Mamade, bon anniversaire…
Merci, mais pour moi, c’est un jour comme un autre. Pour te dire vrai, je l’avais même oublié, c’est hier soir qu’on a commencé à me le rappeler. Noël, le jour de l’an, c’est un peu pareil, je ne suis pas trop fêtes imposées.
On va parler d’un autre anniversaire alors. Il y a dix ans, tu entamais ta première saison à l’OM. Avec notamment ce fameux match d’Intertoto contre La Corogne (victoire 5-1 après une défaite 2-0 à l’aller).
On me reparle souvent de ce match-là. Notamment les supporters de l’OM quand ils me croisent dans la rue. C’est vrai que c’était excitant et important parce qu’on devait remonter un sacré score dans un stade plein où l’ambiance avait été exceptionnelle ce soir-là. C’est un des matchs les plus beaux que j’ai fait avec l’OM. Je m’en rappelle comme si c’était hier.
Il y a une anecdote qui résume peut-être ton rapport aux supporters. Pour ta dernière saison, celle avec Deschamps, tu arrives à une heure avancée dans un hôtel marseillais, alors que vous êtes en préparation. Le réceptionniste te reconnaît et te fait la gueule, estimant que ce n’est pas sérieux. Tu lui prends son numéro de téléphone et tu promets que tu vas démarrer sur les chapeaux de roues. Première journée, tu marques à la première minute, et à la fin du match, tu l’appelles pour lui rappeler que tu as tenu promesse.
Oui, je m’en rappelle. Il n’était pas fâché, il m’avait dit ça sur le ton de la rigolade. Je lui avais dit de ne pas s’inquiéter. J’ai toujours eu confiance dans les groupes qu’on a eus à l’OM. À l’époque où j’y étais, j’ai eu des joueurs exceptionnels autour de moi. Les gens me parlent souvent de ces années. Mais je pense que c’est plus une époque. Les supporters nous aimaient parce qu’on ne choisissait pas nos matchs. Regarde Gaby Heinze. Il avait une étiquette PSG, mais les supporters l’ont tout de suite adopté parce qu’ils ont vu qu’il donnait tout sur le terrain. Je pense que c’est mon état d’esprit qu’ils ont apprécié avant tout.
Ton style de jeu y est pour beaucoup aussi. Tu as toujours été dans des duos complémentaires. À Metz avec Adebayor. À Strasbourg avec Ljuboja puis Pagis, à Marseille encore avec Pagis puis Djibril Cissé et enfin Lucho…
Je n’ai jamais été un soliste, c’est le collectif qui m’intéresse. À chaque fois que j’ai joué, je me suis toujours appuyé sur un joueur. Manu Adebayor, à Metz, il savait qu’il avait besoin de moi pour progresser et vice versa. Avec Micka Pagis, c’était pareil. C’était un mec qui préférait faire marquer que marquer. Il était à 12, 13, 14 passes dans l’année. De tous les joueurs avec qui j’ai pu évoluer, le seul qui m’a vraiment fait progresser, c’est Micka. Il n’a jamais eu la carrière qu’il aurait dû avoir. C’est un joueur aux qualités exceptionnelles. C’est pas un Ronaldinho, il ne va pas te dribbler dix joueurs, mais tout ce qu’il va te faire, ça va être simple, propre et efficace. C’est ce qu’il m’a appris, ce qui m’a fait progresser. Avant, j’allais dans les dribbles fous, il m’a appris à être efficace. C’est vraiment le coéquipier avec lequel j’ai pris le plus de plaisir. Ça restera un grand moment de ma vie que d’avoir joué avec lui. Avec Lucho.
Après son départ, Lucho a expliqué que la cassure pour lui avec l’OM, ce n’était pas son cambriolage, mais ton départ. Il n’a jamais compris pourquoi le club ne t’avait pas retenu. Au fond, ça doit faire plaisir ce genre de déclarations.
Lucho, c’est un de mes plus grands regrets. Il a été critiqué à un moment à l’OM, je n’ai jamais compris. C’était une chance d’avoir un joueur de classe mondiale. J’en profitais aux matchs, mais même aux entraînements. C’est quelqu’un qui comprenais mon jeu, qui sentait le football. On va dire que j’en fais trop, mais on était connectés sans même se parler. Ses déclas ne m’ont pas surpris parce que je sais qu’il voulait jouer avec quelqu’un qui lui donnait de suite une solution. C’est ce qu’il n’a pas eu peut-être après.
Ton pote Souley Diawara te surnomme footix. Il paraît que tu passes tes week-ends à regarder des matchs de foot. D’où te vient cette passion des matchs à la télé ?
Depuis petit. Mon père aimait bien regarder le foot à la télé. Et à l’époque, on n’avait pas le choix, on ne pouvait pas changer de chaîne. Donc j’étais toujours assis à côté de lui à regarder les matchs, et c’est devenu une passion. Encore aujourd’hui, je préfère regarder un match de Bundesliga ou de Serie A à une série ou à une télé-réalité. Mais il faut reconnaître que j’ai baissé en intensité depuis quelques mois, je joue plus avec mes enfants, je suis plus proche d’eux.
Tu es récemment passé sur le plateau de J+1, tu as déclaré : « Je ne suis pas à la recherche d’un club, j’attends une offre. »
J’ai encore cette envie de jouer au football, bien sûr. Maintenant, je ne veux pas signer pour signer. Je veux un bon challenge, une proposition qui va me faire prendre du plaisir. Ce n’est plus une question d’argent, c’est de prendre du plaisir avec ses coéquipiers, en donner aux supporters. J’attends que ça se présente.
Pendant ce temps, l’OM galère…
Je reste supporter. Il y a des actions qui me font sursauter, d’autres qui m’énervent. Mais comme j’ai été joueur, je le prends différemment. C’est difficile de supporter toute cette pression. Il suffit qu’un ou deux joueurs aient les jambes lourdes sur le terrain pour que ça dérègle la machine. Si tout le monde n’est pas à 100%, c’est difficile même contre une Ligue 2 en Coupe de France. Ils sont très jeunes, mais l’apport de Lassana Diarra a fait énormément de bien. C’est quelqu’un qui absorbe la pression. Je le connais personnellement et je peux dire qu’il a les pieds sur terre, la tête sur les épaules. Il ne se prend pas pour un autre et c’est la meilleure recrue que l’OM aurait pu faire cette saison. S’il m’a appelé avant de signer ? Non. Il a toujours pris ses décisions seul et il les a assumées. C’est ce qui fait sa force. Il ne regrette jamais ses choix. S’il est venu à l’OM, c’est qu’il était sûr de lui. Ce n’est pas par défaut.
Est-ce que tu as l’impression que les fans de l’OM t’aiment encore plus a posteriori, cinq ans après ton départ, qu’ils réalisent que tu as mis quand même 100 buts en cinq saisons, ce qui n’était peut-être pas le cas sur le moment ?
Mon année la plus difficile, c’est la première. Après, les quatre derrière, ça s’est très bien passé, c’était du vrai bonheur. Il faut comprendre les supporters. J’ai des amis qui le sont, après les matchs, ils m’appelaient, ils me pourrissaient plus que les coachs. Ce sont des passionnés, tu ne peux pas leur enlever. C’est ce qui fait ce club. Recevoir de l’amour cinq ans après, ça me touche. Ça prouve que j’ai bien fait mon boulot.