- Culture foot
- Naples
Peppe Cutraro : « L'ingrédient principal de ce Napoli, c'est la cohésion d'équipe »
Champion du monde de pizza et fan inconditionnel du Napoli, Peppe Cutraro domine la scène parisienne de la pizza depuis déjà plusieurs années. Interview base tomate.
Peppe, on te voit souvent avec un maillot de Naples sur le dos, aussi bien à Paris que lors de tes voyages dans ta ville d’origine. Quand est née cette passion pour le Napoli ? Mon oncle était un ultra et a fondé le groupe de la Brigata Carolina (le groupe ultra des Quartiers espagnols de la ville de Naples, NDLR). Comme je n’avais pas mon papa, c’était un peu un second père, tout ce qu’il faisait, je voulais faire la même chose, donc à 10 ans, j’ai commencé à supporter le Napoli. Au début, c’était plus par amusement, puis c’est devenu une véritable passion, et à 16 ans, j’ai rejoint moi aussi le groupe des ultras de mon oncle. C’est là que j’ai découvert le vrai milieu des tifosi et que j’ai commencé à aller voir tous les matchs.
C’était avant ou après que tu décides de devenir pizzaïolo ? Ça s’est fait un peu au même moment. Je vivais dans les Quartiers espagnols qui sont un peu chauds et, à ce moment-là, il y a eu une bourse d’étude pour apprendre un métier aux jeunes de ce quartier. Il y avait plusieurs possibilités, et moi, j’ai décidé de devenir pizzaïolo. Par contre, j’avais demandé à avoir tous mes dimanches de libre parce que j’avais un engagement avec la Brigata et je me devais d’aller au match. D’ailleurs, aujourd’hui, dès que je suis à Naples, s’il y a un match, je suis « obligé » d’y aller.
Cette année, tu dois être ravi, le Napoli est largement premier, et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Comment vis-tu cette saison ? Je pense qu’on mérite d’être là ! Ça fait cinq ou six ans qu’on se bat et qu’on a été victimes d’injustices, notamment à cause de la Juventus. Comme tout le monde le sait, ce club fait toujours un peu n’importe quoi, et ça, c’est une honte. Nous, on souffre de ça, parce que c’est toujours plus difficile pour nous, parce qu’en plus de la différence de budget, il faut se battre contre les magouilles. Mais cette année, grâce au hasard, on a une équipe de malade et un entraîneur génial qui est un vrai tacticien (Luciano Spalletti). Pour le peuple napolitain, pour moi, pour les enfants qui ont besoin d’une opportunité dans la vie et de croire en quelque chose d’impossible qui peut devenir possible, je pense qu’on mérite de gagner le championnat et que cette victoire va donner de l’espoir à tous les Napolitains. Là, on parle plus de foot, on parle d’une ville, d’un rêve et de l’opportunité de changer quelque chose.
Pour faire une bonne pizza, c’est comme une équipe de foot, il faut des bons ingrédients. Selon toi, quels sont les ingrédients qui font que le Napoli est une bonne équipe ? L’ingrédient principal, c’est la cohésion d’équipe. Le président a fait partir les senatore qui étaient là depuis des années et qui étaient sûrs d’être titulaires, qu’on gagne ou pas. Là, la moitié de l’équipe est partie (Insigne, Mertens, Ruiz, Koulibaly) et à la place, on a pris des jeunes qui ont faim et qui ont du talent. En plus de ça, on a Spalletti et les supporters qui ont toujours été là. Moi, j’ai 33 ans, j’ai de vagues souvenirs de ce que ma maman me racontait quand on a gagné nos derniers titres. Ça fait des années qu’on n’a rien gagné, mais on a toujours été là comme si c’était une finale de Coupe du monde.
