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Oumar Gonzalez, le roc de l’AC Ajaccio

Par Loïc Bessière et Raphaël Brosse
Oumar Gonzalez, le roc de l’AC Ajaccio

Avant de recevoir Le Havre, ce samedi (19h), l’AC Ajaccio reste accroché à sa deuxième place grâce à son arrière-garde, de loin la meilleure de Ligue 2 (17 buts encaissés en 35 matchs). Les Corses ont érigé la défense de leur territoire en art, et Oumar Gonzalez en est le porte-étendard. Le Camerounais au physique imposant réalise une saison XXL et tape sur les nerfs des attaquants qu’il croise sur sa route. Portrait d’un amoureux des duels rugueux, qui a Giorgio Chiellini comme modèle.

Pour voir des records tomber en cette fin de saison, pas besoin de chercher bien loin : c’est la Ligue 2 qu’il faut regarder. On peut évidemment parler de Toulouse, assuré de monter depuis lundi dernier, qui a d’ores et déjà pulvérisé le plus haut total de buts marqués depuis l’instauration de la poule unique (80 à trois journées de la fin, contre 75 pour Nîmes il y a quatre ans) et dont le maître à jouer, Branco van den Boomen, peut établir une nouvelle marque historique en ce qui concerne le nombre de passes décisives (20 pour le moment, soit autant que Zinedine Ferhat en 2017-2018). Dans un tout autre registre, l’AC Ajaccio a, lui aussi, un record fou dans le viseur. Avec seulement 17 buts encaissés – et 22 clean sheets ! – depuis le début de l’exercice, le club corse a de réelles chances de faire mieux que Metz (2006-2007) et le Paris FC (2018-2019), qui avaient alors concédé 22 pions. Une solidité défensive à toute épreuve, voilà l’atout majeur des hommes d’Olivier Pantaloni, qui occupent la très enviable deuxième place du classement avant de recevoir Le Havre ce samedi (19h), pour une affiche qui s’annonce encore une fois électrique. Et si l’arrière-garde ajaccienne est plus difficile à percer qu’un mur en béton armé, c’est en partie grâce à Oumar Gonzalez.

Lorsqu’il débarque dans la ville natale de Napoléon Bonaparte, en juillet 2021, le défenseur de 23 ans est accompagné de jolies promesses, notamment entraperçues au cours de ses deux années à Chambly. Il ne tarde pas à les confirmer, devenant très vite un membre inamovible de la charnière corse et se permettant même le luxe de planter trois buts au cours des cinq premières journées. Mais c’est un autre élément qui lui confère le statut d’ennemi public n°1 des autres formations de Ligue 2, à savoir sa faculté à faire disjoncter les attaquants adverses. En l’espace de quelques semaines, le Parisien Gaëtan Laura et le Caennais Alexandre Mendy reçoivent un carton rouge après un accrochage avec le Camerounais, qui en fait aussi voir de toutes les couleurs au Sochalien Aldo Kalulu. Après le match, le Lionceau publie d’ailleurs un tweet pour se plaindre du traitement de faveur qu’il vient de subir, montage vidéo à l’appui. En janvier, l’ACA monte même au créneau et se fend d’un communiqué salé à l’encontre de la commission de discipline de la LFP, qui a suspendu son protégé après une embrouille avec le Grenoblois Manuel Pérez. Mais, bon sang, pourquoi le roc Gonzalez est-il si infernal pour ses adversaires et si important pour son club ?

On a immédiatement décelé un gros potentiel en lui. Sa technique était un peu rustre, c’est vrai, mais ses qualités athlétiques étaient énormes.

