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Oullins, ou l’autre

Par Julien Duez, à Oullins
Oullins, ou l’autre

Dans la banlieue lyonnaise, le CASCOL se présente comme une alternative à l’OL. Plus familial, plus populaire, ce club historique de la formation rhônalpine veut désormais tenter le pari du foot féminin. Pour l’instant, il n’y a qu’un seul maître à bord, mais le partenariat récemment signé avec Montpellier pourrait à l'avenir faire bouger les lignes.

« On ne va pas à la piscine parce qu’il faut mettre un bonnet et ça nous fait des têtes de bouffons ! » Cette phrase, rapportée il y a quelques jours par le quotidien Le Progrès, a été prononcée par un jeune placé en garde à vue par la police, après avoir déclenché une séance de street-pooling, cette activité qui consiste à ouvrir frauduleusement des bouches d’incendie pour se rafraîchir par fortes chaleurs. C’était il y a quelques jours, dans le quartier de la Saulaie, à Oullins, un peu moins de 30 000 habitants et à un peu moins d’un quart d’heure du centre-ville de Lyon en métro. Après un autre quart d’heure de bus qui passe toutes les vingt minutes en période de vacances scolaires se trouve le quartier du Merlo. Avec au bout du chemin, la preuve que cette commune limitrophe de la préfecture rhodanienne ne se limite pas à de désagréables faits divers.

« Ici, ce n’est pas super riche, mais ce n’est pas un coin sensible pour autant. On retrouve un mélange de quartiers populaires et résidentiels, un peu comme Montrouge avec Paris » , sourit Martin Paz, seul salarié de l’équipe de foot local : le Club athlétique sportif des cheminots d’Oullins et Lyon (CASCOL). Plus de 70 ans après sa création, les cheminots ne sont plus là, et l’équipe première végète en D3. Mais le club s’est taillé une solide réputation dans la région : celle de formateur de talents. Parmi les noms qui trônent au panthéon du club-house, on retrouve pêle-mêle ceux de Sabri Lamouchi, Jean-Marc Ferreri, Bouna Sarr, Patrice Garande, Florent Balmont, Sébastien Hamel, Mehdi Zeffane, Samuel Souprayen et surtout, Éric Abidal, lequel a donné son nom à un tournoi U12 disputé chaque année. « Chez les petits, on est resté un club de quartier, mais chez les plus grands, on attire des joueurs issus de tout Lyon. D’ailleurs, nos licenciés viennent souvent d’un milieu bien plus populaire que celui de la population oullinoise » , reprend Martin en refermant la parenthèse démographique.

La fidélité, ciment du renouveau

Mais pour voir l’armoire à trophées, il faudra encore patienter quelques heures. Le stade du Merlo est en effet occupé par la sélection néerlandaise, en pleine préparation de sa demi-finale, remportée le lendemain face à la Suède. Et les organisateurs du Mondial sont intransigeants : l’entraînement se fait à huis clos. Seuls les médias accrédités sont autorisés à assister au premier quart d’heure. Les licenciés et les bénévoles doivent se contenter d’avoir eu l’honneur de laisser les Oranje fouler la pelouse qui jouxte la tribune Maurice Charles. Pas plus. Alors, c’est en plein cagnard, sur un banc du Parc naturel de l’Yzeron voisin, que Martin raconte le projet qui l’anime depuis le début de la saison passée : relancer une section féminine au CASCOL.

Relancer et non lancer. Car si ce natif de La Paz la gère depuis un an, cela fait six saisons que les filles ont droit de cité au CASCOL, lorsque Martin a débarqué dans le club rouge et noir pour occuper son temps libre entre deux rattrapages à la fac de Lyon II. « On a compté jusqu’à une centaine de licenciées, mais par la suite, on manquait d’effectifs pour les gérer, et le projet a fini par péricliter » , rembobine le jeune trentenaire, avant d’expliquer son plan pour l’avenir : « Ce qu’il faut, c’est recommencer par la base et fidéliser les intéressées. Pour l’instant, on a quatorze licenciées et une équipe inscrite en U11. Je voudrais qu’on arrive à une trentaine pour rajouter une équipe U13 et pour les seniors, on verra plus tard. Il faudrait une cinquantaine de licenciées et surtout, des effectifs suffisants pour les gérer. » Martin a de bonnes raisons d’être optimiste : « Depuis le début du Mondial, on a déjà dix filles qui sont venues retirer un dossier d’inscription. Ça fonctionne beaucoup par le bouche-à-oreille dans la cour de l’école. » De quoi l’encourager à continuer de gérer seul les entraînements et l’accompagnement de ses filles aux matchs, même s’il espère que sa direction prendra conscience de la nécessité de commencer à mettre davantage de moyens pour soutenir cette démarche positive.

