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On était à la dernière de Boleyn Ground

Par Florian Lefèvre, à Londres
On était à la dernière de Boleyn Ground

1904-2016. Mardi soir, les fans de West Ham ont dit adieu à Upton Park. Il y a ceux qui ont vécu le match dans les tribunes de ce symbole du football britannique et le reste de la communauté qui a investi les environs. Pour tous, c’était dingue ! Farewell Boleyn.

Bobby Moore, Geoff Hurst, Martin Peters et Ray Wilson sont bien entourés. Au carrefour de Barking Road et Green Street – la rue qui a donné son nom au célèbre film de Lexi Alexander -, la statue des champions du monde 1966 est noire de monde. C’est toute la place qui est occupée par des fans surchargés de bière. Il est 20h, West Ham – Manchester United n’a toujours pas débuté. Prévu à 19h45, le coup d’envoi sera finalement retardé de 45 minutes. Et pour cause, le bus mancunien est arrivé au stade en retard, après avoir essuyé les projectiles de fans de l’East London. Les plus torchés d’entre eux chantent torse nu au milieu de la rue. Quand la police montée tente de fendre la foule, les bouteilles en verre et canettes de bière volent dans leur direction. Un tireur se marre. Complètement bourré, il a touché le crâne d’un autre supporter en voulant viser les cops – dépassés par la situation. Depuis le trottoir, Bobby regarde le spectacle, ni amusé ni choqué. « La dernière fois que j’ai vu un bordel pareil, c’était à Wembley ou quand on a battu Millwall. Mais ce soir, il fallait s’y attendre. »

Tristes et heureux à la fois

Avant d’investir cet été le stade olympique de la capitale anglaise, West Ham s’apprête à mettre un point final à une histoire longue de plus d’un siècle, débutée le 1er septembre 1904 (3-0 contre Millwall). Devant Betway Stand (la grande tribune latérale), les fans oscillent entre chagrin et grandes ambitions pour le futur du club. « On a un pincement au cœur, mais ici, le club ne peut pas se développer : c’est mal desservi par les trains, y a jamais de place pour se garer… » , explique Charlie, la cinquantaine. « C’est un super coup financier d’aller au stade olympique. Ça peut nous permettre de franchir un palier et de viser la Ligue des champions » , poursuit Harry, étudiant, qui a fait la queue 20 minutes pour choper le programme du match. « Comment définir l’ambiance de Boleyn ? Il faut le vivre, répond Lucy, supportrice des Hammers comme toute sa famille. Ici, tu te sens chez toi. C’est populaire. On forme tous une communauté. »

Au corner de Green Street, il est temps pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’obtenir un billet de se ruer derrière les portes de The Boleyn Tavern, l’un des pubs attitrés des Ciel et Grenat, qui organisera la saison prochaine le trajet en bus jusqu’à Stratford (le quartier du stade olympique) en espérant ainsi ne pas perdre ses fidèles. Sueur et pintes arrosent le plancher, I’m Forever Blowing Bubbles monte dans les décibels. Diafra Sakho ouvre le score, le pub explose. Vient une deuxième secousse lorsqu’Andy Carroll trouve un boulevard vers la cage de De Gea. Mais le géant anglais envoie une frappe pourrie du gauche. Les Marteaux regarderont la fin de la première période sur un smartphone, la télé a lâché. L’occasion pour d’autres de sortir dans la rue chatouiller la police, qui essaye tant bien que mal la diplomatie pour calmer les éméchés. « Malheureusement, on a l’habitude » , déclare un homme en uniforme, désabusé. La circulation reprend au compte-gouttes, sous le craquement du verre et des canettes de bière. Le pub, lui, ferme ses portes, sur ordre de la police.

5000 livres pour vendre sa place


Pour la seconde période, une dizaine de fans se massent devant les vitres d’une boutique Ladbrokes. L’établissement de paris a aussi fermé plus tôt que prévu, mais les employés continuent de diffuser le match. Bientôt, Martial gâche la fête des Hammers. Manchester United mène 2-1. Payet s’apprête à tirer un coup franc. C’est alors qu’un rugissement gagne la rue. West Ham vient d’égaliser, le but arrive avec quatre secondes de retard à l’écran. Cinq minutes plus tard, Upton Park rugit encore. On jubile de l’intérieur, mais on retient son souffle. Dimitri Payet, encore et toujours, vient offrir le but de la victoire sur la tête de Winston Reid. La fête se poursuit sur Green Street – sans les bouteilles de bière qui volent, mais toujours en s’époumonant. West Ham tout entier n’oubliera jamais cette soirée.

Est-ce que les Hammers pourront recréer cette ambiance à Stratford ? La question est sur toutes les lèvres. « Nous n’aurons jamais une ambiance pourrie comme à l’Emirates, assure Charlie. Mon fils s’est vu proposer 5 000 livres (plus de 6 300 euros !!!) pour lâcher sa place ce soir. Mais comment accepter ? La différence entre lesGunnerset nous, c’est qu’un supporter d’Arsenal, il prendrait les sous et il te dirait« merci ». » Si le club a prévu de vendre les sièges de Boleyn Ground avant sa démolition (et la construction d’une zone résidentielle), quelques-uns n’ont pas attendu et ressortent pour la dernière fois de leur enceinte chérie avec leur selle sous le bras. Les regards sont déjà empreints de nostalgie. Et le refrain reprend encore et toujours : « We’ve got Payet, Dimitri Payet ! I just don’t think you understand. He’s Super Slavs man, he’s better than Zidane. We’ve got Dimtri Payet ! »

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