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Niko Kovač, le sauveur inattendu

Par Sophie Serbini
Niko Kovač, le sauveur inattendu

En un an sur le banc de l'Eintracht Francfort, Niko Kovač est passé d'une très probable descente en 2. Bundesliga à une possible place européenne. Un parcours imprévisible pour celui qui n'avait pas vraiment convaincu à la tête de la Croatie.

Juin 2012. Six ans après son arrivée en tant que joueur, Niko Kovač s’attend à devenir l’entraîneur du Red Bull Salzbourg. Sur le papier, l’ancien capitaine de la Croatie a tout pour occuper le poste laissé vacant par Ricardo Moniz. Coach à l’académie Red Bull, puis entraîneur adjoint de l’équipe fanion, Niko Kovač a gravi les échelons du club un à un et en connaît parfaitement les rouages. Sa nomination ne fait alors aucun doute, surtout après le doublé Coupe-championnat réalisé par le club. Sauf qu’en l’espace de quelques jours, un certain Roger Schmidt, qui sort d’une belle saison de 2. Bundesliga avec Paderborn, devient le favori du président. Un peu à la surprise générale donc, l’Allemand est nommé coach du RB Salzbourg. Humilié et selon ses dires pas franchement averti, Niko Kovač claque la porte du club du jour au lendemain. Aujourd’hui, cinq ans après les faits, il peut se targuer de pointer à la 6e place du classement en Bundesliga avec l’Eintracht Francfort. Soit deux places devant le Bayer Leverkusen de… Roger Schmidt. Si Niko Kovač se décrit comme « pas vraiment rancunier » , difficile de ne pas l’imaginer penser au classement actuel en se rasant le matin.

Un barrage salvateur

Il y a un an, lorsque l’Eintracht était au bord de la relégation, pas grand monde n’aurait parié sur une telle réussite. Débarqué de l’équipe nationale croate quelques mois auparavant, Niko Kovač ne ressemble alors pas franchement à l’homme de la situation. En Croatie, il avait eu du mal à faire cohabiter les ego, et surtout à insuffler une idée forte. Reprendre un club à la dérive a donc tout du défi un peu trop grand pour lui. Les deux premiers mois donnent raison aux sceptiques, puisque le SGE peine à accrocher les barrages. Fin mai, alors que les fameux « Relegationsspiele » se profilent, Marco Russ, vice-capitaine, annonce être atteint d’un cancer. Clairement, l’Eintracht, qui doit affronter Nuremberg pour rester dans l’élite, ne semble pas pouvoir tomber plus bas. Après un match nul 1-1 à la CommerzbankArena, le SGE joue son va-tout en Franconie et réussit finalement à s’imposer 1-0 grâce à un but de Seferović. Les Aigles sont sauvés de justesse. Et même si Kovač déclarera après coup qu’il faut supprimer les barrages sous prétexte que la chute est trop dure pour l’équipe vaincue, il sait que sans cette double confrontation, il serait en train de pointer au Pôle Emploi.

L’envol des Aigles

Sans cette victoire obtenue à l’arraché, et dans des conditions plus que difficiles, Niko Kovač n’aurait sans doute pas pu remotiver ses joueurs. Ce barrage, il s’en sert tous les jours. Et cela paye. Car depuis le début de la saison, Francfort montre chaque semaine son horreur pour la deuxième partie de tableau. Le champion d’Allemagne 1959 n’a perdu qu’un seul match à domicile et peut se targuer d’avoir fait tomber Schalke, Leverkusen et Dortmund dans son antre. Même le Bayern s’est pris les pieds dans le tapis là-bas, et n’a pu ramener qu’un match nul (2-2). Tactiquement, la méthode Kovač n’est pas révolutionnaire, mais elle fonctionne. Le Croate s’appuie sur une arrière-garde solide – à la trêve, l’équipe possédait la deuxième meilleure défense du championnat – et sur quelques individualités fortes comme Alexander Meier, Marco Fabián ou encore le gardien finlandais Lukáš Hrádecký. Finalement, l’homme se veut plus humain que tacticien. Lors du retour sur les terrains de Marco Russ lors du match de Pokal mardi soir, il n’a pu s’empêcher de verser une larme. Une démonstration d’émotion qui a « profondément marqué l’équipe » , selon l’ancien patient.

Déjà 59 jaunes et 6 rouges

Si depuis quelques journées, les supporters toujours très bruyants de l’Eintracht se mettent à rêver d’une qualification en Coupe d’Europe, Niko Kovač se veut moins optimiste. « Évidemment, nous sommes en très bonne position, surtout que certaines grosses équipes n’en finissent pas de trébucher. Mais lors du sprint final, elles ne lâcheront rien, ce qui ne sera peut-être pas notre cas » , a prévenu le coach en conférence de presse après le 2-0 encaissé à Berlin face au Hertha. Du reste, depuis quelques matchs, l’Eintracht semble accuser le coup, et reste sur trois défaites cuisantes en championnat. Défaites étroitement liées aux problèmes disciplinaires de certains joueurs, l’Eintracht étant l’équipe la plus avertie du championnat avec déjà 59 jaunes et 6 rouges au compteur. Et l’entraîneur a bien conscience que si ses hommes ne se tempèrent pas quelque peu, l’Europe leur passera sous le nez. « Je n’arrête pas de leur dire de se calmer… Cela nous coûte tellement de points en plus… À ce rythme-là, si nous gardons notre place qualificative pour la Ligue Europa, cela tiendra du miracle » , assure-t-il. Comme chaque entraîneur érigé en sauveur en l’espace de quelques mois, Niko Kovač sait par ailleurs que l’Europe ne doit pas être une fin en soi. « Si nous ne sommes pas dans les 3-4 premiers en fin de saison, ce n’est pas un drame, et surtout cela ne veut pas dire que nous n’y serons pas l’année prochaine. Maintenant que nous avons fait l’impossible, à nous de construire quelque chose de durable. » À l’image de ce que réalisent le Hertha ou encore Cologne depuis quelques saisons, l’objectif de l’Eintracht est plutôt d’arrêter de faire l’ascenseur entre la première et la deuxième division. Et à l’instar de Pal Dardai et de Peter Stöger, Niko Kovač semble être l’homme de la situation. Avec un grand H.

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