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On a vécu la démonstration du Pérou dans un volcan blanc et rouge

Par Valentin Lutz et Arthur Stroebele, dans un volcan péruvien
On a vécu la démonstration du Pérou dans un volcan blanc et rouge

La Blanquirroja Francia, association de supporters péruviens à Paris, s’est réunie dans la nuit de mercredi à jeudi pour vivre une demi-finale historique de Copa América contre le Chili (3-0). Plongée dans une ambiance digne d’un volcan en fusion, à laquelle Dominique de Villepin n’est pas étranger.

« Vous allez devoir faire moins fort » , lance sans succès un agent de police à la masse rouge réunie aux abords de la fontaine Saint-Michel, pendant qu’un homme arborant fièrement une tunique blanquirroja, au volant d’un gigantesque van noir, cultive le sens du timing en klaxonnant à tout-va. De fait, depuis quelques instants déjà, un groupe de supporters péruviens joyeux et déterminés fait régner dans la nuit parisienne une ambiance festive. Dès minuit, plus de deux heures avant le début du match, les premiers supporters s’étaient rassemblés à l’appel de l’association Blanquirroja Francia, progressivement rejoints par de nouveaux fidèles, dont certains se sont même réunis en un cortège survolté : son arrivée dansante et chantante vers 1h30 marque le lancement définitif de la soirée.

Malgré la nuit profonde, la traditionnelle photo de groupe, prise vers deux heures du matin, est synonyme d’une clameur enthousiaste et jouissive, qui déchire la nuit parisienne. Sur le cliché, s’illustrent parmi les maillots de la sélection nationale quelques badauds visiblement déjà en fin de soirée et une figure lunaire, dotée d’un tambour et d’un masque, que l’on croirait issu de Tintin et les Picaros. Loin du tumulte, Aïsson, originaire de Cusco et étudiant en communication politique à Paris 12 depuis quasiment deux ans, se montre plus mesuré et dresse, « comme son métier l’exige » , un portrait plus général de la rencontre. « L’engouement pour le match de ce soir, en plus de l’enjeu sportif, est le fait de la rivalité entre le Chili et le Pérou, confie-t-il. Ce soir, toute l’Amérique du Sud soutient le Pérou, car le jeu sale du Chili agace. Mais je crois que nous sommes moins forts, et que nous risquons de perdre. »

« Sur le chemin, pas de chant ! On chantera quand il y aura 3-0 ! »

Mario, l’un des leaders de l’association, marié à une Française rencontrée lors de vacances au Pérou, est beaucoup plus confiant. Au moment de rassembler les membres du groupe pour les guider vers le bar choisi par l’association, celui-ci s’exclame, prophétique : « Sur le chemin, pas de chant ! On chantera quand il y aura 3-0 ! » Peine perdue : le cortège est un torrent bruyant qui ravive la flamme des rues animées de Saint-Michel. À l’arrivée de la marée rouge devant le Polly Maggoo, Richy, un barman qui a quitté son travail en avance comme à chaque match du Pérou, prend le temps d’expliquer la trajectoire de la Blanquirroja Francia. « L’association a été fondée il y a quatre ans, et au début, nous étions quatre ou cinq, raconte-t-il. Le match contre la France en 2018 a été un vrai déclic : on a ressenti de la fierté pour avoir tenu tête aux champions du monde, les gens ont commencé à reconnaître nos maillots dans la rue, et nos activités ont rencontré plus de succès : en ce moment, on est environ une centaine par événement. »

