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Quand les supporters marseillais ont décidé de ne pas se rendre au Parc pour protester contre les mesures de sécurité, à leurs yeux liberticides, qui leur étaient imposées, on s’est dit que ce PSG-OM allait être calme. Cruelle erreur. Emeutes entre CRS et supporters. Violentes bagarres entre fans parisiens. Et un habitué du kop de Boulogne qui reste à terre. Grièvement blessé par des membres du virage Auteuil, Yann Lorence, 37 ans, est décédé une quinzaine de jours plus tard. Retour sur les faits, leurs causes et leurs possibles conséquences.

Tout a commencé dans l’après-midi du 28 février, sur le boulevard Murat, dans le 16e arrondissement parisien, au Park’s Boulevard. Dans ce bar, 300 habitués de Boulogne. « Il n’y avait pas que des violents, ni des fascistes. Mais parmi eux, une grosse majorité se sont adonnés à leur petit folklore, en chantant des trucs racistes. Et les policiers présents sur les lieux n’ont rien fait, raconte un témoin. Puis, un peu après 19h00, ils ont descendu le boulevard Murat, ont contourné le dispositif policier (ce qui interpelle sur son efficacité, ndlr) et se sont retrouvés devant la tribune Paris, à deux pas d’Auteuil » . En arrivant au niveau de la tribune « numérotée » H, le groupe se divise. Un connaisseur des tribunes parisiennes analyse: « A ce moment-là, des anciens de Boulogne souhaitent rentrer dans leur tribune. Contre l’avis de ces anciens, des jeunes –et quelques moins jeunes– décident d’aller quand même devant Auteuil. Environ la moitié des 300 gars présents devant le bar déboule devant le virage » . Un autre témoin affirme: « Ils ont commencé à gueuler ‘Supras on t’encule!’. Ils cognaient aussi sur tout ce qui bougeait en hurlant des slogans racistes » . Lorsque le groupe arrive devant Auteuil, les supporters présents –dont certains venaient de s’opposer violemment aux CRS à l’arrivée du bus de l’OM– commencent par reculer. Puis, subitement, une violente contre-charge est lancée par des membres actifs des groupes mais aussi par de simples supporters remontés contre Boulogne. C’est alors que Yann Lorence, 37 ans, membre historique de la Casual Firm –l’une des principales bandes de hooligans de Boulogne– est sévèrement pris à partie. Lynché au sol, tabassé, il est grièvement blessé. Plongé dans un coma artificiel, il décède de ses blessures le 17 mars. Si cet enchaînement des faits paraît avéré, de nombreuses questions demeurent, notamment quant à la position de Yann au début des violences, à sa personnalité (lire encadré) et à l’identité de ses agresseurs (sur lesquels nous n’avons pas eu le temps de recueillir d’informations précises). Le lendemain du match, la plupart des médias prétendent que Yann sortait d’un bar au moment où il a été agressé. Cette version, le virage Auteuil la réfute, rappelant que l’attaque initiale est venue de Boulogne et affirmant que Yann en faisait partie. Tout en condamnant le lynchage, les groupes d’Auteuil s’efforcent de se présenter comme les agressés. Au contraire, Boulogne affirme haut et fort que Yann n’a pas participé à l’attaque devant Auteuil. Dans certaines de ses interventions médiatiques, Philippe Perreira, porte-parole du kop, a même évoqué un « guet-apens » dans lequel Yann et d’autres membres de Boulogne seraient tombés. Un représentant de la Casual Firm nous a quant à lui expliqué que son groupe « ne souhaite pas s’exprimer pour l’instant et demande que son deuil soit respecté » . Tout en reconnaissant la première charge de membres de Boulogne ( « On ne peut pas nier les faits » ), il tient à faire passer un message clair: « Ni Yann, ni la Casual Firm n’étaient dans cette charge » . Des proches de Yann ont assuré que l’enquête confirmerait bientôt leurs dires. Un habitué du milieu supporter avance une hypothèse: « Je ne crois pas que Yann ait participé à la première charge. Il était surnommé ‘Gros Yann’. Son physique ne lui permettait plus vraiment d’être en première ligne. En plus, il s’était un peu rangé, même s’il n’en pensait pas moins » . Plusieurs témoignages font état de profondes dissensions entre les « jeunes » et les « vieux » de Boulogne et laissent entendre que certains jeunes ont pris l’initiative de provoquer Auteuil avant de prendre la fuite, obligeant les anciens à se retrouver, malgré eux, en première ligne.

