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Personne ne fait des petits ponts comme Dele Alli

Par Kerill Mc Closkey
Personne ne fait des petits ponts comme Dele Alli

Si Harry Kane a fini meilleur buteur européen de la dernière année civile, il n'est pas le seul parmi les Spurs de Pochettino à exploser les statistiques. À 21 ans, Dele Alli totalisait déjà plus de buts et de passes décisives (40) que Lampard, Beckham et Gerrard au même âge. Combiné. Voilà pour l'efficacité. Quant au plaisir, celui qu'on doit désormais nommer Dele enfile aussi les petits ponts à un rythme peut-être jamais vu en Angleterre. Pour effacer un défenseur, parfois. Pour le frisson, souvent. Au risque d'irriter les puritains.

C’est peu dire que Wembley a connu des soirées plus excitantes. Ce mercredi 7 février 2018, Tottenham reçoit une équipe de quatrième division, Newport County, dans le stade qui vit Bobby Charlon lever la seule World Cup remportée par l’Angleterre. 90 000 places disponibles, 39 000 occupées. On joue la 86e minute, les Spurs mènent tranquillement 2-0, il fait froid, Wembley sonne creux, alors Dele décide de faire sa spéciale. Entré en jeu depuis moins de dix minutes pour se réchauffer, le jeune Anglais se déporte vers le poteau de corner gauche, se retourne, fait mine de regarder sur sa droite, et passe le ballon entre les jambes du pauvre défenseur de Newport venu l’agresser trop naïvement. C’est limpide, beau, efficace. Mais à Wembley ou devant leurs téléviseurs, les derniers résistants ont dû s’exclamer : « Gamiiiin ! » Dix jours plus tard, Dele réitère sur le terrain de Rochdale, 3e division. Décalage à gauche, retour sur le pied droit, petit pont. Il était entré en jeu depuis moins de trois minutes.

Enfance dure et foot de rue

Lors de ces deux matchs de FA Cup face à des équipes plus faibles, il est clair que Dele s’est levé du banc avec un objectif en tête : déposer un adversaire du dribble le plus célèbre et humiliant du football, chose qu’on voit davantage dans les terrains municipaux du dimanche que chez les pros. Surtout venant d’un joueur anglais. C’est qu’outre-Manche, Dele Alli est différent. Dans le pays le plus structuré du football, où les talents débarquent en centre de formation dès la primaire, le jeune Alli a surtout appris dans la rue. Fils d’un père parti au loin à ses trois ans (d’où son récent choix d’inscrire son prémon sur le maillot) et d’une mère alcoolique ( « J’étais accro à la vodka, à la bière, peu importe quel alcool » confiait-elle au Sun), le natif de Milton Keynes, nouvelle ville sans charme situé à 70 km de Londres, faisait tout pour éviter de rentrer à la maison.

Alors il jouait au foot dehors, la plupart du temps sur un espace de stationnement de véhicules plus propice aux dribbles sur petit périmètre qu’aux tacles et transversales à l’anglaise. Ce sont sur ces petits espaces bitumés que Dele Alli a connu les joies du petit pont, au point de toujours en rechercher l’adrénaline jusqu’à son passage en professionnel dans l’équipe locale du MK Dons, alors en D3 britannique. « Tous les jours à l’entraînement, Dele essayait d’enfiler des ballons entre les jambes, raconte Danny Green, un coéquipier de l’époque. Tous les vendredis, on se faisait des toros avec deux joueurs en chasse. Son seul but était de placer un petit pont à chacun d’entre nous ! »

Lors de sa première saison pleine avec MK Dons, en compagnie d’un certain Will Grigg sur le front de l’attaque, Dele Alli est encore mineur et placé au poste de milieu défensif. Ce qui ne l’empêche toujours pas de placer des petits ponts en matchs officiels. Notamment quand l’adversaire est de renom, comme le confirme Danny Green : « Mon plus grand souvenir avec Dele, c’est son match contre Manchester United en League Cup. On remporte le match 4-0 et ce jour-là, et il a passé quelques beaux petits ponts. » Certes, c’était contre une équipe remaniée d’un Van Gaal encore à la recherche d’équilibre. Mais l’audace, et l’exécution, sont là, au point de taper dans l’œil des recruteurs de Tottenham qui, le lendemain, font de Alli une priorité. Ils le signeront quelques mois plus tard pour 6 millions d’euros. Le jour de la raclée surprise infligée par MK Dons, United officialisait l’arrivée d’Ángel Di María pour 75 millions.

Insultes et tacles appuyés

À Londres, Dele a prouvé que cette prestation contre United n’était pas qu’un tube d’un soir. Certes, il y a les petits ponts de Newport et Rochdale. Mais parmi ses victimes, on compte aussi Emre Can, Alexis Sánchez, Andrea Raggi et Sergio Ramos. Dans des grands matchs donc, quand la pression devrait raisonnablement faire éviter le risque du petit pont. Une tradition entamée dès sa première pré-saison avec les Spurs en face d’un ancien du club, Luka Modrić. Lancé contre le Real lors d’un match amical, Alli ose en effet humilier la star croate d’un nutmeg délicieux alors qu’il est encore loin de rentrer dans les plans de jeu de Pochettino. « Petit morveux ! » , lui assénera amicalement Modrić dans les couloirs vers le vestiaire. Entre esthètes, on se comprend. Mais d’autres ont été moins cléments.

« Certains joueurs n’appréciaient pas du tout les tentatives de petit pont de Dele » , fait noter ainsi Danny Green, le coéquipier du MK Dons. « À l’entraînement, ça allait, tout le monde se marrait et essayait son propre petit geste technique, même si Dele restait le meilleur. Mais en match, il se prenait de sacrés taquets… » Pas étonnant pour les célèbrement rugueuses divisions inférieures britanniques. Sauf que cette image a dépassé le cadre du terrain. À cause de son goût prononcé pour le petit pont, Dele jouit aujourd’hui d’une image contrastée en Angleterre. Jugé arrogant, son profil n’est que peu compatible avec les idéaux de solidarité et combativité valorisés par la culture britannique, surtout depuis sa simulation contre Liverpool le mois dernier qui fit fleurir des pancartes « Dele, Don’t Dive » .

Sauf que jour-là, c’est bien ce petit apport de vice qui donna le point du match nul à Tottenham, obtenant à l’usure un penalty litigieux en toute fin de match. Un vice dont cette belle équipe pouvait d’ailleurs parfois manquer. Ça, les fans des Spurs l’ont bien compris : au bout de quelques matchs probants de Dele Alli sous les ordres de Pochettino, la page Twitter de statistiques dédiée au club Spurs Stat Man décidait de recenser au fur et à mesure les petit ponts de l’Anglais sous le titre du Dele Alli Nutmeg Counter. Résultat en fin de première saison ? 16 petits ponts en Premier League, 8 en Ligue Europa, 2 en pré-saison, 3 en sélection. Puis vint la seconde saison : fin octobre 2016, il en totalisait déjà 9 en PL et 4 en Ligue des champions. C’est là que le Dele Alli Nutmeg Counter s’est arrêté, las. Il y en avait juste trop.

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Dele Alli

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Dele Alli of Besiktas during the Turkish Super League football match between Besiktas and Trabzonspor at Vodafone Park Stadium in Istanbul , Turkey on October 16 , 2022. ( Photo by Seskimphoto ) - Photo by Icon sport
Dele Alli of Besiktas during the Turkish Super League football match between Besiktas and Trabzonspor at Vodafone Park Stadium in Istanbul , Turkey on October 16 , 2022. ( Photo by Seskimphoto ) - Photo by Icon sport
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