- Ligue 1
- J28
- PSG-Bordeaux (3-0)
Neymar-Messi et le PSG : le droit de siffler
Les sifflets du public du Parc des Princes contre Lionel Messi et Neymar ont davantage fait causer que la victoire parisienne contre Bordeaux. En ciblant les deux icônes sud-américaines, les supporters du PSG ont visé la stratégie sportive (ou plutôt marketing) du club de la capitale. Ce qui n'est pas un crime de lèse-majesté.
Pour une fois, ce ne sont pas les images des buts anecdotiques de Kylian Mbappé, Neymar ou Leandro Paredes contre Bordeaux qui ont fait le tour du monde, mais un son, un bruit, celui-là même qui s’est élevé des tribunes du Parc des Princes pendant plus de 90 minutes. Quatre jours après la déroute de Madrid en mondovision, les supporters du PSG ont accueilli Lionel Messi et Neymar, leurs héros d’hier, avec des sifflets. Il paraît qu’il n’y a qu’en France que l’on voit ça, c’est en tout cas ce que veulent nous faire croire ceux qui ont oublié que Messi avait été hué au Camp Nou en 2014, comme Cristiano Ronaldo l’avait été à Santiago-Bernabéu en 2017. « Le football n’a pas de mémoire », ont réagi en cœur sur Twitter Luis Suárez et Cesc Fàbregas, copains des deux anciens Catalans. Il n’est pas question de mémoire, mais d’exutoire et d’histoire. Les amoureux se moquent du glorieux passé de Messi au Barça, ils n’ont d’yeux que pour leur club et ce qu’ils voient, c’est-à-dire pas grand-chose depuis de nombreux mois. Ce qui s’est passé du côté d’Auteuil dimanche après-midi n’est pas un crime de lèse-majesté ni une honte absolue, c’est même une bonne nouvelle pour le football.
La définition du supporter
Le Parc des Princes n’est pas encore totalement devenu un nouveau Disneyland, et les supporters parisiens ne sont pas (tous) des clients seulement bons à payer pour s’émerveiller devant les nouvelles attractions du club de la capitale, ou se gausser de pouvoir rentrer chez eux avec un plaid offert par un sponsor. C’est un constat rassurant, presque réconfortant à une époque où le foot ne cesse de se transformer et de s’éloigner de ce qui l’a rendu si populaire. Ce dimanche, le Collectif Ultras Paris, ses sympathisants et tous les autres fans parisiens éparpillés en tribunes ont choisi de manifester leur mécontentement de manière pacifique. En tout cas sans violences physiques ni débordements. Les icônes ne sont pas intouchables, pas dans le foot. Les idoles peuvent être contestées, aucune règle, même tacite, ne l’interdit. Comment leur reprocher d’être frustrés de ne pas voir l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du jeu briller sous leur maillot adoré ? Au cœur de l’été, ils étaient des milliers à patienter pour voir Messi apparaître à une fenêtre à l’aéroport du Bourget comme le pape est attendu sur la place Saint-Pierre. C’était un autre temps, celui de l’irréel, des rêves infinis et des illusions. Celui aussi où Mbappé n’était pas encore le roi de Paris ni le chouchou du Parc. Ce dimanche, l’international français a été épargné, il a même été applaudi, voire célébré ; en août dernier, il était lui aussi conspué. Les supporters ne sont pas payés pour avoir raison, ils payent pour vivre leur passion.
Sifflets, la fin de la récré
La contestation est peut-être trop tardive, mais le CUP n’a pas attendu le naufrage de Madrid pour manifester son mécontentement et son inquiétude face au projet mené par Nasser al-Khelaïfi et Leonardo. Avant le huitième de finale aller contre le Real, le virage Auteuil avait déjà déployé de nombreuses banderoles lors de la réception de Rennes, prévenant que leur patience avait « des limites ». Ce week-end, les services de sécurité de l’enceinte parisienne ont intercepté des dizaines de rouleaux de papier toilette et de nouvelles banderoles destinées aux dirigeants. La colère s’est donc concentrée sur Messi et Neymar, sifflés du début à la fin et symboles de la stratégie sportive (ou plutôt marketing) du Paris Saint-Germain, ce club davantage intéressé par l’ouverture d’une boutique à New York que par un match de Ligue 1 ou de Coupe de France. L’élimination contre le Real Madrid n’est pas une goutte d’eau, c’est un électrochoc, un réveil brutal rappelant aux acharnés du PSG qu’ils avaient fait l’erreur d’accepter de sacrifier leurs valeurs pour rêver beaucoup plus grand. Seulement, le devoir de mémoire, ce n’est pas seulement se souvenir du règne génial de Messi ou du talent de Neymar, c’est respecter le passé d’un club de foot qui n’en est plus vraiment un.
Par Clément Gavard