« Têtes brûlées » Quelle que soit la vérité, cet affrontement matérialise la haine qui sépare les deux camps de supporters du PSG. Avant le drame, plusieurs incidents allant crescendo depuis décembre, avaient déjà sonné l’alerte. Ils s’expliquent par l’histoire longue de ces deux tribunes (lire encadré) qui s’opposent pour une question de suprématie, accentuée par de profondes divergences socio-politiques. Pour éviter que la situation ne s’envenime, les leaders des deux camps avaient pourtant tenté d’instaurer une trêve en 2008. « On avait décidé qu’il ne devait plus y avoir de provocations des deux côtés. En déplacement, il ne devait plus y avoir de symboles politiques ou de drapeaux étrangers. On ne devait pas se calculer, être chacun dans notre coin, explique un habitué de Boulogne. Il y a eu un premier dérapage d’Auteuil la saison dernière à Saint-Etienne. On a pardonné. Mais à Bordeaux en décembre, ils s’en sont pris à un jeune du kop mais aussi à un ancien qui essayait de calmer le jeu. Ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase » . Les principaux concernés, les Supras Auteuil, admettent les violences bordelaises mais estiment qu’elles sont dues à des provocations politiques de Boulogne. Le kop fomente sa revanche, qui éclate à Lille le 16 janvier. Ce jour-là, 200 durs s’en prennent aux supporters d’Auteuil, lesquels sont expulsés à la mi-temps par les forces de l’ordre, ce qui provoque chez eux un puissant ressentiment. Le conflit dégénère alors pour de bon, les deux tribunes allant, fait nouveau, jusqu’à s’insulter en plein match. Chaque camp reproche à l’autre ses provocations et sa radicalisation, violente et politique. A en croire Auteuil, les jeunes générations de Boulogne sont ouvertement politisées et fraient avec des groupuscules d’extrême droite: « Lors du déplacement à Lille, les Identitaires, dont le Projet Apache (qui a refusé de répondre à nos questions, ndlr), étaient du déplacement. Ces mecs-là n’ont, à la base, rien à voir avec le foot. Ils foutent la merde et enveniment les choses » . Un ancien de Boulogne accable lui les jeunes d’en face: « Le problème, c’est que les anciens d’Auteuil, ils n’arrivent plus à gérer leurs jeunes. La K-Soce Team (une section des Supras, ndlr), c’est des stéréotypes de la jeunesse des cités. Ce sont des têtes brûlées, ils sont ingérables. En plus, ils ramènent des gars hors foot. A Lille, en haut de leur partie de tribune, une vingtaine de gars nous attendaient, je ne les avais jamais vus » . Remonté, il enchaîne: « A Auteuil, ils veulent se faire passer pour les victimes. Je ne vais pas nier qu’il y a du racisme côté Boulogne. Mais s’il n’y avait pas eu toutes ces provocations d’Auteuil à notre égard, les drapeaux algériens, les djellabas, tout ça, il n’y aurait pas eu tous ces problèmes. Le racisme anti-français de la part d’Auteuil, c’est aussi une réalité » . Il finit par une dernière salve: « On n’est pas armés. On aime la bagarre, mais on n’est pas là pour commettre des meurtres. On a des codes nous, on ne fait pas n’importe quoi » . « Les mecs qui ratonnent et viennent ensuite te parler de leur code d’honneur, ça me fait rire » , rétorque un ultra d’Auteuil. Qui croire? A quoi ressemble vraiment chaque tribune?

