant. Et ça s’arrête là, Chelsea n’interfère jamais dans mes décisions. Je choisis toujours mon onze titulaire.

Vous avez une relation particulière avec la France, puisque vous avez joué à Toulon entre 1989 et 1991. Vous pouvez nous en dire un peu plus sur cette période ?

« Bien sûr ! » (en français, ndlr). C’était un moment particulier pour moi parce que j’étais jeune, je jouais dans un club de seconde division néerlandaise et c’était la première fois que je jouais à l’étranger. D’autant plus à Toulon qui, c’est le moins qu’on puisse dire, a toujours eu cette réputation de club « spécial » en France. J’étais très heureux de rencontrer Rolland Courbis. Vous savez comment il est, c’est un « personnage » . Quand tu travailles avec cet homme, chaque jour est un de tes meilleurs souvenirs. C’est un mec qui aime le foot, le bon vin… La vie, quoi. Bon, j’ai entendu toutes sortes d’histoires à son sujet, mais ce que je sais, c’est qu’il a aidé à me rendre meilleur, notamment en défense. À l’époque, le championnat de France était l’un des tout meilleurs. Il y avait Francescoli à Marseille, Desailly et Deschamps à Nantes, et Zidane débutait à Cannes. Pour ma part, j’ai joué avec des grands joueurs là-bas : Pardo, Casoni, etc. J’ai toujours des amis à Toulon, même si c’était il y a vingt-cinq ans. Toulon, ce sera toujours spécial pour moi.

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