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Ollivier Guéguen : « Le mardi à Torquay, c’est entraînement de boxe »

Propos recueillis par Régis Delanoë
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De Brest, sa ville de naissance, à Torquay, au sud de l'Angleterre, où il a débarqué en janvier pour évoluer en D5, en passant par les États-Unis et le championnat de soccer universitaire, itinéraire d'Ollivier Guéguen, 24 ans, tombé amoureux du football britannique, décidé à percer en pro là-bas.

Quand et comment as-tu déboulé en Angleterre ?

J’ai terminé mes études mi-décembre aux États-Unis et j’avais le choix entre rester là-bas ou rentrer en Europe, ce que j’ai fait, dans un premier temps pour les vacances. De là, j’ai repris contact avec un ancien joueur pro, Guy Branston, qui aide des jeunes joueurs à tenter leur chance en Angleterre dans les petites divisions. Il m’a trouvé un essai à Torquay, où il a joué, où il habite et où il connaît l’entraîneur. Le 8 janvier, je suis parti pour une semaine, puis j’ai prolongé une semaine de plus. Le jeudi de la deuxième semaine, alors que l’équipe partait la veille disputer un match, un défenseur s’est blessé à l’entraînement. L’entraîneur m’appelle l’après-midi et me demande de partir en déplacement avec l’équipe le lendemain matin. J’y suis donc allé, pour rien finalement, car je n’ai pas pu être qualifié à temps, mais c’était lancé pour moi. Le temps que je sois qualifié, je suis rentré en France récupérer des affaires et une voiture et je suis remonté pour faire mes débuts à l’occasion d’un quart de finale de FA Trophy (Coupe d’Angleterre des championnats inférieurs, ndlr). Un défenseur se blesse à la 35e, je le remplace et je fais tout le match. C’était de la folie en plus, car on jouait à domicile contre le FC United of Manchester, avec 1300 de leurs supporters qui avaient fait le déplacement. Depuis, j’ai disputé toutes les rencontres. Le week-end dernier, pour mes débuts en championnat, je marque le but égalisateur et on gagne 2-1.

L’adaptation se passe bien ?

Pas mal ouais, je viens d’apprendre ce midi (vendredi dernier, ndlr) que j’avais été élu joueur du mois par les fans ! C’est juste rageant qu’on se soit finalement fait sortir en poules aux portes de la finale du FA Trophy, qui se joue à Wembley… On a affronté Wrexham, un club gallois, en demie : on perd 2-1 là-bas et on perd le retour 3-0 à la maison. Leur qualification est clairement méritée, mais c’est dommage…

Parle-moi un peu de Torquay : club relégué de League Two et qui évolue cette saison en Conférence (D5), c’est ça ?

C’est ça. Le parcours cette saison est un peu bizarre, car l’équipe a longtemps joué les premières places avant de subir un gros coup de mou vers Noël, ce qui a entraîné une dégringolade au classement. Mais c’est trompeur, car entre la Coupe et les reports de match à cause des intempéries, quasiment aucune équipe n’a disputé le même nombre de matchs et nous, on en a pas mal en retard à disputer. Si on les gagne tous, on peut se retrouver aux portes des play-offs. Sinon, on risque d’avoir une fin de saison un peu en roue libre d’ici juin (Torquay a perdu 0-1 à domicile ce week-end contre Telford United, avec Guéguen resté sur le banc, ndlr). Et donc ouais, le club a fini dernier de League Two (la D4, ndlr) la saison dernière, avec pas mal de changements de joueurs l’été dernier.

C’est un bon club quand même, Torquay ? Bonnes structures ?

Les structures, c’est assez compliqué. On a un complexe avec terrain en herbe, mais il est mal drainé et est donc inutilisable la moitié de l’année. Dès qu’il pleut, c’est l’inondation. On doit donc s’entraîner sur un synthétique, mais faut qu’on se cale avec les créneaux horaires d’une école qui l’utilise aussi… Et puis sinon, pour notre grosse session du mardi, on va le matin dans une salle de boxe pour une séance bien intense.

Attends, vous mettez les gants carrément ?

Ouais, c’est entraînement avec le gérant de la salle, un gars un peu old school, ancien boxeur. On commence par un gros échauffement physique pour faire monter le cardio, puis on se scinde en deux groupes : un qui fait de la corde à sauter, l’autre qui fait de la boxe avec des punching-balls. Puis on termine par une session de muscu.
Au premier entraînement, on fait une séance de conservation de ballon et je me dis que j’allais être assez facile. Et ben, pas autant que ce que je pensais !