L’avant-match est également l’occasion d’un rappel de fair-play. « Quand tu es au Pérou, tu détestes tout le monde, plaisante Richy. Mais quand tu es ailleurs, tu te calmes. » De fait, l’hymne chilien est écouté dans un silence respectueux ponctué d’incitations au silence. Ce dernier est cependant bien vite oublié quand résonne l’hymne chéri. Oublié d’autant plus quand le Pérou ouvre le score (21e), puis double la mise (38e), faisant entrer en fusion les corps et les esprits. Au milieu de la foule passionnée, Antoine, qui s’est pointé par hasard, se délecte de son tout frais changement de nationalité. « Je suis dans un bar péruvien, donc je suis péruvien » , s’amuse-t-il à répéter. Régulièrement, il lâche quelques mots vaguement voire pas du tout espagnols. À la mi-temps, Antoine tente difficilement d’échanger avec les Péruviens… en anglais. « Mais qu’est-ce que tu racontes ?, lui lance José dans un français impeccable. On parle français nous ! »

La lettre de Dominique de Villepin

Et pour cause, le chef cuisinier doit sa venue en France à un Premier ministre. Sa mère péruvienne, expatriée en France, travaillait il y a un peu plus de onze ans pour le cabinet de Dominique de Villepin, alors à la tête du gouvernement français sous la seconde présidence de Jacques Chirac. « Pourquoi tu sembles triste ?, a demandé un jour De Villepin à la mère de José, raconte son fils. J’ai toute ma famille au Pérou, c’est dur pour moi » , lui a-t-elle avoué. Quelques semaines plus tard, après une lettre signée de la main du Premier ministre, José, son frère et sa sœur débarquaient en France. « Tous les papiers étaient déjà là, c’était royal » , se remémore le supporter de la Blanquirroja. Si les contacts sont aujourd’hui inexistants entre DDV et la famille de José, le jeune homme continue de croiser du beau monde dans les cuisines de son restaurant, La Paillote sur Seine, à Boulogne-Billancourt.

Omar Sy et les gambas sauce vanille

Entre deux chants qui enflamment un peu plus le Polly Maggoo, José reprend son souffle et dégoupille anecdote sur anecdote : « Omar Sy venait souvent dans le restaurant quand il était à Canal, il filait en cuisine et il prenait une cuillère pour goûter à tout, à même les plats !, raconte hilare le chef cuisinier. « T’as fait quoi aujourd’hui ? Gambas sauce vanille ? C’est parfait je prends ça ! », puis il retournait s’asseoir en salle. » S’asseoir, d’ailleurs, est un verbe qui n’est pas encore entré dans le vocabulaire des expatriés péruviens ce jeudi matin en plein Paris. Et le scénario de cette demie de Copa n’est pas là pour arranger ceux qui ont le dos qui grince : malgré deux buts d’avance pour le Pérou, le Chili pousse enfin, mais Pedro Gallese, le gardien péruvien, sauve tout ce qui peut l’être.

Ceviche et Pisco

À chaque fulgurance de Paolo Guerrero ou de Luis Advincula, présenté comme le « Mbappé péruvien » , la foule hurle. Il y a bien longtemps que les chaises ne servent plus que de tribunes. Rien ne peut arriver à la sélection de Ricardo Gareca. Et c’est encore plus vrai quand le héros national, Paolo Guerrero, s’en va marquer le troisième et dernier but péruvien dans les cages vides (91e). Le Chili est à terre, le Classique du Pacifique a livré son verdict. Les pleines pintes de bière volent et trempent tous ceux qui ont le malheur de se trouver en contrebas. José, en bon cuistot péruvien, va clôturer un dernier débat — gastronomique en l’occurrence — entre les deux nations ennemies : « Le ceviche et le pisco sont complètement pé-ru-viens ! Faites-moi confiance, je suis dans la cuisine quand même ! » Il doit justement retrouver la sienne dans moins d’une heure. Avec le maillot blanquirrojo sur les épaules ? « C’était un pari, et je tiens mes promesses » , lâche José. D’ici dimanche et la finale programmé face au Brésil (21h), José aura largement le temps de laver sa chemise. Et tant pis s’il reste une ou deux taches de gambas sauce vanille.

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Par Valentin Lutz et Arthur Stroebele, dans un volcan péruvien

Tous propos recueillis par VL et AS
Photos : AS

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