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Nouhaila Benzina : ouvrir la voi(l)e

Par Anna Carreau

Titulaire dans l’axe de la défense marocaine qui s’est offert une première victoire historique en Coupe du monde, Nouhaila Benzina a elle aussi marqué ce dimanche d’une pierre blanche en devenant la première joueuse à disputer un Mondial avec un hijab. Un énième défi d’inclusion pour le football féminin mondial.

Nouhaila Benzina : ouvrir la voi(l)e

Avant même que le Maroc ne décroche sa première victoire en Coupe du monde en s’imposant face à la Corée du Sud ce dimanche (0-1), la rencontre revêtait déjà un caractère historique. En foulant la pelouse du Coopers Stadium, Nouhaila Benzina (titulaire dans la charnière des Lionnes de l’Atlas) est devenue la première joueuse à disputer un Mondial avec un hijab. Un 30 juillet 2023, donc. Sur le banc lors du carnage face à l’Allemagne et la lourde défaite 6-0, celle qui entre tout de blanc vêtue débarque avec l’ambition de stabiliser cette foutue défense marocaine et d’ouvrir la voie à bien d’autres. Pendant que ses coéquipières triturent leurs cheveux juste avant les hymnes, elle réajuste son voile Puma blanc de la même couleur que le maillot. Auteure d’un bon match dans l’arrière-garde marocaine, ce n’est pas sa simulation à la 79e minute pour grappiller du temps ou son tacle salvateur à la 81e alors que Mi-Ra Moon filait seule en contre qui vont faire parler d’elle.

Interdit jusqu’en 2014

Parce que oui, jouer avec un voile en 2023 reste une exception. Une exception suffisamment rare pour que ça fasse les gros titres de tous les journaux du monde, entre information pure et recherche de buzz pas forcément très sain. En 2014, la FIFA avait pourtant décidé de lever son interdiction du port du voile jusqu’ici justifiée par des raisons de sécurité pour l’athlète et ses adversaires. Un argument qui tenait de moins en moins la route avec les développements de hijabs sportifs par toutes les plus grandes marques, forçant ainsi l’instance internationale à revoir ses calculs. D’autant qu’avant 2007, la question ne s’était jamais posée. La faute à une histoire canadienne, où un arbitre avait empêché une jeune fille voilée de 11 ans de prendre part à un match. Un conflit remontant jusqu’à la FIFA, qui avait alors décidé d’interdire le port du voile (là où la réglementation précédente évoquait simplement des restrictions visant les accessoires couvrant le cou).

Le voile était une requête qui venait d’un groupe de pays et d’un groupe de joueuses qui disaient que cela contribuerait au développement du football et ce fut le principal argument qui a poussé l’IFAB à dire oui.

Jérôme Valcke

Cette décision a notamment privé certaines sélections, comme celle d’Iran où le hijab est obligatoire, de disputer le moindre match officiel. Et tant pis si, dans ces pays, le football peut être un terrain d’émancipation pour la femme. La situation a ainsi obligé l’instance à revoir sa copie dès 2012, actant une période de « test » du port du voile en compétition au sein de la Confédération asiatique. Un essai concluant puisqu’au 1er mars 2014, la FIFA a changé sa législation et remis les hijabeuses dans le game. « C’était une requête qui venait d’un groupe de pays et d’un groupe de joueuses qui disaient que cela contribuerait au développement du football et ce fut le principal argument qui a poussé l’IFAB – l’organisme qui détermine les lois du jeu – à dire oui », justifiait à l’époque Jérôme Valcke, l’ancien secrétaire général de la FIFA, dans Le Monde. En 2016, la Jordanie accueillait donc la Coupe du monde féminine U17 où plusieurs joueuses locales portaient le voile. Une première, à ce niveau-là.

Un modèle pour celles qui n’en ont pas encore

Mais entre un Mondial 2015 où aucun pays à majorité musulmane n’est parvenu à se qualifier et une édition française où les lois tricolores prévalaient sur la relative ouverture de la FIFA, il aura fallu attendre cette Coupe du monde 2023 pour voir une joueuse porter le hijab. « Je porte le hijab depuis des années, et j’en suis très heureuse, avait déclaré Nouhaila Benzina avant la compétition, auprès de la chaîne Al-Jazeera. Beaucoup de travail a été fait pendant plusieurs années, et il y a eu un résultat positif. » La question ne s’était jamais posée pour celle qui évolue dans le championnat marocain au sein du club dix fois champion du Maroc d’AS FAR, dans un pays où joueuses voilées se mélangent à celles cheveux au vent sans aucun souci. En sélection, ça n’a même pas été un sujet pour Reynald Pedros : « Je pense qu’à partir du moment où ça ne la gêne pas pour jouer, il n’y a pas de problème et il n’y a rien d’interdit. »

À partir du moment où ça ne la gêne pas pour jouer, il n’y a pas de problème et il n’y a rien d’interdit.

Reynald Pedros

Pour Assmaah Helal, cofondatrice de Muslim Women in Sports Network, c’est même très important d’avoir des modèles comme Nouhaila Benzina : « Les petites filles voilées regarderont Benzina et penseront : “Cela pourrait être moi.” Peut-être que les responsables politiques, les décideurs, les administrateurs se diront également : “Nous devons faire plus dans notre pays pour créer ces espaces d’acceptation, d’ouverture et d’inclusion pour les femmes et les filles afin qu’elles puissent participer au jeu.” » Un doux rêve vu de France, où le Conseil d’État a récemment confirmé l’interdiction du hijab formulée par la Fédération française de football après un recours du collectif des Hijabeuses qui demandaient du changement. Le rapporteur public, Clément Malverti, avait pourtant estimé que la 3F devrait annuler l’article 1 de son règlement qui interdit depuis 2016 « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale » au sein de ses championnats et donc toutes les ligues féminines.

Une « exigence de neutralité » pas vraiment neutre

Vestige d’une France secouée par une vision extrême de la laïcité version Manuel Valls, elle semble pourtant toujours avoir ses adeptes. « On n’a pas à porter des vêtements religieux quand on fait du sport. (…) Quand on joue au football, vous n’êtes pas obligé de savoir la religion de la personne en face de vous », assurait le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur RTL, accusant les joueuses voilées de vouloir donner « un coup de boutoir contre la République » et épargnant au passage les visiblement bien moins problématiques tatouages du Christ ou encore le bandeau « 100% Jésus » brandit par Neymar après chaque titre. Dans son rapport favorable au port du hijab en compétition finalement retoqué, le rapporteur public assurait pourtant qu’il n’y avait ni « prosélytisme » ni « provocation » dans le seul port du voile et aucune « exigence de neutralité » pour ces joueuses dans leur pratique professionnelle. À moins que le problème ne réside pas simplement dans un bout de tissu…

Par Anna Carreau

Propos de RP recueillis par AC et LB, ceux de AH par Associated Press.

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