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Affaire Overmars : quand le sexisme joue la montre

Par Corentin Delorme

Suspendu un an par l’Institut néerlandais du droit du sport (ISR) ainsi que par la FIFA de toute activité en lien avec le football, Marc Overmars peut visiblement compter sur le soutien des joueurs de l’Antwerp. Un événement révélateur de toutes les difficultés du monde du football à avancer sur le sujet des violences sexistes et sexuelles (VSS), et qui rappelle que nos sociétés sont encore à la peine concernant cette thématique.

Affaire Overmars : quand le sexisme joue la montre

Il y a maintenant presque deux ans, Marc Overmars quittait son poste de directeur du football de l’Ajax Amsterdam. Derrière ce départ, d’obscurs messages et photos envoyés par l’ancien international néerlandais à des collègues féminines. Un comportement inapproprié pour lequel il s’est excusé dans un communiqué du club. Sauf que l’affaire continue de faire parler deux ans plus tard. Suspendu en novembre pour un an dans son pays par l’ISR, avant de subir la même sanction à l’étranger de la part de la FIFA en janvier, celui qui a rebondi entre-temps comme directeur technique de l’Antwerp a décidé de faire appel de cette sanction au « caractère disproportionné » selon son porte-parole.

Un climat politique hostile

Au-delà de la volonté de l’ancien feu follet d’Arsenal d’être réhabilité, il faut interroger le geste de soutien des joueurs d’Anvers. À l’issue de la rencontre remportée le 21 janvier dernier face à Charleroi (4-1), ceux-ci ont déployé une banderole portant l’inscription « Overmars, pour toujours à tes côtés ». Visiblement descendue des tribunes, la banderole a suscité l’ire de certains médias belges, et à raison. Ce soutien inattendu n’est pourtant pas le fruit du hasard, comme l’explique Jean-Michel De Waele, sociologue du sport en Belgique : « Il faut situer cela dans le contexte politique et sociologique de la Flandre. Le premier parti, le Vlaams Belang, est d’extrême droite et indépendantiste. Le deuxième parti est indépendantiste et très à droite. Le maire d’Anvers, Bart De Wever, est le président du parti indépendantiste (N-VA). Tout cela fait un tissu social conservateur, marqué par un anti-wokisme important. » De la même façon, il rappelle que le président du Royal Antwerp, Paul Gheysens, est très lié à la VOKA (Association des patrons de Flandre), elle-même proche du N-VA.

Ce basculement de l’échiquier politique à droite est observable dans toute la région. La victoire du PVV de Geert Wilders aux Pays-Bas lors des législatives de novembre ou la montée de l’extrême droite en France avec le RN ne font que fournir d’autres preuves. Une étude du bureau d’avocats Demos publiée en octobre révèle que la loi belge sur le sexisme, promulguée en 2014, est encore trop peu connue et mal utilisée. La loi prévoit notamment de punir les actes de harcèlement sexuel au travail, ce qui n’a pas empêché le Royal Antwerp de recruter Overmars, même si les faits se sont déroulés dans un autre pays. Le malaise va pourtant bien au-delà du simple soutien des joueurs d’Anvers à leur directeur technique. Si le climat politique favorise ce genre d’actions, il peut aussi conduire à les pérenniser et contribue à reproduire ce schéma où les femmes sont discriminées. C’est en tout cas le sentiment de Béatrice Barbusse, sociologue du sport : « Pour me rendre compte que la lutte contre les violences sexuelles et sexistes faites à l’égard des femmes est quelque chose qui n’est pas prioritaire, je n’ai pas besoin de cette affaire. Quand on voit aujourd’hui l’état du sexisme en France, on ne peut pas être étonné qu’il y ait ce comportement. »

Au-delà du football

Le sexisme gangrène le sport depuis des années, et la partie émergée de l’iceberg s’est un peu plus découverte récemment avec la forte médiatisation des affaires Noël Le Graët et Luis Rubiales. Sans pour autant créer de véritable électrochoc, comme le souligne Béatrice Barbusse : « Le foot nous a bien fait comprendre que ce n’était pas pour nous (les femmes), au départ. Maintenant, on a compris qu’on pouvait y aller, mais malgré cela, au vu des derniers scandales, si on veut y aller, il faut s’accrocher. » Outre les cas des deux anciens présidents de fédération, l’ancienne handballeuse pro fait référence aux nombreuses affaires d’attouchement depuis le début de la saison de Ligue 1.

Je sens poindre un féminisme sportif, et je vois qu’il y a des jeunes femmes qui ne sont pas prêtes à se laisser faire comme nous, on s’est laissées faire à leur âge.

Béatrice Barbusse, sociologue du sport

En dépit des volontés de progrès dans les discours officiels, les deux sociologues s’accordent sur un point : il y a une partie de nos sociétés pour qui « le monde évolue trop vite ». Le monde du sport, et du football tout particulièrement, en fait partie, étant un univers qui « préfère le conservatisme », selon Jean-Michel De Waele. Dans une société en constante mutation, le football aurait oublié de s’adapter. Pour Béatrice Barbusse, « il y a un monde d’hier qui doit disparaître », aussi bien dans le football que dans la société civile. Évidemment, tout cela prend du temps, un investissement financier et humain nécessaire des pouvoirs publics, un changement dans la manière d’éduquer les enfants, mais aussi les adultes, en somme une « déconstruction ». Le cas Overmars n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, et le constat est alarmant au-delà de cette affaire.

Dans son rapport annuel publié au mois de janvier 2024, le Haut Conseil à l’égalité (HCE) alertait sur une augmentation des idées machistes chez les jeunes hommes en France. D’après l’étude, 40% des 15-25 ans estiment qu’il est de plus en plus difficile d’être un homme aujourd’hui, une hausse de 14% par rapport à 2022. Le HCE pointe également un retour alarmant des idées conservatrices chez les hommes et les femmes, qui se ressent nécessairement dans le milieu du foot. Mais ce sombre tableau, bien que démoralisant, doit être nuancé pour l’ancienne présidente de la section handball de l’US Ivry : « Les femmes qui sont dans le milieu sportif sont de plus en plus prêtes à parler et parlent déjà.. […] Je sens poindre un féminisme sportif, et je vois qu’il y a des jeunes femmes qui ne sont pas prêtes à se laisser faire comme nous, on s’est laissées faire à leur âge. » Comme dans un match qu’elles pensent être en train de gagner, les vieilles mentalités prennent leur temps pour céder leur place. Il faut juste faire confiance au corps arbitral ou les pousser vers la sortie pour que le changement soit fait et continuer la partie dans de meilleures conditions.

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Tous propos recueillis par CD, sauf mention.

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