Gros potentiel, nounours et transformation

Afin d’y voir plus clair, rien ne vaut un rapide retour en arrière. Passé par des clubs de quartier marseillais pendant ses jeunes années (US Baille, Air Bel), le natif de Douala intègre le centre de formation du FC Metz en 2013 et fait partie de l’effectif professionnel en 2015. « Je ne l’ai jamais eu dans mon groupe, précise pourtant Philippe Hinschberger, nommé entraîneur des Mosellans en décembre 2015. Il était tout le temps blessé et, avec le staff médical, nous avons pris la décision de le faire redescendre au centre de formation. » C’est à Épinal, où il est prêté la saison suivante, qu’Oumar lance véritablement sa carrière. Alors coach de la formation vosgienne, qui évolue en National, Xavier Collin se souvient « d’un très jeune garçon de 18 ans, qui a tout de suite fait l’unanimité. On a immédiatement décelé un gros potentiel en lui. Sa technique était un peu rustre, c’est vrai, mais ses qualités athlétiques étaient énormes. » Pour exploiter au mieux ce potentiel, justement, celui qui était jusque-là considéré comme une sentinelle recule d’un cran et prend place en défense centrale. Un poste que Gonzalez occupe ensuite dans les différentes équipes l’accueillant en prêt (Villefranche, Rodez) et bien sûr à Chambly, qu’il rejoint en 2019. « C’est facile de jouer avec lui, admet Thibault Jaques, son binôme dans la charnière chamblysienne. Il dégage beaucoup de puissance, de fougue. Mais il faut aussi savoir le driver, l’obliger à défendre dans sa zone au lieu d’aller n’importe où sur le terrain. »

Ce n’est pas une « pute » comme Sergio Ramos. Oumar est méchant, oui, mais parce que c’est un mort de faim.

Oumar Gonzalez, c’est donc d’abord une carrure qui en impose, avec son mètre 86 tout en muscles et ses longs bras prompts à encercler les joueurs adverses. Inutile de dire qu’il ne passe pas inaperçu sur une pelouse. Sous cette carapace de gros dur se cache cependant un cœur tendre, si l’on en croit ceux qui l’ont côtoyé. « Il est calme, souriant, agréable… c’est un bon mec, vraiment », assure Thibault Jaques. « Il est très timide. Dans le vestiaire, il ne parlait pas beaucoup », ajoute Adrien Pagerie, qui a connu le robuste défenseur à Villefranche-Beaujolais. « Il est adorable, c’est un gentil garçon, respectueux des règles, de la hiérarchie et de l’entraîneur », abonde Xavier Collin, qui le décrit aussi comme « un très gros bosseur. Des mecs qui ont faim comme lui, on n’en voit plus beaucoup dans le foot d’aujourd’hui. » Voilà pour l’Oumar du quotidien. Mais dès que l’heure du coup d’envoi est proche et qu’il faut chausser les crampons, une « petite transformation » s’opère, avoue Thibault Jaques. « On va dire que c’est un petit nounours tranquille hors compétition, mais en match, c’est un mort de faim », synthétise Adrien Pagerie dans un sourire.

Des coups d’épaule qui énervent

Pour imager cette métamorphose, le latéral caladois a une action qui lui revient en tête : « Oumar avait dix mètres de retard sur un attaquant. Il est revenu à 2000 km/h et il lui a mis un coup d’épaule. L’autre, il a volé à deux mètres. Oumar a récupéré le ballon et a relancé proprement. » Le duel, voilà ce qui transcende le Corse d’adoption. « Il dégage énormément de puissance,lance Pagerie. Il est très solide au corps à corps. Même s’il se fait passer, il ne lâchera pas le morceau. En plus, pour un central assez costaud, il va très vite. » Thibault Jaques, pour sa part, se remémore un match dans le match avec Bevic Moussiti-Oko la saison dernière à… Ajaccio : « Oumar avait sauté si haut qu’il était carrément passé au-dessus de lui. » Le plaisir coupable du numéro 25 de l’ACA serait donc d’envoyer valser les attaquants adverses. Au point de voir en lui un joueur méchant ? « Oui, c’est un défenseur méchant sur le terrain, répond sans hésiter Adrien Pagerie. Mais dans le bon sens du terme ! Ce n’est pas une « pute » comme Sergio Ramos. Oumar est méchant, oui, mais parce que c’est un mort de faim. Je pense qu’il aime défendre, tout simplement. »

Son duel, il le joue à 300%, donc s’il doit monter sur l’attaquant, il montera sur l’attaquant.

