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« On a commencé l’aventure avec 12 joueurs dans l’effectif »

Propos recueillis par William Pereira, à Saint-Leu-La-Forêt.
« On a commencé l’aventure avec 12 joueurs dans l’effectif »

Arrivé au Red Star dans le rôle de l’illustre inconnu qui prend la place de l’entraîneur maison, Rui Almeida a progressivement réussi à faire taire les sceptiques en positionnant les Franciliens dans le haut du tableau de L2. Mieux, après un début de saison laborieux, il fait l’unanimité au club de par son sérieux, ses méthodes d’entraînement et ses longues heures de travail. Rencontre avec un perfectionniste.

Comment vous êtes arrivé au Red Star ? Vous travailliez encore avec Jesualdo Ferreira au moment où vous avez été contacté par le club ?Oui, j’ai dû quitter mes fonctions au Zamalek (où il était adjoint, ndlr). Je me souviens que les premiers contacts ont été établis au lendemain d’un match qu’on avait disputé dans une ville au large de la mer Rouge. La semaine qui suivait, j’étais ici pour discuter avec le président. Je suis ensuite retourné en Égypte pour expliquer au Zamalek et surtout au professeur (Jesualdo Ferreira), qui a été très compréhensif quand je lui ai expliqué qu’il était temps de partir pour moi.

Qu’est-ce qui vous a plu dans le projet présenté par le Red Star ?D’abord, il y a le côté historique du club, avec le retour en Ligue 2, 16 ans après avoir quitté cette division et traversé de grandes difficultés… D’ailleurs, c’est aussi ce qui m’a fait le plus hésiter, dans le sens où c’était un pari risqué. Mais j’ai analysé la situation et je me suis dit que s’il y a bien une D2 très forte en Europe, c’est la Ligue 2 française. La France, l’Angleterre et l’Espagne sont très solides en matière de deuxièmes divisions. Et puis il y a tout simplement le projet de stabilisation de l’institution en Ligue 2 d’un club historique de cette division qui a aussi connu la D1. C’est forcément intéressant.

Donc l’objectif avéré pour le moment, ce n’est pas plus que la stabilisation en L2 ?Pour le moment, on se tient à cela. Il ne faut pas oublier que le Red Star est resté très longtemps dans les divisions inférieures

Il ne faut pas oublier que le Red Star est resté très longtemps dans les divisions inférieures.

que ce soit dans ou hors du football professionnel, et que, dans le football amateur, on prend un rythme et des routines non professionnelles. Le principal enjeu de la remontée en L2 est de faire en sorte que le club se réadapte et se transforme rapidement en matière d’organisation au rythme d’un football plus compétitif.

Quand vous arrivez au club, qu’est-ce qui, dans la structure, ne vous paraît pas à 100% professionnel et qu’il a fallu ou faut encore améliorer ?Je préfère ne pas parler du passé et analyser ce que fait le club depuis mon arrivée. J’ai essayé de m’y adapter, mais aussi d’adapter mon rythme de travail. J’arrive tous les matins très tôt au centre d’entraînement, avant 8h, et je m’occupe également de tout ce qui concerne le poste médical, l’intendance, les personnes qui s’occupent des équipements… J’ai demandé aux dirigeants d’avoir si possible plus d’espace et plus de temps pour travailler de manière que ces gens dont j’ai parlé puissent travailler à plein temps. Le jardinier qui s’occupe du terrain n’est pas engagé par le club et la pelouse est une question très importante. Il faut voir si les terrains sont praticables pour l’entraînement ou non… Toute cette structure est primordiale et doit être au centre d’une seule et même pensée, et non divisée entre les différents départements spécialisés. C’est important pour les joueurs. Je vous donne un exemple, quand les joueurs arrivent une heure avant l’entraînement, ils savent où sont leurs équipements, qu’est-ce qu’ils vont faire, qu’est-ce qu’ils ne vont pas faire, ils savent qu’après l’entraînement, il y a possiblement un travail à faire avec le kiné… Tous ces aspects sont fondamentaux dans l’organisation d’une équipe professionnelle.

Ce sont des choses que vous avez apprises au Sporting et du côté de Braga ?Oui… Et il y a des choses qui sont absolument normales. Par exemple, à Braga, tous les médecins et intendants étaient professionnels. On parle d’une équipe qui a récemment battu Marseille en Ligue Europa et qui n’a que 15 millions d’euros de budget, c’est-à-dire moins que certains clubs de Ligue 2. Tout ça pour vous dire que tout est une question de structuration et de maximisation des moyens dont nous disposons. Le Panathinaikos, les deux Sporting au Portugal et Zamalek, qui est un très grand club africain, sont des clubs qui se sont développés grâce à leur structure. Au Sporting, le joueur sait que tout est programmé en fonction de lui du moment où il arrive au centre d’entraînement jusqu’au moment où il le quitte. Il sait qu’avant l’entraînement, il va faire du travail de prévention, il va consulter le nutritionniste afin d’optimiser son rendement physique et qu’après il ira voir le kiné, etc. On est loin de la base entraînement, douche, et c’est terminé.