Si Boulogne est quasi-exclusivement blanche, elle n’est, de toute évidence, pas composée uniquement de fachos. « Les généralisations des journalistes sur Boulogne, c’est de la connerie, explique un abonné. Entre les différents blocs (les différentes parties de la tribune, ndlr), les mecs n’ont aucun rapport. Il y a des mecs lambda, des supporters, des hools, il y a de tout » . Diversité aussi des profils politiques: « En gros, à Boulogne, il y a une minorité qui impose sa tendance. Moi je suis pas d’extrême droite, je m’en bats les couilles de la politique » . Ce qui fait consensus dans la tribune, finalement, c’est l’opposition aux « racailles » , et le plaisir de se retrouver dans un territoire où ces dernières n’ont pas droit de cité. Cette hostilité partagée recouvre des orientations politiques diverses. « Je suis juif et je vais en Boulogne, indique un autre supporter. Quand t’es blanc, vaut mieux être ici. Je peux pas aller partout dans cette tribune(certains blocs sont occupés par des individus ouvertement politisés, ndlr), mais c’est toujours mieux que les drapeaux de la Palestine d’en face » . Les liens avec la scène politique et l’extrême droite semblent plutôt individuels. Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême droite, décrypte: « Il y a eu des tentatives ponctuelles de certaines organisations d’établir des liens structurels avec Boulogne. Mais le milieu hooligan, à l’instar du milieu skin, reste rétif à tout embrigadement et surtout à rejoindre une structure politique, aussi petite soit-elle, avec tout ce que cela suppose de hiérarchie et de contrainte. » Un militant antifasciste de Réflexes pointe l’imprégnation de l’extrême droite par la culture hooligan plutôt que l’inverse: « Les Identitaires trippent à mort sur le délire casual/indépendants/footeux » . A l’arrivée, le racisme ne s’est pas subitement accru à Boulogne ces dernières années. « Franchement, le racisme maintenant, c’est de la rigolade, explique un ancien du Parc. Dans les années 90, c’était bien pire. Les ratonnades étaient plus fréquentes » .

« Pas de politique au stade » Une rapide observation du virage Auteuil montre que cette tribune n’est pas, elle non plus, si monolithique que sa réputation ne le laisse croire. Loin d’être composé uniquement de « racailles » issues des cités de la région parisienne, le virage est marqué par une diversité sociale et culturelle. Des Blancs, des Maghrébins, des Noirs, des habitants du centre de Paris, des jeunes issus des quartiers défavorisés, etc. s’y côtoient. De nombreux meneurs d’Auteuil sont des Blancs dont le profil social ne ressemble pas aux clichés. « Il faut absolument arrêter avec cette diabolisation d’Auteuil. Le conflit ne peut pas être réduit à une opposition entre les racailles d’un côté et les nazis de l’autre » , s’énerve un abonné d’Auteuil. « Auteuil, c’est un idéal républicain cosmopolite. La France, c’est nous » , ajoute un autre. A Boulogne, on affirme pourtant que « l’extrême gauche a investi Auteuil depuis quelques mois. On retrouve des gars d’Auteuil dans les manifs d’extrême gauche au NPA (ex-LCR, ndlr), etc. Ils se sont fait récupérer » . Analyse démentie côté Auteuil: « On a toujours refusé d’apporter la politique au stade. Que les gens aient une conscience politique en dehors du stade, c’est leur choix. Mais au sein du groupe, jamais » , martèle un habitué du virage, ce qu’accréditent les acteurs politiques parisiens d’extrême gauche. Interrogés dans le cadre de notre enquête, plusieurs d’entre eux nous ont demandé des informations sur ce qui se passait à Auteuil… En revanche, la radicalisation violente du virage est indéniable. Des ultras d’Auteuil se sont ainsi récemment distingués par leurs intentions agressives à Montpellier ou Marseille. La provocation envers Boulogne est désormais acceptée par certains. Lors du déplacement à Lyon, le 31 janvier, des Supras étaient habillés avec des djellabas. « On répondait surtout aux attaques lyonnaises du match aller. Mais il se trouve qu’à Boulogne, ils n’ont pas apprécié. Voir des mecs brandissant le drapeau français avec l’inscription ‘1962’ dessus, c’est une manière de dire que le supporter parisien n’est pas seulement un Blanc votant à droite. Après, ce n’était sans doute pas le bon moment » , admet un habitué d’Auteuil, avant d’ajouter: « A cause du conflit avec Boulogne, on s’est coupés des jeunes pas très enclins à se battre ou qui refusent la violence subie pour ne garder que des mecs un peu têtes brûlées capables de défendre le virage chaque week-end. Forcément, une telle configuration cause des dommages collatéraux » . A l’arrivée, Auteuil est donc aussi pluriel que Boulogne. Notamment à propos du rapport de forces violent avec l’ennemi d’en face. « Il faut que les gars de Boulogne comprennent que même sur le terrain de la violence, ils ne peuvent pas gagner. Ce n’est pas juste un nez cassé qu’ils risquent en se frottant à nous » , disait fin janvier un ultra de manière tristement prémonitoire. « Tu n’attaques pas les mecs sur leur point fort, la baston. Sur ce terrain-là, les mecs de Boulogne sont dingues. L’erreur de certains jeunes côté Auteuil, c’est d’avoir voulu être plus dingues que des tarés » , analyse à l’inverse un autre ultra.

