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Nouvelle C1, logique déclin

Par Nicolas Kssis-Martov
Nouvelle C1, logique déclin

Il faudra apparemment s'y habituer. À partir de 2024, il est fort possible que ni l'Ajax ni Porto n'aient le droit de venir s'incruster en quarts de finale de la Ligue des champions. Et le pire, c'est que ça semble presque logique...

Une nouvelle Ligue des champions, sous forme de Super ligue, est en cours d’élaboration pour la période post-2024. Directement négociés entre l’AEC et l’UEFA, les projets semblent s’affiner et les détails – surtout en euros – se régler à l’amiable. On peut s’en offusquer, ou même crier au scandale. Tout effectivement nous portera du même côté de la barricade que les défenseurs élégiaques d’une compétition qui nous a fait rêver, marquée par l’idéal concret d’une « grande maison européenne » où des équipes roumaines, yougoslaves, voire écossaises ou portugaises pouvaient remporter le titre suprême. Toutefois, cela fait belle lurette que cette utopie a été enterrée : aujourd’hui, dans certains pays, un seul pensionnaire – le champion – vient tenter sa chance par élimination directe. Les diverses réformes ont montré la voie, avec tour préliminaire et poules impitoyables pour les outsiders.

De ce que l’on en connaît, la prochaine mouture a plus des airs d’aboutissement logique que de (contre) révolution réactionnaire. Elle risque, peut-être, de réduire considérablement le nombre de pays véritablement concernés. Plus encore : au sein de ce cercle atlantiste (Bundesliga, Premier League, Liga, Serie A), seules quelques grosses cylindrées – nouveaux riches et vieilles fortunes – pourront croiser le fer et les transferts pour décrocher un nouveau trophée. Pas si loin d’une ligue fermée à l’américaine, en somme. Un mépris pour l’histoire du foot, forcément. Mais une simple honnêteté : la Ligue des champions est trop importante pour l’abandonner aux aléas sportifs, ou même à la libre concurrence.

La revanche des nouveaux riches du Vieux Continent

Certes, Andrea Agnelli, le président de l’AEC, reste pour le moment évasif. Du coté de l’UEFA, échaudée par les révélations de la dernière livraison des Football Leaks à ce propos, on maintient le silence radio. Pourtant, de fuites publiées par le Wall Street Journal en rumeurs suisses, plus personne ne doute que les choses sérieuses ont commencé et que les grandes manœuvres vont déboucher sur une sorte de « Congrès de Vienne » (celui qui redécoupa le Vieux Continent après Napoléon) où chacun saura préserver son statut et ses positions. Voici de sages hommes d’affaires qui décident tranquillement de préserver leurs intérêts. Et l’UEFA ne représente certainement pas la pauvre victime d’une cabale, simplement la puissance invitante qui arbitre les élégances du bal des prétendants.

Le football professionnel n’étant plus vraiment un sport, mais de plus en plus une industrie du spectacle, la véritable hiérarchie se regarde d’abord dans les budgets et les droits télé. La concentration monopolistique des richesses entre quelques mains et pieds ne fait que consacrer la réussite et la prééminence du football européen dans le monde. Tout le monde, y compris chez les gros fournisseurs de joueurs – comme le Brésil – ou leurs intermédiaires – comme le Portugal –, ne peut que se réjouir de voir la rente de leurs clients garantie par une ligue fermée. Maximaliser les profits en sécurisant son marché intérieur ? Karl Marx likes this.

Ronaldo, le joueur prototype de la super-ligue

Comment imaginer que les « peuples » se fassent confisquer le ballon rond, leur foot ? Tout d’abord, l’UEFA réfléchit également à une troisième compétition (en plus de la Ligue Europa) qui permettrait en quelque sorte de maintenir le versant vintage et de fournir un terrain de jeu pour les divisions inférieures (éco et géopolitiques) du foot européen demeurant malgré tout des sources de revenus non négligeables. Parmi les complices, le spectateur et le téléspectateur ne sont finalement pas les derniers à réclamer cette évolution.

Parmi les complices, ceux qui aiment les grands clubs quels que soient leur pays et leur ville de résidence. Qui s’ébahissent devant la performance de la Juventus et de Ronaldo au détriment de l’Atlético. Ceux qui veulent des grands chocs, du blockbuster et de la légende à usage immédiat. Les gamins qui connaissent d’abord les footballeurs sur FIFA. Ceux qui s’indignent d’une Coupe du monde à 48 qui ne voudrait plus rien dire, et qui s’ennuient devant un Moldavie-France. Pour le reste – la culture, la passion et le populaire –, le foot sera toujours plus grand qu’une Super Ligue.

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