Fratrie football

Prendre le temps, respecter les processus, voilà ce qui anime ce détenteur du BEF qui rêve d’un destin à la Phil Neville ou Corinne Diacre : entraîner des filles comme des garçons. « Parce qu’il n’y a qu’un seul football. » Et celui pratiqué par les filles, il y a été sensibilisé en voyant sa sœur intégrer les sélections nationales de jeunes dans sa Bolivie natale, jusqu’à être appelée, à dix-sept ans, à disputer un match amical avec les A contre le Brésil de Cristiane et Marta.

Le foot féminin, ça le ressource, comme il aime le dire. Il brandit sa philosophie comme un étendard : « Nous, on ne refuse personne. Tout simplement parce que pour le moment, on ne recherche pas la performance. On veut juste faire connaître la discipline et que les filles viennent jouer sans avoir d’appréhension » , explique ce fervent défenseur du football amateur. « Ici, les filles ne viennent pas pour passer pro, mais pour s’amuser. Et entre nous, on se marre, même si on se prend des valises tous les week-ends. Cette saison, on a marqué deux buts. Mais elles les ont à chaque fois célébrés comme si elles venaient de gagner la Ligue des champions. »

We can be Hérault

Ce qui est sûr, c’est que hormis deux lettres en commun, le CASCOL et l’OL n’ont rien à voir. Là-bas, à en croire Martin, on peut se permettre de refuser du monde, devant les candidatures qui affluent sans cesse. Quant à la performance, elle tient évidemment une part non négligeable au sein du projet des Fenottes. Quoi de plus normal quand on a une équipe première sextuple championne d’Europe. « Ici, l’OL, on ne vit pas dans son ombre, on vit avec. Ils sont inévitables, mais c’est bien, cela donne envie aux filles de bien jouer et de progresser. » À défaut de rivaliser. En tournoi de jeunes, les petites protégées de Jean-Michel Aulas ont la réputation d’être imbattables… contrairement aux garçons.

Depuis la saison dernière, les Rouge et Noir ont cassé le partenariat qui les liait avec la toute-puissante institution du football lyonnais. En cause : le déséquilibre de la relation entre les deux : « Pour nous, il n’y avait aucun bénéfice hormis quelques places au stade pour des matchs de second rang et une formation technique pour les éducateurs de temps en temps » , résume Martin. Désormais, le partenaire majeur se nomme Montpellier. Une union rendue possible par un ancien éducateur oullinois, devenu recruteur dans l’Hérault. Faire une infidélité à l’OL quand on est un club de l’agglomération lyonnaise, ce n’est pas une première. L’année dernière, Saint-Priest l’a prouvé en se liant avec l’AS Saint-Étienne. Au CASCOL, le choix de rejoindre le giron montpelliérain est nettement moins risqué et surtout, il comporte un sacré bénéfice : le MHSC a désormais une porte d’entrée pour aller piocher dans le vivier des joueurs rhônalpins, souvent considéré comme étant le deuxième plus riche de France.

Symboliquement, l’alliance est forte, puisque c’est en effet le défunt président Louis Nicollin qui a été le premier à investir dans le football féminin en France. Aujourd’hui, son fils Laurent ne peut que constater la suprématie absolue de son collègue Jean-Michel Aulas, mais pour le CASCOL, être lié à un club qui compte parmi les outsiders de D1, c’est la garantie de voir le développement de sa balbutiante section féminine bénéficier d’un élan positif. Reste à voir comment prendra la mayonnaise. « Pour l’instant, ils nous ont invités à visiter leurs installations et à disputer quelques matchs amicaux. Et sinon, ils nous donnent parfois des lots quand on organise un loto ou une tombola » , conclut Martin. La sélection néerlandaise, elle, laissera derrière elle des cages et des bancs de touche flambants neufs. Quant à la commune, elle a voté l’octroi d’un nouveau terrain synthétique pour remplacer l’un des rugueux stabilisés du stade du Merlo. Livraison prévue début octobre. Le pied est dans l’étrier, et il ne faudra pas trembler au moment de s’élancer au triple galop. La future Eugénie Le Sommer porte peut-être déjà un maillot rouge et noir.

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Photos : JD et CASCOL.

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