Partant d’une rivalité entre groupes de supporters d’un même club, situation relativement fréquente en France, on en est arrivé à un conflit qui s’inscrit dans la durée et témoigne de divergences fortes dans la manière de s’approprier un territoire –le Parc– et de se définir comme Parisiens. Au final, l’enjeu est simple. Boulogne veut préserver sa domination et son territoire blanc. Pas question de laisser un espace supplémentaire aux mains des « racailles » . « J’entends dire qu’on ne veut plus de racistes à Boulogne, mais c’est du rêve. On ne pourra pas nous interdire. Il faut aussi que les gens ouvrent les yeux. La burqa, le Quick hallal, les bandes en banlieue, on n’en peut plus de tout ça » , balance un ancien de Boulogne. Un autre ajoute: « Le racisme de certains d’entre nous, il ne vient pas tout seul. Il a des causes sociales. Est-ce qu’on veut laisser la France aux sauvages des banlieues? » Du côté d’Auteuil, c’est la remise en cause de ce territoire blanc qui est au centre des préoccupations. Selon un abonné d’Auteuil, Boulogne n’accepterait pas que le virage ose se rebeller: « Boulogne, c’est le complexe du colonisateur. Ils ne comprennent pas que l’esclave, le soumis, puisse se révolter. Pendant vingt ans, on a pris des claques, des insultes racistes. Pour eux, c’est la norme. D’autant qu’ils ont toujours agi en toute impunité. Alors forcément, quand tu commences à relever la tête, à ne plus accepter les coups, ils ne comprennent pas » . C’est dans cette optique que certaines associations d’Auteuil (Supras et Grinta) et de la tribune G voisine (Authentiks) ont pondu un long communiqué après les incidents de PSG-OM dénonçant le racisme et la mansuétude du club à son égard. « Il fallait qu’on fasse sauter la cocotte minute. Certains médias semblaient à côté de la plaque. Le racisme, c’est la base du conflit. On a voulu mettre fin à l’hypocrisie. » A Boulogne, on dénonce un communiqué qui « jette de l’huile sur le feu » et l’incapacité d’Auteuil à « assumer ses propres responsabilités » . Du côté du club, on réfute vivement ces accusations: « Je ne peux pas accepter la moindre insinuation de complaisance envers le racisme. C’est inconcevable » , assure Robin Leproux, le président du PSG.

