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On était à la présentation de Raymond Domenech au FC Nantes

Par Félix Barbé et Jérémie Baron, à la Beaujoire
On était à la présentation de Raymond Domenech au FC Nantes

L'ex-sélectionneur de l'équipe de France a vu une ouverture et il a fait son retour dans le game, cette semaine du côté de Nantes, après dix ans en stand-by. Et c’est juste avant le Réveillon, ce jeudi, qu’il s'est présenté pour la première fois face à la presse. Langue de bois et sourires taquins étaient au rendez-vous. Nous aussi.

C’est désormais un rendez-vous : pour certains supporters des Canaris, le huis clos national n’a pas ôté l’envie de se pointer au stade toutes les deux semaines – voire toutes les semaines – pour le bien du FC Nantes. Après deux rassemblements anti-Kita en marge des réceptions de Dijon puis Angers, c’est cette fois autre chose que sont venus fêter les aficionados des Jaune et Vert : à quelques heures de la fin de l’année civile, ils sont une grosse cinquantaine de supporters massés devant l’entrée « VIP » de la Beaujoire – celle par laquelle les joueurs s’engouffrent les jours de match – pour fêter l’arrivée de Raymond Domenech à la tête de leur club, histoire de boucler 2020 sur une nouvelle fantaisie dans la cité des Ducs de Bretagne. Mais le comité d’accueil est en vérité un nouveau cri du cœur à l’encontre de Waldemar Kita, qui vient de trancher la tête de son homme de banc une énième fois au cours de son mandat : « Le problème, c’est pas Der Zak’, Baup, Rohr, Furlan, Gentili, Anziani, Chauvin, Girard, Conceição, Ranieri, Cardoso, Halilhodžić, Gourcuff, Domenech… Le problème, c’est la famille Kita. » Comme la veille avec un entraînement perturbé par une musique de cirque qui a bien fait marrer tout le monde, le ton est donné. Mais les bâches sont déjà rangées au moment où l’ancien sélectionneur se pointe à l’intérieur de l’enceinte, à l’heure, affublé d’un survêtement du club très tendance comme pour montrer, comme il l’affirmera ensuite au micro, qu’il est resté « à la page ».

Le « malentendu » Ranieri

Le nouveau chef de chantier arrive seul, comme prévu, la direction n’ayant pas trouvé pertinent d’accompagner le technicien pour sa première face à la presse depuis plus d’une décennie (quasiment du jamais-vu, ce que le syndicat des journalistes ne manque pas de déplorer). « Le président a des occupations. Et j’ai un âge qui me permet de me comporter en grand garçon. Je n’ai pas besoin d’être accompagné », répondra sobrement Domenech. Seule l’attachée de presse de la maison jaune, nichée dans un coin du modeste auditorium du stade, permet à l’homme de Knysna de ne pas se sentir abandonné. Les premiers mots de Raymond sont pour Patrice Gouvier – salarié du FCN dont on a appris la disparition quelques heures plus tôt – et pour la grosse vingtaine de journalistes qui lui fait face, une profession avec qui il n’a pas toujours eu de très bonnes relations : « Je suis heureux de vous retrouver, ça fait bizarre, mais c’est un vrai plaisir. J’ai été depuis quelques années de l’autre côté, peut-être que je comprends mieux vos problématiques. Je vais tout faire pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. » Dix ans après l’Afrique du Sud, 27 après sa dernière expérience en club, l’ex-défenseur débarque dans un nouveau monde. Pourquoi avoir dit oui ? « Je n’ai pas de plan de carrière, je suis venu ici pour, je vais le dire égoïstement, me faire plaisir. »

Quelques minutes sont nécessaires à l’assistance pour comprendre qu’elle aura du mal à entrer dans le vif du sujet : il a beau clamer avoir changé, Domenech n’est pas venu livrer une leçon de football ce jour. En revanche, il y a plusieurs points sur lesquels on le prie de s’exprimer, de sa dernière expérience à la Coupe du monde (« Je me suis débarrassé de cette étiquette il y a longtemps. Pour moi tout ça, c’est une autre vie. On ne changera pas l’histoire »), en passant par ses moqueries envers Waldemar Kita sur le plateau de La Chaîne L’Équipe (« J’ai simplement toujours défendu les entraîneurs »), jusqu’à sa mauvaise foi, en tant que président de l’UNECATEF, au sujet de l’âge limite auquel un entraîneur peut exercer en Ligue 1 : « Ranieri, c’est un malentendu qu’il y a toujours eu. On voulait réviser le texte avec Joël Muller, mais on ne l’a pas fait. Je ne me suis pas opposé à l’arrivée de Claudio Ranieri, et n’ai pas l’impression d’avoir retourné ma veste. Girard, Gasset sont tous dans cette situation-là. D’ailleurs, le syndicat n’a pas donné de dérogation pour moi, c’est la Ligue qui l’a fait. » Le poisson est noyé.