Marrant quand même… Et du coup, la réputation des divisions inférieures anglaises, comme quoi ce serait bien bourrin, c’est justifié ?

Pas tant que ça, en fait. Le premier entraînement, j’étais surpris. Je suis certes défenseur, mais j’ai un bon petit niveau technique, dans un style assez relanceur. On se fait une séance de conservation de ballon et je me dis que j’allais être assez facile. Et ben, pas autant que ce que je pensais ! Après, on a un coach qui aime voir son équipe relancer court, qui essaie de mettre en place un projet de jeu basé sur la construction à partir de derrière, ce qui est hyper appréciable quand on est défenseur. C’est pas partout pareil quand même, y a du kick and rush aussi chez d’autres. Et sinon globalement, de ce que j’ai vu du championnat, c’est assez bon. Pour comparer avec ce que j’ai connu, ça ressemble un peu au National, au moins au niveau du rythme. Techniquement, on est plus sur du CFA.

Tu as signé avec quel contrat ?

Ce qu’on appelle un non-contract deal. En fait, le club est un peu dans le dur et ne peut pas me proposer de vrai contrat avant cet été, ou alors faudrait un départ d’un joueur d’ici là. Donc en gros, je suis payé au match, en plus de l’hébergement et de la nourriture. Deux autres joueurs que moi sont arrivés dans les mêmes conditions dans l’effectif. Pour le club, c’est l’avantage de faire venir un joueur au moindre coût. L’inconvénient en revanche, c’est que si un autre club est intéressé, je peux partir à tout moment sans avoir de compte à rendre. Un club m’appelle cet après-midi, je peux le rejoindre dans la foulée sans que Torquay ne puisse rien.

Tu parles en connaissance de cause ?

Je sais pas… J’ai été observé par un club de League Two, mais vraiment, il n’y a rien de concret. Mais l’arrière droit de l’équipe, qui était au club sous ces conditions, a été approché par Cheltenham en League Two et est parti du jour au lendemain en janvier.

Et c’est ce gars-là que tu as remplacé ?

Non, je joue défenseur central, même si je peux jouer aussi latéral droit et que j’ai été formé au poste de milieu défensif.

Et donc t’es payé combien, concrètement ?

100 livres par match. Dès que je joue une seconde, ça compte comme une apparition. Sinon, à mes débuts, je logeais à Plymouth (à 50 minutes, ndlr) où je connais une famille qui m’hébergeait gentiment. J’allais à l’entraînement avec mon capitaine qui vit aussi là-bas, mais c’était du provisoire. Depuis quelque temps, je suis à l’hôtel à Torquay, payé par le club, et j’y mange aussi gratuitement.
L’idée, c’est de signer un vrai contrat à Torquay ou plus encore de viser plus haut, la League Two au minimum.

C’est précaire…

Oui, mais normalement, c’est du temporaire. J’accepte ces conditions, car c’est un moyen pour moi de mettre les pieds dans le monde pro en essayant de me montrer. L’idée, c’est de signer un vrai contrat à Torquay ou plus encore de viser plus haut, la League Two au minimum. Quand tu arrives comme moi sur le marché à mi-saison, tu sais que ça ne va pas être évident. Déjà, le fait d’intégrer Torquay, c’est un bon début. À moi de faire le max maintenant pour saisir ma chance.

Et ça vaut vraiment le coup de tenter l’aventure anglaise ? Les ambiances sont vraiment si bonnes qu’on le dit ?

Ah ça n’a rien à voir avec la France. J’étais déjà venu assister à un match de Plymouth en League Two il y a quelques années et j’étais tombé amoureux direct de l’ambiance des stades ici. C’est un régal, ça chante, les spectateurs sont tout proches du terrain, l’éclate totale. Contre le FC United l’autre jour, le stade était bien rempli avec notamment les 1300 fans venus de Manchester, sur les corners on ne s’entendait pas entre coéquipiers tellement ça gueulait ! Pfff, ça donne envie d’aller voir plus haut encore.

Et la ville de Torquay, tu en dis quoi ?

C’est pas mal du tout, très touristique en été de ce qu’on m’a dit. Un petit port, une grande plage. Une ville d’une bonne taille, ni trop grande ni trop petite. Après, j’ai pas encore eu trop le temps de visiter, mais du peu de ce que j’ai vu, ça m’a plu. Après, certains jours de repos peuvent être longs, mais je m’occupe, je vais à la muscu…

Tu te débrouilles au niveau de la langue ?