« Téméraires mais pas fous » « Quand on parle de violence, la provenance de la tribune m’indiffère complètement. Il ne faut pas tomber dans la caricature. Il n’y a pas les gentils d’un côté et les méchants de l’autre, martèle Leproux. Je dis les choses très clairement. Il y a une tribune dans laquelle il y a des gens infréquentables, racistes, xénophobes, antisémites et ultra blancs. Ce n’est pas toute la tribune Boulogne, mais c’est là qu’on les trouve. Quant à Auteuil, on trouve une population plus violente, qui a beaucoup changé avec une certaine politisation et qui donne un vrai répondant aux exactions violentes de Boulogne, même si tout le virage n’est pas composé de gens ultraviolents et infréquentables. Voilà pourquoi je les mets dos à dos. » Mais il affirme aussi: « Il faut que le virage Auteuil accepte des gens tout à fait blancs dans leur tribune. Faut oser le dire: il faut une mixité dans les deux tribunes » . Or, cette mixité existe déjà à Auteuil. Carine Bloch, spécialiste du sport à la LICRA (Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme) étaie ce point de vue: « Le club renvoie la balle dans le camp de la préfecture et vice-versa. Suite aux incidents de PSG-OM, nous avons demandé une réunion tripartite, qui a été annulée par la préfecture. Cette dernière a demandé une lettre officielle, que nous lui avons envoyée. Depuis, rien. Nous avons rencontré le président du PSG: son discours est volontaire, mais j’ai eu le sentiment qu’il était très mal informé. »

Informé ou désinformé? Le département supporters, dont plusieurs membres sont d’anciens de Boulogne, est dans la ligne de mire d’Auteuil. « En 1993, au lendemain des affrontements entre des CRS et des membres de Boulogne, certains ont pris de la prison ferme. En théorie, des mecs comme ça n’ont plus rien à faire au Parc. Pourtant, certains bossent dans la sécurité du stade » prétend un ultra d’Auteuil. « Les dirigeants du club sont téméraires mais pas fous avance un habitué du Parc. La maison que se faisait construire Jean-Philippe d’Hallivillée (responsable du département supporter, ndlr) a brûlé en mars. On a conclu à un accident. C’est troublant quand même » . Le club nie tout rapport avec la frange dure de Boulogne. Leproux: « A Boulogne, ils n’ont qu’un seul porte-parole. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’autre pour dialoguer que celui qui nous a été désigné. Depuis huit mois, je n’ai de complaisance avec aucune tribune. J’ai toujours voulu voir les représentants des deux tribunes ensemble » . Une position qui ne plaît pas à certaines associations d’Auteuil: elles exigent de rencontrer le club séparément. Le refus de ces groupes de donner leurs noms pour les déplacements s’expliquerait en partie par leur crainte que les hooligans de Boulogne aient accès à ces listings et mènent des représailles.