Et l’agressivité d’Oumar Gonzalez en agace plus d’un. Ce dont peut témoigner sans difficulté Thibault Jaques, qui a vu des avants-centres disjoncter à force de se coltiner cet encombrant garde du corps : « Son duel, il le joue à 300%, donc s’il doit monter sur l’attaquant, il montera sur l’attaquant. L’attaquant peut alors en avoir marre et décider de rentrer dans le duel avec Oumar. Mais pour ça, il vaut mieux être prêt ! » Et d’ajouter que « si un attaquant lui prend la tête, Oumar va s’engager dans le duel en prenant le ballon, le joueur et tout ce qui va avec » . « En arrivant au corps à corps face à lui, c’est foutu. C’est pour ça que j’essaie de mettre des attaquants fuyants, plus mobiles, plus malins », note Philippe Hinschberger, qui l’a croisé à plusieurs reprises en L2 ces dernières saisons, sur le banc de Grenoble ou d’Amiens.

« Il symbolise cet état d’esprit corse »

En février 2020, le Castelroussin Alexis Gonçalves ne tient que 17 minutes face au marquage de l’ancien Spinalien. Il est ensuite prié par l’arbitre d’aller se doucher, après deux coups de coude assénés à son vis-à-vis. « Je l’ai un peu joué à l’italienne. Je vois les grands défenseurs le faire, Materazzi, Bonucci, donc pourquoi je ne le ferais pas », avouait alors le défenseur camerounais dans le Courrier picard. Mi-avril, il révélait à France 3 Corse avoir Giorgio Chiellini pour idole. Cette adoration des malicieux Italiens ferait-elle de lui un joueur vicieux, qui provoque l’adversaire avant de se tordre de douleur au moindre petit contact ? « C’est quelqu’un de dur dans les contacts, comme un défenseur qui aime gagner ses duels. Mais je n’ai pas le souvenir d’un match où il a mal parlé, où il a été agressif dans le mauvais sens du terme », avoue le numéro 9 palois Romain Armand, qui l’a affronté à plusieurs reprises au cours de sa carrière. Xavier Collin ne dira pas le contraire : « Oumar est très fort, parce qu’il réussit à rester dans sa bulle quand il joue des duels. De ce côté-là, il a énormément appris, parce qu’il se faisait provoquer à Épinal, avec qui il croisait souvent des attaquants expérimentés. »Cette saison, Gonzalez a certes récolté la bagatelle de neuf cartons jaunes, ce qui illustre bien son agressivité. Il n’a néanmoins toujours pas été expulsé, preuve de sa capacité à garder son sang-froid.

C’est le profil idéal pour Ajaccio ! En Corse, il y a la culture de bien défendre, de se transcender pour son équipe.

La Corse, ses plages de sable fin, ses figatelli et son appétence pour la combativité. Romain Armand connaît tout cela. Il a passé deux saisons à Ajaccio, au Gazélec (2017-2019). Pour lui, aucun doute, le grand Oumar et les insulaires se sont bien trouvés : « C’est le profil idéal pour Ajaccio ! En Corse, il y a la culture de bien défendre, de se transcender pour son équipe. Si la solidité des Ajacciens fait leur force, c’est surtout l’état d’esprit corse qui demande de ne rien lâcher et de se battre jusqu’à la dernière seconde. Il symbolise cet état d’esprit, et cela lui va à ravir. » Le stade François-Coty, Xavier Collin y a joué pendant six ans. Lui non plus n’avait aucun doute sur la compatibilité du Camerounais avec le projet acéiste. « Pour être sincère, je l’ai eu au téléphone avant qu’il ne signe son contrat, révèle-t-il. J’étais déjà passé par là-bas, et je l’ai incité à rejoindre Ajaccio. Je pensais vraiment que c’était le profil qui correspondait à la mentalité du club, à cette équipe. » Avec Oumar Gonzalez, les Corses peuvent se rassurer : la défense de l’Île de Beauté est assurée.

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Par Loïc Bessière et Raphaël Brosse

Tous propos recueillis par LB et RB, sauf ceux d'Oumar Gonzalez.

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