Comment ont réagi vos joueurs à ce rythme de travail intense et cette nouvelle organisation ? (Il sourit) Pour être sincère, je trouve que mes joueurs ont très bien réagi et s’y sont adaptés rapidement. Il y a eu une phase d’adaptation tout à fait normale…

Depuis que j’ai travaillé avec Jesualdo Ferreira, je cherche l’excellence. Si on réussit à l’atteindre, tant mieux, ça ne pourra qu’être bénéfique.

Après, je connais moins bien le joueur français, mais le joueur portugais a des problèmes d’adaptation quand il joue au pays et, dès qu’il sort à l’étranger, il s’adapte rapidement. Il va en France, en Italie, en Angleterre, etc. Donc c’est pareil partout. Pour en revenir à la question, je pense que tout s’est bien passé. Après, je suis très exigeant et rigoureux, sans doute encore plus depuis que j’ai travaillé avec le professeur Jesualdo Ferreira. Depuis cette période, je cherche l’excellence. Si on peut réussir à l’atteindre, tant mieux, ça ne pourra qu’être bénéfique.

La plupart des entraîneurs portugais travaillent exclusivement avec ballon, c’est aussi votre cas ?(Il rit) Ça, c’est le fameux mythe de l’entraînement. Depuis que je suis dans le monde du football professionnel, c’est-à-dire environ 15 ans, il y a toujours eu une sorte de mystère autour de l’entraînement. Il y a plusieurs disciplines à prendre en compte dans l’entraînement. L’une d’entre elles est effectivement sa méthodologie, qui implique la partie physique entre autres. Mais en soi, l’entraînement n’est pas divisible. Maintenant, on peut considérer qu’il y a d’un côté la partie technique, qui englobe toutes les autres, notamment la tactique et le physique. Ensuite, il y a la partie pour tout ce qui est leadership du groupe et ensuite la communication. Pour moi, ces deux derniers points sont primordiaux, encore plus de nos jours et encore plus quand on est amené à travailler avec des joueurs qui ne parlent pas la même langue. L’empathie avec le groupe, la capacité à se faire entendre, à transmettre un message, à se faire accepter par un groupe, à le mener, sont clairement décisives.

Peut-on dire que cette maîtrise de la communication, de la psychologie est une particularité de l’entraîneur portugais comme celle de l’Espagnol est de maîtriser le football de possession ou le Hollandais de pratiquer les rouages d’un football ultra offensif ?Je pense que oui. C’est pour ça que l’entraîneur portugais est aujourd’hui reconnu. Et aussi parce qu’il obtient des résultats. On me demande souvent pourquoi l’entraîneur portugais est à la mode… Moi, je réponds que c’est parce qu’il gagne, parce que si ce n’était pas le cas, il ne serait pas à la mode. Et il réussit à avoir des résultats, car il sait s’adapter partout. André (Villas-Boas) est en Russie, Marco (Silva) en Grèce, il y en a d’autres en France, en Angleterre, en Italie… Et cette faculté d’adaptation est due, de mon point de vue, à ses qualités dans le domaine de la communication et du leadership. Enfin, il y a également les qualités de compréhension du jeu et de mise en place tactique. L’entraîneur portugais a, de nos jours, une excellente lecture du jeu et est capable de répondre à différents problèmes par plusieurs réponses.

Puisque vous parlez d’adaptation, comment vous accoutumez-vous à notre football ? Quelles sont ses particularités et qu’est-ce qui vous a posé le plus de problèmes quand vous êtes arrivé en France ?Par-dessus tout, je dirais que le football français, que ce soit la L1 ou la L2, un football de grande valeur, que ce soit de par ses athlètes ou son niveau de jeu. La première difficulté en tant qu’entraîneur, c’est de s’adapter à ce haut niveau d’exigence. Il faut travailler beaucoup plus que dans un championnat compétitif pour obtenir de bons résultats. Par ailleurs, les joueurs franco-africains apportent au football français une plus-value très intéressante en matière de qualités intrinsèques et d’intensité. Ils rendent le jeu beaucoup plus intensif et c’est intéressant à analyser pour un entraîneur.

Vos premiers pas en France ont été compliqués. Vous n’avez pas gagné le moindre match lors des cinq premières journées avant de dérouler. Vous avez douté de votre travail à un quelconque moment ?(Il sourit) Non, non. Je vais être sincère, j’ai une très grande confiance en moi, parce que je travaille beaucoup et parce que le processus par lequel je voulais construire mon équipe était clair depuis le premier jour. Après, il ne faut pas oublier qu’on a commencé l’aventure avec 12 joueurs dans l’effectif et que la situation s’est prolongée presque jusqu’au début du championnat. On a débuté la saison de L2 avec 15 ou 16 éléments. Vous imaginez, commencer le deuxième meilleur championnat de France avec aussi peu de joueurs ? C’est très dangereux.

