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On a déjeuné dans la pizzeria de Nabil Fekir

Par Mathieu Rollinger, à Villeurbanne
On a déjeuné dans la pizzeria de Nabil Fekir

Si mercredi, l'Olympique lyonnais a dégusté une « Little Italy » dans la soirée, il y avait bien plus de choix chez 911 Pizza, l'établissement ouvert par Nabil Fekir à Villeurbanne fin novembre. Difficile de résister de s'y payer une part de Lyon.

Dans le jargon villeurbannais, le mot « gratte-ciel » peut être compris de deux façons. La première désigne le centre-ville de la seconde commune de l’agglomération lyonnaise (147 712 habitants au dernier pointage), desservi par une station de métro homonyme. D’ailleurs, ce mercredi, il n’y a pas foule sur l’avenue commerçante Henri-Barbusse. Mais quand le projet architectural est sorti de terre entre 1927 et 1934, plusieurs cous se sont tordus pour dévisager ces tours à l’américaine d’une quinzaine d’étages brisant l’horizon, premières de la sorte en France. C’est en pleine explosion démographique que le maire de l’époque, le socialiste Lazare Goujon, exprimait le souhait d’offrir à ses concitoyens un centre moderne, hygiéniste et indépendant de celui de son influente voisine lyonnaise. Mais une autre entité locale s’est aussi distinguée plus récemment pour avoir elle aussi touché les étoiles : Nabil Fekir. Voilà pour la seconde entrée du dico. Sauf que pour le footballeur, sa contribution à sa ville d’enfance est d’un tout autre ordre, malgré, là aussi, des références à New York City.

C’est sur un boulevard parallèle que le champion du monde a inauguré en novembre dernier son établissement 911 Pizza. Derrière ce logo en damier ou cette carte sur fond noir, rien n’est issu de la créativité de l’ancien meneur de l’OL. « À la base, ce sont ses beaux-frères qui ont l’enseigne, explique Hamza Fekir, le frère cadet Nabil, la main sur sa barbe parfaitement soignée. Ils lui ont parlé il y a un petit moment en famille, et Nabil a trouvé que c’était une bonne idée de lancer son restaurant ici à Villeurbanne. L’ambiance américaine, c’est le thème qui a été décidé sur les premiers restaurants sur Dijon, mais il a bien aimé. » De fait, 911 Pizza est une chaîne qui sévit depuis 2007 et compte aujourd’hui six autres adresses en Bourgogne. Coincé entre une agence de location de voitures et des barres d’immeubles, le restaurant de Villeurbanne doit, lui, composer avec la concurrence des tacos, kebabs ou Burger King à proximité. Pourtant, le meneur du Betis expliquait que ce projet était mûrement réfléchi. « C’est un projet familial qui nous tenait à cœur. On essaye de faire quelque chose de différent et on espère que ça plaira aux gens, expliquait l’entrepreneur lors de l’ouverture à Foot Mercato. La restauration, ça marchera toujours tant qu’on est sérieux et qu’on fait les choses bien. Après, le plus important, c’est de faire plaisir aux gens. »

Le plaisir, justement. Ici, il est censé tenir dans une assiette de 25 centimètres de diamètre ou une ardoise rectangulaire. Et face à une offre de 20 pizzas et 8 burgers différents, il faut s’installer sur les tables hautes ou les banquettes molletonnées pour prendre le temps de déchiffrer la carte. Pas de « Fekir » ou de « Gone » au menu, mais un mélange de fondamentaux (Margherita, 3 fromages, Orientale, etc.) et de clins d’œil à la Big Apple (Brooklyn, 5th Avenue, Union Square). Mais ce midi, notre choix se portera sur une des suggestions des chefs : une Astoria. Une astucieuse et prometteuse combinaison mettant dans le même panier poulet curry, champignons, cheddar et sauce barbecue, le tout sur une base tomate et accompagné d’un Pepsi. Après cinq minutes d’une attente ne pouvant être animée par la télévision, figée sur une émission de rallye, le plat fumant est posé délicatement sous notre nez, prédécoupé en huit parts presque égales.

Généreuse, la pizza respecte parfaitement son plan de jeu : l’enchevêtrement des champignons et des dés de volaille est méthodique, équilibré, quand la pâte ni trop épaisse ni trop fine impose un pressing de tous les instants. La rencontre se déroule sans encombre, jusqu’au dernier huitième de la partie, la quantité de sauce barbecue rendant les jambes lourdes au moment de conclure. En guise de décrassage, à défaut d’un tiramisù victime de son succès, le fondant au chocolat – agrémenté d’une crème anglaise et de chantilly – fera l’affaire. Et tant pis si le cœur du jeu n’a pas eu le temps de décongeler.

Le constat est implacable, et il n’y a qu’à voir la mine réjouie de la dizaine de clients au moment de sortir de table : le moment a été agréable et sans prétention. De plus, l’équipe, composée de deux cuisiniers et d’une serveuse, a fait preuve d’efficacité, sans se départir de leur sympathie et d’une attention à toute épreuve. Une fois la note de 13,90 euros réglée, l’heure est au bilan. « En quatre mois d’activité, c’est une réussite » , se félicite Hamza, nommé manager par son patron de frangin. Si le lieu a profité à ses débuts de l’effet Nabilon, il faut plus que la notoriété du gamin du coin pour garantir la viabilité de lieu. « Quand on était petits, on habitait à Cusset, un quartier juste à côté, continue le benjamin de la fratrie. Ici, les gens apprécient Nabil pour ce qu’il a fait à l’OL, pour sa carrière, mais ils viennent ici surtout pour passer un bon moment. »

Pas de portrait à l’effigie de l’icône, puisqu’elle fait partie du décor depuis toujours. Il n’y a qu’à voir Hamza, lorsqu’il gare sa Clio sur le parking réservé à la clientèle, allant saluer ses vieux potes devenus clients. Nabil, lui, gère tout ça à distance. « Il garde un œil sur ce qu’on fait ici, mais il ne gère pas grand-chose de l’affaire. Il nous laisse faire » , assure Hamza sur le même ton caractéristique que son frère. Et quand on lui demande quelle pizza correspond le plus à son frère, la réponse est spontanée : « La Harlem : poulet, poivrons, tomates, sauce fromagère. » Si la Domino’s Ligue 2 cherche à se dépoussiérer, elle est là, la recette parfaite.

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Propos recueillis par MR, sauf mention. // Photos : MR.

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