Louanges artificielles

De la même manière, l’ancien chef de file des Bleus n’hésite pas à botter en touche au moment de décrire les contours exacts de sa mission. Oui, son contrat de six mois « ressemble à une mission commando », mais il répète en même temps ne pas être venu uniquement pour « jouer les pompiers de service ». Un objectif précis, peut-être ? Même pas. « Je suis toujours amusé quand on dit : « Il faut finir européen, 10e, 15e… » C’est l’exigence et la façon dont on se comporte, qui font qu’on obtient des résultats. On doit simplement redonner du plaisir à cette équipe. » Le plaisir, justement… Peut-être le seul sujet sur lequel Domenech ne s’échappe pas. Zigzaguant habilement entre toutes les questions les plus chatouilleuses, le néo-coach nantais revient toujours sur cette même notion : « C’est un vrai bonheur d’être ici, radote-t-il en boucle. C’est un coup de cœur, et l’essence de ce que je suis. Dès le premier entraînement, j’ai eu l’impression d’être là depuis toujours. L’impression que je n’avais jamais arrêté de coacher, aussi. Retrouver les joueurs, l’odeur de l’herbe mouillée, ça n’a pas de mots. »

Au milieu de tout ça, le bougre tente de marquer des points auprès des puristes, calmement. Morceaux choisis : « C’est un club qui a un vécu, un passé, une histoire, je suis heureux que M. Kita m’offre cette fonction.[…]Je suis devenu breton il y a quelques années parce que j’ai une maison à Saint-Brieuc, et je suis sélectionneur de l’équipe de Bretagne. J’ai quelques liens, quelques attaches.[…]J’ai une profonde admiration pour M. Arribas, M. Suaudeau ou Raynald (Denoueix) avec qui j’ai fait le service militaire. » Cette histoire, le successeur de Christian Gourcuff l’a pourtant écorchée à de nombreuses reprises. Comprend-il alors que son arrivée puisse être mal perçue en Loire-Atlantique ? Pas vraiment : « J’ai une capacité extraordinaire d’être un converti. J’ai été lyonnais longtemps, puis alsacien, parisien… Ce qui s’est passé avant avec le club m’importe peu.(…)Le nombre de bêtises que j’ai pu dire… Aujourd’hui, ça me retombe sur la tête. On ne peut pas effacer, mais on va tout faire pour que ça se passe bien. »

Samba et afrobeat à la Jonelière ?

Pour ce faire, celui qui aura 69 ans ce mois-ci assure compter sur un groupe qui dégage « de la joie, qui a envie de jouer au foot et d’avoir des résultats », et qui pourrait être renforcé à la fois par l’arrivée de Giannelli Imbula – bientôt à l’essai à la Jonelière -, mais aussi par celle d’autres éléments au mercato d’hiver. « Si vous demandez un défenseur central, et que c’est finalement un milieu de terrain belge qui débarque ? » questionne, taquin, un confrère en référence au recrutement atypique du FCN ces dernières années. « Ça n’arrivera pas ! » rétorque Raymond du tac au tac, sans savoir que nombreux sont les coachs passés avant lui ayant répondu peu ou prou la même chose.

Force est de reconnaître que le dix-septième coach de l’ère Waldemar Kita nous a tout de même arraché un sourire. Deux, même. Le premier, lorsqu’il a été questionné sur le fait que ses nouveaux joueurs pouvaient potentiellement l’interroger sur son passé de sélectionneur à la tête des Bleus, et notamment sur l’épisode Knysna en 2010 : « Je leur dirais que j’ai écrit un livre, Tout seul. 19€90, aux éditions Flammarion, a-t-il répliqué, pas peu fier de lui. Il existe aussi en poche. Je pourrais leur offrir d’ailleurs, c’est une bonne idée. » Le deuxième, au moment de revenir sur l’entraînement de la veille, avec le désormais populaire « Kita Circus » lancé par les supporters et faisant office de bande sonore. « J’ai connu quelques équipes brésiliennes ou africaines, qui mettaient la musique pour s’entraîner. Si ça permet d’être bien, de gagner… Vous savez, de la musique les joueurs en ont toujours dans le vestiaire ! » La preuve que le nouvel entraîneur du FC Nantes a toujours beaucoup d’humour. À moins que ça n’en soit pas.

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