Je comprends, même si l’accent est vraiment différent de celui des États-Unis. Faut que je fasse des efforts pour bien écouter, donc je suis un peu limité après pour rebondir lors des conversations, ce qui est un peu frustrant. Mais ça va.

Donc si je comprends bien, avant l’Angleterre, t’as joué aux États-Unis ?

Oui, j’y ai vécu un an et demi. Un premier semestre où j’ai joué en D2 universitaire, puis j’ai été transféré dans une plus grosse fac, Coastal Carolina à Myrtle Beach en Caroline du Sud. Les saisons de foot là-bas ayant lieu seulement de septembre à décembre, j’ai effectué un premier semestre d’entraînements et de matchs amicaux seulement, avant de disputer une saison à l’automne dernier.

C’est comment, le soccer universitaire aux USA ?

Pas mal intense. Hors saison, tu commences à 6h50 par une séance de muscu, puis t’as des cours jusque 10h, puis l’entraînement jusque midi, puis les cours encore en début d’après-midi et encore entraînement après 15h. Et pendant la saison, tu joues tous les trois jours. Ton planning de cours est calé en fonction de ça.

Niveau études, tu as validé quel diplôme là-bas ?

Un Bachelor. Je venais de l’école de commerce de Brest, où j’avais déjà obtenu un diplôme. Et au niveau de mes crédits universitaires, j’avais droit qu’à deux années max d’études aux États-Unis. J’ai validé un Bachelor là-bas en un an et demi en prenant plus de matières sur un semestre pour éviter d’avoir à faire un quatrième semestre. Du coup, maintenant j’ai un double diplôme, français et américain.

Solide. Et niveau foot, tu n’as pas pu percer ?

J’ai eu des essais avec des clubs de MLS. Un premier pour les Colorado Rapids et un second à Las Vegas organisé par deux clubs, Seattle et Toronto, où j’étais avec un autre Français, Clément Simonin. Les deux fois, les retours étaient bons, mais les clubs de MLS ont un quota d’étrangers à respecter et ils préfèrent généralement le réserver à des joueurs plus confirmés… Sinon, j’ai eu des propositions aussi en USL Pro (un championnat pro mineur en Amérique du Nord, ndlr), mais ça ne me disait pas trop. Financièrement, on est plus dans la survie… Et puis, j’avais gardé en tête ce rêve d’essayer de percer en Angleterre, ce qui me permet en plus de me rapprocher de ma famille. C’était l’occasion ou jamais.

Donc là, si je comprends rien, c’est foot anglais ou rien ?

C’est un peu ça. Si je parviens cet été à trouver un contrat en League Two, c’est super. On verra… Je sais que j’ai mes diplômes, je peux donc me concentrer sur le foot et voir si j’arrive à percer à moyen terme. En tout cas, je n’ai pas dans l’intention de revenir en France, vadrouiller en CFA ça ne m’attire plus. L’Angleterre, c’est là que je veux tenter ma chance, pour l’ambiance des stades.

Avant les USA et l’Angleterre, c’est quoi ton parcours ?

Je suis né à Brest et j’ai été formé au Stade brestois, des benjamins jusque la réserve. Je suis ensuite parti à Amiens où j’ai suivi mon formateur. J’ai fait une saison à jouer là-bas en réserve en m’entraînant avec les pros, mais ils sont descendus de L2 en National et il y a eu un changement de coach. J’ai eu un peu le mal du pays, alors je suis rentré en Bretagne et je me suis inscrit en école de commerce, tout en prenant une licence à Plabennec. J’ai commencé avec la réserve avant d’intégrer la A pour une saison de National et deux de CFA. J’ai notamment côtoyé Christophe Kerbrat là-bas, on a fait plusieurs fois chambre commune en déplacement.

Pas de regret d’avoir loupé la marche du professionnalisme en France ?

C’est à Amiens peut-être que j’ai eu ma chance, ça se passait bien, mais l’entraîneur s’étant fait viré, son remplaçant n’avait pas trop confiance en moi. À ce moment, j’étais un peu dégoûté par le foot. J’ai voulu revenir au Stade brestois pour jouer avec la réserve, mais le club préférait donner sa chance à des plus jeunes. À Plabennec, il m’a fallu redémarrer de zéro, mais j’ai toujours gardé espoir de passer pro.
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