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On a rencontré l’homme qui construit des stades en Lego

Par Thomas Andrei
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On a rencontré l’homme qui construit des stades en Lego

Chris Smith a un nom banal et vit dans une banlieue banale du nord-ouest de l’Angleterre. Pourtant, il a trouvé un moyen de s’extirper de la normalité. Depuis trois ans, ce fan de Crystal Palace passe beaucoup de temps tout seul avec ses Lego. Avec les jouets, il ne construit pas de châteaux ou de bateaux pirates, mais des stades de football. Son but : construire 104 enceintes anglaises et écossaises. Il en est à la moitié.

Un jour de janvier 2014, à Altrincham, banlieue sud de Manchester connue pour attirer les gastronomes du centre-ville, Chris Smith s’ennuie. Il traîne sur Internet et tombe sur un article intrigant. Aux États-Unis, des fans de foot US s’amusent à construire les enceintes du sport national à coups de Lego. Après une rapide recherche, il s’étonne qu’aucun fanatique de soccer n’ait entrepris la même aventure avec des stades de Premier League. Alors, il décide de se lancer.

Sur le site de jouets danois, il commande une centaine de briques et entreprend la construction de Selhurst Park, l’antre de son club de cœur, Crystal Palace. « Au début, je n’avais aucune idée de ce que je faisais, confie-t-il. J’ai commencé par le terrain vert, puis j’ai monté les tribunes. Ça ne fonctionnait pas vraiment. J’ai recommandé des briques sans trop savoir lesquelles choisir. Finalement, ça m’a pris trois mois et mille briques. Mais j’étais assez content du résultat. » Ravi, Chris partage sa création sur Twitter, attirant pléthore de réactions enthousiastes. Alors il enchaîne. Après avoir assisté à un match d’Everton, il entreprend la construction de Goodison Park. Les travaux ne prennent que quatre semaines, moins que ceux du stade voisin d’Anfield. Le bâtisseur se fait une petite notoriété sur les réseaux sociaux, suffisante pour recevoir une première commande pour l’érection de St Andrew’s, le terrain du Birmingham FC. Il vend la maquette 300 livres et l’aventure commence.

White Hart Lane et un gros bol de paella

Dès lors, Chris ne construit plus que pour les autres. « L’idée n’a jamais été de faire ça pour moi-même, avoue-t-il.Je n’ai jamais construit ces stades sans raison. J’espérais qu’ils iraient à d’autres gens. J’espérais qu’il y aurait un sens à tout ça. » Dès l’été 2014, il lance son site et travaille presque chaque jour pour pouvoir livrer à temps ses maquettes. Pour financer l’opération, il obtient 5 000 livres d’une agence finançant des start-ups à Manchester. « J’ai eu la chance de tomber sur un fan de foot, sourit-il.J’ai mis un costume, j’ai pris un stade même pas fini et je suis allé faire ma présentation. L’homme qui m’a reçu était supporter de Blackpool et trouvait que c’était une super idée. » Pour s’offrir un stade Lego, comptez entre 450 livres pour Wembley et 180 pour Sincil Bank, le petit stade de Lincoln City. Les prix varient en fonction de la taille de l’édifice et peuvent paraître élevés. Mais la plus grande partie des fonds ne sert qu’à rembourser l’achat de briques, qui peut parfois s’avérer compliqué. Chris explique : « Le mieux, c’est d’aller au magasin Lego et remplir une coupe. Ça coûte onze livres. Sinon tu peux commander des briques sur Internet. » Mais parfois, pour livrer à temps, Chris doit avoir recours à l’aide… d’un dealer. « Ce vendeur a 500 000 briques dans un bureau chez lui, développe-t-il. C’est son métier. Si tu achètes un château Lego à 100 livres et que tu sépares les briques en piles, tu peux les vendre pour le double du prix. »