Dans le foot, il y a énormément de rivalité entre les clubs. Est-ce que c’est pareil dans le monde de la pizza. Qu’est-ce que tu penses de la pizza romaine, par exemple ? Pour la pizza, c’est différent. Moi, je pense que toutes les pizzas sont bonnes si elles sont bien faites et qu’elles ont des bons ingrédients. Il y a des pizzas différentes, mais moi, j’aime tous les styles. Si j’ai choisi de faire de la pizza napolitaine, c’est parce que c’est celle de chez moi, celle que je préfère.
D’ailleurs tu sais qu’en France, la capitale de la pizza c’est Marseille ? T’as déjà goûté une pizza marseillaise ? Oui, tous les Marseillais me disent ça ! D’ailleurs, je n’ose pas ouvrir une pizzeria à Marseille. Les Marseillais sont tellement fiers avec leurs camions à pizza que j’opterai pour une autre ville avant d’ouvrir à Marseille. (Rires.) Malheureusement, je n’y suis encore jamais allé pour goûter leur pizza, et ça, c’est vraiment un regret. Je suis curieux de goûter un jour pour comprendre pourquoi les Marseillais sont tellement fiers de leur pizza.
Comment ça se fait qu’on mange beaucoup plus de pizza en France qu’en Italie ? D’abord, c’est surtout dans le sud de l’Italie qu’on mange de la pizza. Et puis je crois que c’est très lié à notre façon de vivre. Nous, en Italie on reste chez nos parents très tard, parfois jusqu’à 30 ans, donc on va à la pizzeria le vendredi ou le samedi avant de sortir. Vous en France vous vivez seuls beaucoup plus jeunes. À Paris, les jeunes préfèrent vivre à quatre dans un appart de 50m2, mais sortir tous les soirs. Au restaurant, le lundi soir, parfois je fais quatre services, personne ne me croit quand je raconte ça en Italie !
Donnarumma vient souvent manger dans ton resto, il prend quoi comme pizza ? Il a droit à une pizza spéciale ? Oui, il est venu souvent. Quand il m’a demandé de lui faire une pizza, je lui ai dit que j’allais lui faire ma favorite : la Piquante (sauce tomate, mozzarella, saucisson piquant napolitain, oignons confits, NDLR). Souvent après les matchs, soit il commande, soit il passe ici en manger une. Je lui ai déjà dit de venir avec les autres joueurs du PSG, mais pour l’instant, j’attends.
Aujourd’hui, si tu devais faire goûter tes pizzas à un joueur, tu voudrais que ça soit qui ? Vu qu’on est en France et que mon fils m’a « trahi », et qu’après le Napoli il est devenu supporter du PSG en voyant Neymar, Mbappé et Messi, je n’ai plus le choix, donc je vais dire Messi. Mbappé, je pense avoir encore un peu de temps, mais Messi, dans quelque temps, il ne sera plus là.
Comment ça se passe, une soirée foot à Naples ? Je pense que c’est comme dans le monde entier, on se réunit entre potes avec des bières et des pizzas et on crie devant la télé pour supporter notre équipe. Moi, je le vois quand il y a des matchs du PSG, mes commandes en livraison explosent ! En général, j’ai besoin de prévoir deux pizzaioli en plus.
Quelle est la pizza que tu nous conseilles pour regarder un match de foot ? Moi, si je ne suis pas au travail et que j’ai la chance de pouvoir regarder le match, je ne mange pas de pizza. Des pizzas, j’en mange tous les jours, au moins pour goûter la recette et la qualité, donc si je suis à la maison, je mange autre chose que de la pizza.
Si Maradona était une pizza, ça serait laquelle selon toi ? Sans hésiter, ça serait ma pizza championne du monde ! C’est la pizza qui m’a changé la vie. C’est la pizza qui a tout, le caractère, la couleur, c’est la pizza que les gens aiment et qui est la plus vendue. Donc c’est une pizza leader, c’est une star, et Maradona, c’est ça !
Propos recueillis par Florian Domergue
Photos : Florian Domergue