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On était à Rayo Vallecano-Athletic Bilbao

Par Robin Delorme, à Madrid
On était à Rayo Vallecano-Athletic Bilbao

Lorsque l'actuel douzième de Liga reçoit le dix-septième, difficile de parler de choc. Hier soir, à Vallecas, quartier populo de Madrid, la réception des Basques de Bilbao par le Rayo Vallecano avait tout des retrouvailles entre amis. Bienvenue dans le stade le plus atypique d'Espagne, où football pour tous, avis politique tranché et main verte se taillent la part belle.

La ligne numéro 1 du métro de Madrid est la plus vétuste et la plus longue de la capitale. Construite en 1919, elle reliait tout d’abord la Puerta del Sol au rond-point plus au nord de Cuatro Caminos. En 1962, elle est prolongée jusqu’à Portazgo, l’un des districts du quartier populaire de Vallecas. Hier, mercredi 24 septembre, le « proxima estacion, Portazgo » – rendu célèbre par Manu Chao – avait une résonance particulière : c’était jour de match entre faux frères du Rayo Vallecano et de l’Athletic Bilbao. À partir de 18h, les arcanes du métro ont gerbé un flot ininterrompu de maillots rojiblancos devant le Nuevo Estadio de Vallecas. Du rouge et du blanc, partout, et surtout des embrassades, accolades et retrouvailles. Loin d’être un derby, « ce match est une grande fête entre amis » , glisse Juan, deux bières à la main et quelques centaines de cadavres de pipas à ses pieds. « J’ai 25 ans et depuis que je supporte le Rayo, je sais que ce match est celui de la meilleure ambiance. On s’est toujours bien entendu avec les gars du Nord. Dès qu’ils viennent, c’est la fête. Le problème, c’est qu’avant le match, souvent, on arrose un peu trop… » Son maillot blanc au teint désormais jaunâtre en témoigne.

« Il faut tuer les Ultras Sur »

Plus qu’un simple rassemblement entre potes aux maillots cousins, ce rendez-vous madrilèno-basque est à l’origine une entente entre supporters de la même couleur politique. « Vallecas est le quartier populaire par excellence de Madrid. Ici ne vivent que des ouvriers, des gens du bas de l’échelle sociale » , raconte Esteban, pas peu fier « d’être un prolo, un rouge » et de ses « 20 ans d’abonnement au Rayo » . Aux alentours de ce stade qui ferait du Roudourou une enceinte VIP, les tracts sont antimonarchiques, les drapeaux espagnols sont républicains et les policiers « des ennemis » . Des caractéristiques et une ambiance qui conviennent parfaitement aux centaines de supporters basques. Ander et Asier – aucun lien avec Herrera et Illarra – sortent tout juste de leur voiture. Le dos en compote après plusieurs heures de trajet, ils rejoignent « des amis ultras » . « Les Bukaneros sont ce qui se fait de mieux en Espagne. Depuis que je les ai rencontrés il y a de ça quatre ans à San Mamés, je les admire. Ils font du bien au football » , sourit Ander avant de rejoindre ses confrères « pirates » – « bukaneros » en VO.

Pour les suivre, ouvrir grand les oreilles suffit : les Bukaneros sont bruyants. Sous les cris de « Il faut tuer les Ultras Sur » , ils enjaillent les aficionados un tantinet moins excités. Ce groupe d’ultras, vieux des années 90, est anti-raciste, anti-fasciste, anti-monarchique et très clairement de gauche. « Nous voulons un football propre et populaire. Vu la direction que prend ce sport en Espagne, nous sommes totalement à contre-courant. Des résistants qui veulent que le Rayo continue d’appartenir à ses supporters » , beugle Jairo, tatoué de haut en bas, queue de rat en évidence et Mahou bien accroché au poignet. Tout autant que ce style particulier, les supporters des Leones partagent, pour beaucoup, cette vision du football, et plus largement de la vie. « Les gens de Vallecas nous comprennent, reprend Aria, drapeau basque sur les épaules. Ils savent que même si nous souhaitons notre indépendance, nous ne sommes pas des terroristes de l’ETA. » Non, juste de simples supporters pour qui le match s’apprête à commencer sans eux.

