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On a testé pour vous le football gaélique

Par Gabriel Cnudde, à Aubervilliers
On a testé pour vous le football gaélique

À la croisée du football et d'une myriade d'autres sports collectifs, le football gaélique est le sport le plus populaire d'Irlande et prospère rapidement en France. Physique, ludique et plutôt tactique, ce sport cousin du football a de quoi séduire. À condition bien évidemment d'avoir l'esprit assez ouvert.

Ils arrivent au compte-gouttes sur le terrain de rugby synthétique de l’ASPTT Pantin, à Fort d’Aubervilliers. Certains ont les maillots du club, d’autres non. Certains parlent français, d’autres le baragouinent. « Au Paris Gaels GAA, il y a 40% d’Irlandais pendant la saison » , explique Maël, qui a commencé le football gaélique il y a déjà trois ans. Logique : en Irlande, le football gaélique est le sport le plus suivi et le plus pratiqué, devant le football, mais surtout devant le rugby. Ici, à Paris, cela fait déjà 20 ans que le club existe et ne cesse de grandir. 40 garçons, une quinzaine de filles et deux entraînements par semaine font du Paris Gaels GAA l’un des clubs les plus importants de France. Pourtant, l’équipe n’en est pas moins accueillante. « On a beaucoup de nouveaux chaque année, et tout le monde s’y fait assez rapidement. L’ambiance est bonne, ce n’est pas trop prise de tête » , poursuit Maël, qui se veut volontairement rassurant. À l’échauffement, tout le monde en prend pour son grade dans un lexique qui semble bien éloigné de celui des petits ponts, virgules et autres. « Peut-être que tu vas réussir tes pick-up aujourd’hui ? » , lance un joueur à un autre, avant que ce dernier ne réponde : « Peut-être que tu vas faire une passe correcte aussi… » Si ce charabia est dépaysant les premières minutes, il devient tout naturel dès la fin du premier entraînement.

Toe-tap et buts en H

Les ballons volent par dizaines au-dessus des têtes, et les entraîneurs du jour ont bien du mal à réunir la joyeuse troupe pour les premiers échauffements. À quelques mètres de là, Maël prend le temps d’expliquer les règles à qui veut bien les entendre. « Au football gaélique, tu peux jouer à la main comme au pied. Le but est de remonter le terrain pour aller marquer dans les buts adverses. » Jusque-là, pas de piège. « Tu peux remonter le terrain balle à la main. Mais, tous les quatre pas, il faut faire une action de jeu. Tu as le choix entre un dribble – tu fais rebondir la balle par terre comme au basket – et le toe-tap – tu fais un petit jongle et reprend la balle à la main. » À côté, Pierre illustre les propos de Maël, revoyant par la même occasion ses basiques. « Bien sûr, tu peux faire des passes. Soit à la main – il faut boxer le ballon de ton poing pendant qu’il est dans ton autre main – soit au pied. » À peine cinq minutes d’explication et les sports s’accumulent : football, basketball, et maintenant volley ! « L’autre détail, c’est que si la balle est à terre, tu ne peux pas la ramasser directement à la main. Il faut d’abord la lever avec ton pied. C’est ce qu’on appelle un pick-up. » Les règles sont dictées, le reste de l’équipe s’impatiente, il faut désormais passer à la pratique.

Le premier exercice paraît simple. Il s’agit de se faire des passes à la main, et au pied, de plus en plus en loin. Seulement voilà, on se rend vite compte de la difficulté de la chose une fois la sphère en main : le ballon, qui ressemble à s’y méprendre à un ballon de volley, est extrêmement gonflé. Et tous les lycéens s’en souviennent, mettre une manchette dans un ballon gonflé, quand on ne sait pas s’y prendre, ça fait très mal. « C’est un coup de main à prendre. Ceux qui sont là depuis longtemps n’ont plus mal du tout » , rassure Maël. Une fois la physique de la croquette appréhendée, les passes sont un peu plus simples à maîtriser. Surtout celles au pied. Forcément, quand on vient du football… Et c’est alors qu’on se sent à peu près en confiance que l’entraîneur met en place l’exercice suivant. Six colonnes de trois joueurs face à face doivent adresser des passes rapides aux joueurs qui sont deux colonnes sur leur droite. Puis sur leur gauche. Et leur droite… Objectif cohésion. Mais résultat rhume de cerveau pour les nouveaux. Les exercices s’enchaînent et très vite, plus personne ne se plaint du froid. Bien au contraire. Les poumons ont du mal à suivre la cadence, mais déjà des voix impatientes s’élèvent. « C’est quand qu’on fait un match, là ? »

Simulation de match et franche rigolade

Après une centaine de demandes en quelques minutes, les entraîneurs sont bien obligés de craquer. « Bon ok, rassemblez-vous, on va faire des oppositions. Les Bleus d’un côté, les autres couleurs de l’autre. Choisissez un mec et lâchez-le pas. » Au football gaélique, oubliez tout ce que vous savez sur le marquage en zone. Ici, il n’y a que l’individuel qui compte. Et pour peu que votre marqueur soit en jambes, il s’agira de courir, courir et courir encore pour espérer le perdre et toucher un ballon. « Là ! Là ! » Les cris fusent et les passes s’enchaînent. Les interceptions aussi. « Fais bien attention à ne jamais t’arrêter quand tu as la balle. Quand tu vois un adversaire, cours dans la direction opposée et cherche un partenaire démarqué » , conseille un joueur expérimenté. Les oppositions reprennent et les fautes se multiplient. Et oui, le football gaélique n’a rien à voir avec le football australien. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les plaquages sont ici interdits. Pour défendre, les joueurs ont le droit d’user de leurs épaules à leur guise, tout comme de leur main pour chiper le ballon, mais rien de plus. Alors forcément, quand un joueur tombe… « Tu m’as plaqué ! Il y a faute ! » Heureusement, l’entraîneur arrive à temps pour mettre les points sur les i. « Les gars, on est en autogestion, là. Si vous voulez défendre comme des brutes les poings fermés face à Clermont, allez-y. Mais là, à dix jours de la trêve, on risque juste de s’envoyer passer les fêtes avec une fracture ! »

Ces courtes réprimandes passées, filles et garçons se regroupent pour une simulation de match sur grand terrain et dans une bonne humeur contagieuse. Les joueurs présents profitent de leurs derniers ballons de l’année avant de devoir raccrocher les crampons pour un bon mois. « Notre saison se joue sur l’année civile. On commence en mars avec les compétitions fédérales, puis on enchaîne sur le championnat de France si on est qualifiés, et sur le championnat d’Europe, qui s’est terminé le mois dernier » , explique Maël en rentrant au vestiaire. Ce mercredi, les membres du Paris Gaels GAA se réuniront pour ce qui devrait être le dernier entraînement de la saison. En janvier, ils reviendront plus déterminés, avec le surplus des fêtes à éliminer, et, ils l’espèrent, plus nombreux. « Au final, ça peut vraiment plaire à tout le monde. Les footballeurs peuvent s’y retrouver aussi, ils doivent juste apprendre à jouer aussi avec les mains et perdre le réflexe de ne jouer qu’au pied » , s’amuse le capitaine. « Et puis pour le reste, on est quand même sympathiques et on sait s’amuser. Quand il s’agit de boire des bières, qu’on vienne du football, du rugby ou du football gaélique, on sait tous faire. »

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