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On était à Manchester pour le match d’ouverture de l’Euro féminin 2022

Par Julien Duez, à Manchester
On était à Manchester pour le match d’ouverture de l’Euro féminin 2022

Mise en difficulté par l'Autriche, l'Angleterre n'a pas failli à sa mission en s'imposant dès son match d'ouverture (1-0) dans cet Euro 2022. Pourtant, si Old Trafford était plein à craquer, difficile d'en dire autant du reste de la ville de Manchester. De quoi d'ores et déjà parler d'un fiasco populaire ?

Vous vous souvenez de la chanson It’s coming home ? Sachez qu’en dépit des annonces record de l’UEFA, personne n’a chanté cette mélodie si caractéristique de l’équipe nationale anglaise, et ce, malgré la victoire solide – s’il en est – des Three Lionesses lors de leur match d’ouverture face à l’Autriche. Non, personne n’a chanté la chanson magique de l’équipe d’Angleterre, et pour cause, on aurait dit que tout le monde s’en foutait.

« Plus de monde pour Wimbledon en pleine journée »

C’est dur à dire, mais c’est ainsi. « Ce soir, personne n’a réservé de table pour le match, raconte ce patron d’un pub de l’hypercentre mancunien. Et cela n’a rien à voir avec les vacances d’été. Si cela avait été un match des mecs, j’aurais eu au minimum quinze réservations. Là, que dalle. C’est comme si ça n’existait pas. Pour ainsi dire, j’ai eu plus de monde qui est venu mater Wimbledon en pleine journée que ce match d’ouverture de l’Euro. » Coup dur pour un tournoi annoncé comme le plus grand événement sportif du sport féminin en Europe à peine 24 heures avant. Mais force est de constater qu’ici encore, la réalité a pris le dessus sur la théorie. Déjà dans les jours qui précédaient le coup d’envoi de cet Euro 2022, il aurait fallu se méfier : en dépit de son statut de capitale du football anglais, Manchester ne vibrait clairement pas pour ce championnat d’Europe. Tout juste fallait-il se fier aux publicités environnantes pour se rappeler qu’à tout juste un quart d’heure en tram de la place de Picadilly Gardens, l’Angleterre s’apprêtait à disputer un tournoi dans la discipline la plus importante de tout le pays.

Mais hélas, non, l’engouement vendu par les organisateurs ne s’est pas remarqué sur l’espace public. « C’est probablement dû au fait que les gens que ça intéresse vraiment sont tous au stade », ose le serveur d’un pub qui n’a pas manqué de faire moult publicité pour le tournoi, sans succès là encore. Au-delà de la barmaid qui tique lorsqu’on lui demande si le match sera bien diffusé – probablement parce qu’elle ignorait que l’Angleterre jouait ce soir-là -, l’établissement, rebaptisé exceptionnellement Sisterhood (sororité en VF), au lieu de sa traditionnelle appellation Brotherhood(l’inverse, vous l’aurez compris), peine à rassembler les foules, et ce, malgré une conséquente campagne de communication.

Musée et histoire naturelle

Idem sur la place publique. Comme dans toutes les villes-hôtes, l’UEFA a eu la bonne idée d’installer des fanzones, sauf que dès l’après-midi du jour J, l’odeur générale sentait le vinaigre, et pas seulement à cause de la pluie qui s’abattait sur le nord de l’Angleterre. Pour voir des maillots des Three Lionesses, le plus simple était encore de se rendre au Musée national du football. Là-bas, impossible de nier qu’à l’approche de l’ouverture du tournoi, les fans ont trouvé LEUR lieu de pèlerinage, en témoignent les nombreux maillots floqués des noms les plus ronflants de la liste de Sarina Wiegman. « Nous sommes venus depuis Watford, à côté de Londres, témoigne Tom, un père de famille habitué des travées de Vicarage Road, maillot de la serial buteuse Ellen White sur le dos. Pour nous, c’était naturel de faire le trajet jusqu’à Manchester pour ce match. Déjà, parce que c’est l’occasion de voir Old Trafford pour un prix beaucoup moins élevé que lors d’une affiche de Premier League, mais aussi parce que nous voulons que notre fils sache que ce ne sont pas que les hommes qui représentent notre pays sur la scène internationale. »

À travers les étages du musée, Tom et sa smala ont pu apprécier la récente (et brève) exposition temporaire qui retrace (partiellement) l’histoire du football féminin anglais (la seconde partie, censée débuter après l’année-charnière 1921 sera dévoilée en octobre prochain). Mais force est de constater qu’au sein de l’établissement, ce n’est clairement pas cette partie-là du musée qui tient la dragée haute, les visiteurs préférant plus volontiers prendre la pose avec des répliques de la coupe d’Angleterre ou s’essayer à un jeu de tir au but virtuel. Et si la famille watfordienne a d’ores et déjà prévu de continuer de suivre l’équipe nationale à Brighton et à Southampton le temps de la phase de poules, rien ne permet d’affirmer que son cas deviendra une généralité. Au coup de sifflet final du match d’ouverture, la fanzone se vide à la vitesse grand V. Attrapés à la volée en train de terminer leur gobelet de bière à cinq livres, quelques badauds patriotes jurent connaître par cœur les 23 joueuses de leur pays. Mais lorsqu’on leur demande de raconter ce qu’ils ont ressenti lors du but inscrit par Beth Mead, ceux-ci s’avèrent bien incapables de reconnecter leurs neurones. On leur accordera le bénéfice du doute, mais en même temps, on constatera qu’en dépit de la progression indéniable du niveau proposé sur le terrain, l’engouement lié à un tournoi féminin est loin d’être particulièrement frappant, et ce, en dépit des indéniables efforts financiers consentis pour tenter de populariser la discipline. Allez, il reste à présent 30 matchs pour tenter de prouver le contraire.

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Par Julien Duez, à Manchester

Photos : Iconsport et JD.

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