Ska-P, chichon et Burger King

Entrer dans le Nuevo Estadio de Vallecas est une expérience. Premier détail frappant, l’enceinte n’a rien de neuve : avec ses trois tribunes, elle rappelle les blockhaus de la Seconde Guerre mondiale. En béton armé, elle semble indestructible. Une bonne chose. La faune qui l’entoure transpire le chien et le punk, le dreadeux et le sarouel, et se retrouve dans les seuls gradins latéraux. La flore, elle, rappelle que la consommation de cannabis n’est pas totalement illégale en Espagne. Depuis la tribune des Bukaneros, un nuage de haschich embaume les sièges avoisinants, mais ne semble gêner personne. La force de l’habitude, sans doute. Pas même les grands-pères accompagnant leurs petits-enfants ne se plaignent, l’oncle et la tante non plus, ni même ces journalistes encombrants. Histoire de ne pas faire de jaloux, le Rayo a trouvé la parade : pas de tribune presse et une même enseigne pour tout le monde. Coincés dans l’extrêmité gauche, les gratte-papiers cohabitent avec les aficionados lambda. Enfin pas si lambda que ça. Pas même le temps de s’asseoir, qu’une bande de 20 potes rayistas prend possession de tous les sièges environnants. « Tu es français ? Ungabacho? Je n’aime pas tes flics ni tes fruits. »

Les présentations faites, cet homme à la barbe mal taillée et aux cheveux en bataille, autrement appelé Paco, se reprend : « Vos flics sont de vrais cons, comme les nôtres. Mais surtout, pourquoi vous bouffez tous nos fruits d’Andalousie ? » L’attaque est surprenante, les éclats de rire contaminent ses comparses et certains se rappellent que « certains chants repris dans ce stade viennent de Marseille » . Entre quelques joints fabriqués à la hâte et de la Mahou « à moitié sans alcool car j’ai rajouté un peu de rhum » , le match peut commencer. Pour l’admirateur de la police française, la tête de Turc de la rencontre sera Muniain, « un vrai hijo de p… » . L’ouverture du score d’Aduriz ne fait pas descendre l’ambiance d’un iota. Mieux, elle la stimule. Dans leur semblant de tribunes, les Bukaneros font ce dans quoi ils excellent : n’importe quoi. Après quelques pogos et des chants sur l’air du Aux armes du Vélodrome, l’égalisation. Le but de Leo Baptistão sur une cagade d’Iraizoz envoie au paradis Paco : c’est bientôt la mi-temps et son challenge « Burger King » – et non Wanadoo – accompagné par un fond sonore de Ska-P, le groupe phare du quartier. Paco en demande peu pour être heureux.

Kakuta : « Les Ultras viennent parfois aux entraînements »

Toujours sans anicroche, cette rencontre se termine même par une victoire locale, la première de la saison. La folie est totale. Après avoir rugi 90 minutes durant, l’Estadio de Vallecas fait du rab. Leurs poulains sont déjà aux vestiaires que les Pirates continuent à envoyer des chants. « Il faut rester, ça va être le meilleur moment » , exagère à peine un ami de Paco, tout aussi chauve que fébrile sur ses deux jambes. À dire vrai, le « Yo soy de Vallecas » est une réussite reprise à l’unisson par ce stade si atypique. À tel point que les joueurs du Rayo ressortent de leur vestiaire pour partager cet instant. La nuit est tombée, mais il fait toujours aussi doux au-dessus de Vallecas, ce qui permet aux alentours du Nuevo Estadio de Vallecas de ne pas se vider. Autour d’une zone mixte préparée à l’arrache, supporters madrilènes et basques attendent. Pour Gaël Kakuta, néo-rayista, c’est la belle surprise : « Avant de venir, je ne connaissais pas trop le Rayo Vallecano. Je n’ai pas mis longtemps. Il a suffi que les ultras viennent mettre l’ambiance aux entraînements pour comprendre. » Comprendre que même avec la plus petite enceinte de Liga, on peut avoir la meilleure ambiance.

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