« Peur de représailles » Ces dernières années, seul Jean-Pierre Larrue s’est vraiment attaqué aux franges violentes et racistes des supporters parisiens. L’ancien responsable de la sécurité se souvient qu’en 2004, il avait entrepris une opération de pacification des tribunes: « N’étant pas du sérail, je n’avais aucune accointance avec les gens en place. J’étais donc parfaitement neutre. Très vite, j’ai soumis une liste de 500 supporters indésirables. 250 à Boulogne, 250 à Auteuil. A Boulogne, c’était une frange xénophobe, raciste et violente. A Auteuil, on était en présence d’individus plus jeunes, issus des banlieues, qui venaient au stade pour se battre. Les deux s’opposaient, clairement. » Jouissant au départ d’un soutien inconditionnel, l’ancien du GIPN (Groupe d’intervention de la police nationale) s’est rapidement retrouvé isolé. « Au début j’avais le soutien du Préfet de Paris, des pouvoirs publics, de Frédéric Thiriez et bien entendu du président, M. Graille. Mais les supporters ont étés plus malins. Ils se sont mis les médias spécialisés dans la poche. Le rapport de force est très vite devenu tendu. D’autant que je devais faire face aux deux mouvances, qui, pour une fois faisaient cause commune. J’ai tenté de mettre en place des mesures coercitives. De mettre fin à la vente des billets sans nom en déplacement, de réglementer l’accès aux locaux du Parc, etc. Je me suis vite retrouvé sans soutien. Notamment de la part de la mairie de Paris pour laquelle il était inconcevable d’entendre qu’Auteuil pouvait être critiquée. La mairie ne jurait que par le côté raciste de Boulogne. Alors qu’au club, on laissait surtout Boulogne en paix. On m’a fait comprendre que mes prédécesseurs n’avaient jamais réussi à endiguer le phénomène de la violence au stade. Idem pour le racisme: il était préférable de ne pas l’évoquer. Par peur de représailles. Le mot d’ordre était de ne pas faire de vagues. J’ai reçu des menaces de mort, ma femme était suivie à notre domicile. On me téléphonait chaque jour. Thiriez ne répondait plus à mes courriers. Même M. Graille a fini par me laisser tomber avant de se faire virer. » Si les ultras d’Auteuil pointent les erreurs de Larrue, qui s’en est effectivement pris à son arrivée autant à la violence et au racisme qu’à l’animation des tribunes en entravant certains tifos et en menant un combat acharné contre les fumigènes, ils regrettent aujourd’hui de s’être alliés à Boulogne contre lui. « Avec le recul, je pense qu’on s’est trompé de combat avec lui. Les fumigènes, aujourd’hui, ça semble ubuesque. On était en phase avec lui sur la violence et le racisme, on a préféré avoir tout d’un coup et on a précipité sa chute. C’est dommage finalement » , pointe l’un d’entre eux.

« Aujourd’hui, on a deux solutions » « Il ne faut pas que Yann soit mort pour rien, clame Robin Leproux. Les deux tribunes ne se comprennent plus. Il faut absolument rebattre les cartes. Il n’y a plus d’enfants au Parc, c’est anormal. Nous souhaitons attirer un public familial sans forcément augmenter le prix des places. Il ne faut pas se couper du public populaire » . A Auteuil, on a aussi imaginé l’avenir: « Aujourd’hui, on a deux solutions. Soit ça repart pour 20 ans, le racisme est toujours là, rien ne change. Soit on assiste à une vraie évolution, pas forcément positive pour l’ambiance, mais positive pour la vie du club » . Dans un climat au calme précaire depuis le drame de fin février (chaque camp, notamment Auteuil, craignant des représailles en ville), les pouvoirs publics ont également un rôle à jouer. D’abord, dans la conduite de l’enquête puisqu’elle va apporter des informations sur le déroulement exact des faits et sur la personnalité de Yann et de ses agresseurs. Ensuite, dans sa manière de gérer la violence et le racisme qui gangrènent le Parc. Outre les sanctions individuelles, la dissolution des groupes de supporters violents a été évoquée. Pourtant, en elle-même, elle ne résoudra rien, comme l’échec de la dissolution des Boulogne Boys en 2008 en témoigne. « Si on dissout toutes les associations d’Auteuil, le club va se retrouver face à la multiplication des ‘firms’ au sein du virage. Le dialogue sera impossible compte tenu de l’absence de structure associative » s’inquiète un ultra. Pour être efficaces, les mesures de dissolution devraient s’appliquer à des groupes ouvertement violents, sans cibler un seul des camps en conflit et en s’assurant que les individus ne reviennent pas causer des troubles individuellement. Il faudrait aussi tenir compte des capacités régulatrices de certains groupes tout en exigeant qu’ils maîtrisent mieux leurs membres. Dans ce contexte malsain, la remarquable dignité de la famille de Yann Lorence, qui ne s’est pas exposée tout en appelant au calme, doit être soulignée. Puisse-t-elle ouvrir une ère nouvelle au PSG.

Par Jean Falconne et Jean-Paul Merthod, avec Nicolas Hourcade

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