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Oui, il y a eu un match aller avant le coup de tête de Kombouaré

Par Nicolas Kssis-Martov
Oui, il y a eu un match aller avant le coup de tête de Kombouaré

Dans la mémoire collective française, le duel face au Real en quart de finale de la Coupe de l’UEFA (C3) est l’acte de naissance européen du PSG. Son premier exploit contre un grand d’Europe. Mais avant qu'un coup de tête d'Antoine Kombouaré ne fasse trembler le Parc des Princes, il a fallu se déplacer à Bernabéu. Et essuyer la Real-Politik d'un habitué de ce type de confrontation. Bref, savoir perdre pour mieux gagner.

« Bizarrement, ce dont je me souviens de ce match, c’est l’occasion que je rate à la 88e minute. Je marquais peu et cela m’aurait fait tellement plaisir d’y arriver pour ce match-là. Mais qui sait, peut-être qu’à 2-2 (dans la foulée, Michel marquera le but du 3-1 pour le Real, ndlr), le retour aurait été complètement différent, et pas forcément aussi important pour nous et pour le club. » Patrick Colleter résume parfaitement l’impression dominante après ce déplacement dans l’antre des Merengues, en ce 2 mars 1993. « Ok, on avait perdu, se souvient pour sa part Amar, alors tout jeune abonné de 19 ans de la tribune Auteuil (le Virage n’existe pas encore),mais dans l’avion qui ramenait les supporters parisiens, nous étions tout sauf dépités. Loin de là. On se disait que tout était encore possible. Deux buts et on était qualifiés. »

Une autre époque, un autre football, une Europe où il était encore possible pour l’Étoile rouge de Belgrade de décrocher une C1, contre l’Olympique de Marseille. Une gueule de bois dont tout le monde ne se remet pas encore tout à fait dans l’Hexagone. « Et dans l’équipe du Real qu’on s’apprêtait à croiser, un certain Robert Prosinečki qui avait largement contribué à priver les Marseillais de leur rêve » , ironise Amar, encore amusé. Le niveau s’avère donc alors infiniment moins uniforme et les challengers sur les rangs plus nombreux qu’aujourd’hui. « Franchement, pour présenter notre état d’esprit, continue Amar,nous sortions de deux miracles, Anderlecht et Naples, qui à l’époque étaient de grosses équipes, alors tomber contre Madrid, ce n’était que du bonus. » D’autant que le PSG n’est pas véritablement un habitué des coupes d’Europe, et ce sont surtout les clubs italiens qui font trembler en général le Real. Ce voyage dans la capitale espagnole s’apparente presque à faire ses classes pour le jeune club parisien, y compris pour ses ultras. « Imagine, déjà, j’avais été à Naples, précise Amar.Et maintenant Madrid. Pour tout supporter, ce genre de parcours ne représente que du bonheur. »

Artur Jorge : « Je ne dirais pas que nous avons eu peur, mais… »

« Nous venions d’arriver sur la scène européenne, replace Patrick Colleter,et chaque étape franchie, même en Coupe de l’UEFA, était l’occasion de se frotter à des grands clubs, d’engranger de l’expérience et de se forger le caractère quelque part. » Pour tout avouer, même s’il ne le sait pas encore, l’effectif entraîné par le taiseux Arthur Jorge n’a pas de raison de rougir face à son adversaire. Habillé de son beau maillot bleu au sponsor Commodore, le PSG a des arguments : son attaque est animée par un homme qui sera un jour président du Liberia, ainsi que David Ginola, qui n’entretient pas encore de relation d’inimitié avec Gérard Houllier ; derrière, Alain Roche, joueur de l’année 1992 en France, a la mission de museler Ivan Zamorano, qui n’a pas le prestige des mythiques Ferenc Puskás et Raymond Kopa. Cependant, le football français vit encore au rythme de son éternel complexe d’infériorité. À la fin de la rencontre, c’est encore cette explication que sort Artur Jorge : « C’est un problème de métier, de savoir-faire, d’expérience. Je ne dirais pas que nous avons eu peur, mais ce n’est pas évident de jouer pour la première fois à Madrid. »

En attendant la vérité du terrain, les Parisiens découvrent sur place une tout autre atmosphère, fort éloignée de la tranquille routine de la D1. « Je me souviens surtout de l’atterrissage, soupire Amar. On a été contrôlés par les policiers sur le Tarmac. Il y avait encore pas mal de terrorisme lié à l’ETA là-bas. Ils portaient tous des cagoules sur le visage. Nous n’étions pas trop familiers de ce genre de situations. L’autre truc étrange, c’était leur obsession de la drogue. Nous n’avions pas l’habitude de cette problématique dans les tribunes en France – je ne dis pas que cela n’a pas changé ensuite. Franchement, le supporter parisien lambda n’était pas un forcené des nuits parisiennes. Alors quand un flic te demande pour le moindre cachet de quoi il s’agit, tu es un peu surpris. »

Carton rouge pour Alain Roche !

L’arrivé au stade déçoit néanmoins un peu les visiteurs. « C’était étrange,décrit Giscard, figure du Kop of Boulogne surnommé de la sorte pour avoir porté le masque de l’ancien président remettant la Coupe de France aux Parisiens.Bernabéu était à moitié vide, il était en travaux. J’ai pas trouvé l’ambiance énorme, très loin de ce que j’attendais ou espérais. J’imagine que pour les supporters locaux, le PSG ne constituait pas alors une affiche suffisamment excitante pour se déplacer en masse. » Cela dit, les 55 000 spectateurs dans les gradins ce soir-là sont plus nombreux qu’un Parc bondé.

Le match virera de son côté à la douche écossaise. La première mi-temps tourne à la leçon. Butragueño (1-0, 30e) et Zamorano (2-0, 36e) semblent sonner le glas des ambitions des jeunes parvenus parisiens. Mais David Ginola démontre le potentiel des rookies. D’une tête à la 49e, il retourne le rapport de force (2-1). Après une chevauchée folle, Patrick Colleter rate alors son fameux face-à-face qui aurait enfoncé le clou de l’orgueil du Real à la 88e minute. Sur le contre, Alain Roche détourne sur sa ligne et de la main une frappe de Zamorano. Carton rouge. Le penalty de Michel est dévié par Bernard Lama sur sa barre, mais le futur entraîneur de l’OM se jette comme un mort de faim et signe le but du 3-1. Retour au bus et à l’avion.

Supporters et joueurs sortent avec un sentiment mitigé. « Franchement, autant le résultat avait été frustrant, presque de l’injustice, conclut Patrick Colleter, autant le contenu de ce que nous avions proposé dans le jeu nous a rassurés. On les savait à notre portée maintenant. C’était presque le plus important. » Il ne faudra donc pas s’alarmer si le PSG s’incline 3-1 mercredi soir à Santiago-Bernabéu. Il suffira simplement d’attendre le match retour et de savoir qui sera prêt à jouer le rôle d’Antoine Kombouaré.

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