Il ne faut pas oublier qu’on a commencé l’aventure avec 12 joueurs dans l’effectif et que la situation s’est prolongée presque jusqu’au début du championnat.

Mais parmi ces joueurs, tous savaient déjà où je voulais aller en matière de fond jeu. Évidemment j’ai fait des petits ajustements à droite, à gauche, notamment en fonction des joueurs qui sont arrivés et de leurs qualités. J’ai aussi cherché à rentabiliser l’expérience de certains gars qui avaient évolué à différentes positions sur le terrain, mais toujours avec la même idée de jeu. On a fait du chemin en travaillant dans cette direction et je suis sûr qu’aujourd’hui, une personne qui regarde le Red Star jouer comprend notre projet de jeu. C’est pour ça que je suis toujours à peu près tranquille sur le banc pendant les matchs. Je sais que le travail a déjà été bien fait pendant la semaine.

Quel a été le tournant de votre saison ?Je ne sais pas s’il y en a eu… Quoique… Je pense que le match contre Valenciennes lors duquel nous avons été sévèrement battus (défaite 5-1 à domicile) a été un tournant pour nous. Oui. Après, on a eu la chance de voir plusieurs joueurs nous renforcer et puis le travail des autres a commencé à porter ses fruits. Et, tous ensemble, nous avons construit ce qui nous arrive aujourd’hui.

Si l’on prend en considération que vous effectuez un travail de long terme, peut-on en déduire que l’équipe sera de plus en plus forte au fur et à mesure que la saison avancera ?Sans doute, oui. Le meilleur moyen est de demander directement aux joueurs, mais beaucoup d’entre eux ne sont plus les mêmes par rapport à ce qu’ils étaient au début de la saison. L’accumulation d’entraînements les a améliorés. Maintenant, en matière d’objectifs, c’est simple, nous voulons glaner le plus de points possible. On veut arriver le plus rapidement possible aux 45 points. Après, on verra, on redéfinira nos objectifs. Pour le moment, on s’en tient à bien jouer et gagner, car le beau jeu à lui seul ne se suffit pas.

Dans votre mémoire de fin d’études effectué lorsque vous étiez adjoint de Jesualdo Ferreira à Braga, vous soulignez l’importance du modèle de jeu d’une équipe. Quelle est la limite où l’on ne peut plus se permettre d’imposer son jeu à l’adversaire ? Par exemple, on ne peut pas jouer de la même manière à domicile contre Ajaccio qu’au Parc des Princes face au PSG…C’est une question intéressante. Le modèle de jeu varie souvent non pas en fonction de l’adversaire, mais en fonction de l’objectif fixé pour tel ou tel match. Pour un modèle de jeu, il y a beaucoup de variantes. Pour 160 entraînements dans l’année, nous allons travailler énormément de variantes. Ces réglages s’opèrent sur les attitudes offensives et défensives. Où l’on maximise l’apport offensif et minimise l’apport défensif, où l’on fait inverse, etc. Et le joueur sait comment se comporter face aux situations A, B et C et à différentes positions, dans une position médiane, plus haute ou plus basse. Si demain, on joue une grosse équipe ou si on joue à l’extérieur, l’équipe s’adaptera différemment à ces situations, mais les principes de base du jeu ne varient pas quoi qu’il arrive. Je ne vais pas passer du 4-3-3 au 3-5-2 simplement parce que j’affronte le Paris Saint-Germain. Je pourrais, mais seulement si cela aura été travaillé préalablement et aura été inscrit dans la routine d’entraînement. Dans le cas contraire, ça n’aurait aucun sens. Les variantes ont aussi à voir avec les joueurs dont je dispose dans mon effectif et des caractéristiques qui leur sont propres.

Mis en application, que donneraient ces variantes ?Sans toucher au modèle de jeu et sans toucher à mes joueurs, je vais vous donner un exemple. Le PSG avec ou sans Ibrahimović joue-t-il de la même manière ?

Non…Si vous jouez avec Ibrahimović et Cavani, ce n’est pas la même chose que si vous jouez sans les deux ?

Non plus.Voilà. Au Red Star, Sliti et Bouazza n’ont pas les mêmes caractéristiques. Si l’un jouait à la place de l’autre, le rendement de l’équipe en serait changé, non pas en raison de leur qualité intrinsèque, mais de leurs différents profils.

Avant de faire des ajustements, de jouer plus haut ou plus bas, on peut jouer différemment simplement en changeant d’éléments présents sur le terrain.

Jouer avec Rui (Sampaio) ou Boé-Kane, ce n’est pas pareil. Avant de faire des ajustements, de jouer plus haut ou plus bas, on peut jouer différemment simplement en changeant d’éléments présents sur le terrain, car certains joueurs abordent différemment les questions tactiques et de positionnement, d’autres sont carrément capables d’évoluer à différentes positions, etc.

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Propos recueillis par William Pereira, à Saint-Leu-La-Forêt.

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