Peu à peu, Chris se professionnalise. Très vite, les maquettes commencent à prendre trop de place. Si construire des stades en Lego est évidemment très haut placé sur l’échelle de la geekerie, Chris précise qu’il a « arrêté les Lego à dix ans » et n’a repris que 21 ans plus tard. Le trentenaire a bien une vie, qu’il partage depuis 17 ans avec Kerry, sa compagne rencontrée alors qu’il n’était qu’un ado. Avocate, Kerry aime elle même s’amuser avec des Lego durant les vacances de Noël. Mais sa patience a des limites. Chris raconte : « Les deux premiers mois, je montais les maquettes sur la table de la cuisine. On avait White Hart Lane ou Old Trafford entre nos gros bols de paella. Puis il y en avait dans le salon, dans la cuisine. Un soir, elle est rentrée du travail et m’a dit : « C’est totalement fou, tu dois bouger tout ça ! » » Par chance, Chris trouve rapidement un studio, à cinq minutes de chez lui. Plus que libérer sa copine, le déménagement permet à sa petite entreprise d’entrer dans une nouvelle dimension. Il explique : « Avant, c’était la panique, alors que maintenant tout est organisé : j’ai des tiroirs pour chaque type de pièce, une table avec des maquettes, une carte des stades. C’est pratique, je ne paie que trente livres la semaine et c’est à cinq minutes de chez moi. »

Une vieille Mazda et feu Roker Park

Seulement, même avec un site bien foutu et un local, l’entreprise a des limites. La plus importante est que Chris doit tout livrer seul, à bord de sa Mazda. Si les livraisons dans son coin du Royaume, à Birmingham ou Liverpool, ne sont pas trop pénibles, transporter des mini-stades jusqu’à Southend, au sud-est de l’Angleterre ou en Écosse pose forcément quelques problèmes. Bizarrement, c’est en plus du pays d’Alex Ferguson qu’émanent le plus de commandes. À Aberdeen, la ville de l’ancien manager des Red Devils, à six heures de route de Manchester, les locaux sont particulièrement fous des créations de Chris. Il s’amuse : « J’ai fait vingt fois leur stade. C’est celui que j’ai le plus construit. C’est complètement fou, je ne comprends pas. » Par chance, le bâtisseur s’est déjà fait un pote dans la ville côtière. « Ce mec, Paul, est abonné à Aberdeen, mais aussi à Hartlepool. (club de 5e division, au nord-est, entre Sunderland et Middlesbrough, ndlr) Il m’avait commandé une maquette et on s’est rencontré sur le parking du stade. Puis on est allé voir le match. Alors la première fois que j’ai dû livrer à Aberdeen, il m’a proposé de dormir chez lui. Je l’ai fait plusieurs fois. Parfois, on se rencontre à Hartlepool et il livre lui en Écosse. » Malgré ces coups de mains, Chris ne peut pas toujours suivre. Alors, depuis janvier 2017, il se met à refuser des commandes. À regret, parce qu’il s’agit là d’un des aspects les plus plaisants de son entreprise.

Le roi du Lego a, par exemple, déjà dû partir en courant pour échapper à une petite copine furieuse de découvrir un Anfield en Lego sur la table du salon. Mais sa plus belle histoire concerne Roker Park, enceinte de Sunderland de 1898 à 1997. « Les plus belles réactions que tu reçois des autres sont pour les stades qui n’existent plus, raconte-t-il, ému. C’est comme si tu ramenais quelque chose à la vie. Tu fais ressurgir des souvenirs. Un fan de Sunderland m’avait demandé un cadeau pour son père. Sur la terrasse, là où ils se tenaient à l’époque pour regarder le match, je les ai représentés avec quelques briques. Un plus petit que l’autre. Il m’a dit que son père était très ému et a lâché quelques larmes. Le reste du stade était vide et ils étaient là, seuls, debout. C’était poignant. » Au début de son aventure, Chris n’aurait jamais imaginé que des stades en Lego puissent procurer tant d’émotion. Il avoue être légèrement accroc à ses constructions, mais assure pouvoir passer quelques jours sans entrer dans son studio. S’il a déjà réalisé 150 stades de 92 clubs différents, il sait aussi que son entreprise est sans fin. Une idée qu’il trouve réconfortante : « Je n’ai jamais eu de projet créatif avant. Donc c’est une addiction positive. Quand j’aurai fini les stades anglais et écossais, je pourrais me mettre au championnat espagnol ou allemand. J’aurais toujours quelque chose à faire. Ça fera partie de ma vie pour toujours. Je ne m’ennuierai plus jamais. »

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