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Nesta, le dernier tacle d’un champion

Eric Maggiori
Nesta, le dernier tacle d’un champion

L’annonce est presque passée inaperçue : Alessandro Nesta, l’un des plus grands défenseurs centraux des vingt dernières années, a annoncé la fin de sa carrière au terme de la saison de MLS. À cause d’une blessure (l’histoire de sa vie), il a peut-être même disputé son tout dernier match ce week-end. Retour sur une carrière brillante et élégante, à son image.

Il s’en va pratiquement dans l’anonymat. Loin de l’Italie qui l’a tant aimé. Et pourtant, en ce mois d’octobre 2013, Alessandro Nesta a officiellement annoncé qu’il mettait un terme à sa carrière. Blessé, il ne disputera pas le dernier match de la saison face à Toronto, et pourrait donc avoir joué le tout dernier match de sa carrière dimanche, face à Philadelphia Union (2-1). À moins qu’il ne fasse son jubilé lors des play-offs, pour lesquels l’Impact Montreal est en passe de se qualifier. Mais play-offs ou pas, Nesta raccrochera définitivement les crampons dans quelques semaines. La décision est prise. Mais elle a été presque logique pour celui qui a probablement été le plus grand défenseur italien des vingt dernières années. Car, oui, Nesta était, dans l’absolu, bien au-dessus de Cannavaro, le capitaine azzurro qui a soulevé le Ballon d’or en 2006 après avoir remporté le Mondial. Nesta le sait : ce Ballon d’or, il aurait pu le soulever si des pépins physiques ne l’avaient pas empêché de disputer à fond ce Mondial 2006. Sans regrets. Le défenseur a trouvé ses satisfactions ailleurs, en club notamment, où il a tout simplement tout gagné avec les deux amours de sa vie : la Lazio et le Milan AC.

La classe italienne

Alessandro Nesta n’est pas un joueur comme les autres. Il ne l’a jamais été, d’ailleurs. Discret, timide, le gamin de Cinecittà, un quartier très populaire de Rome, est toujours resté en retrait. Les coups de gueule, il a toujours laissé ça aux autres. Les polémiques aussi. Jamais arrogant, jamais vantard, Nesta a toujours été considéré par ses coéquipiers et par les tifosi comme un exemple. Et c’est peut-être pour cela que l’annonce de sa fin de carrière a provoqué un tel émoi en Italie. Parce que Nesta, c’est la classe italienne incarnée. C’est le gamin de quartier qui a gravi les échelons parce qu’il était juste bon, qui est devenu capitaine de son club de cœur, qui a remporté le Scudetto avec cette même équipe, puis qui a épousé, à contrecœur, la grande puissance milanaise, avant d’en devenir l’un des symboles. Point d’orgue de cette carrière : Nesta est devenu champion du monde en 2006, même s’il a toujours affirmé ne pas se sentir champion du monde à 100%, car il n’a disputé que deux matchs et demi lors de ce Mondial allemand.

Des blessures à répétition ont freiné sa carrière. On a cru à plusieurs reprises qu’il allait s’arrêter. Mais il est toujours revenu au plus haut niveau. En mars 2012, malgré ses 35 ans, il éteint Lionel Messi lors d’un quart de final aller de Ligue des champions à San Siro. Son dernier grand rendez-vous avant de partir pour le Canada, où une fin de carrière en douceur l’attend. Là-bas, il découvre un nouveau cadre de vie, un rythme moins soutenu qu’en Europe, et retrouve son pote Di Vaio, avec qui il a grandi dans les équipes de jeunes de la Lazio. Deux saisons en MLS, un championnat canadien remporté en mai 2013, et Nesta tire sa révérence même si, officiellement, il y a encore un trophée fou à aller chercher, l’un des seuls que le joueur n’a pas remporté : un titre de champion de MLS, à des milliers de kilomètres de sa Rome natale.

La Roma a Totti, la Lazio a Nesta

Nesta, donc, c’est l’histoire de deux amours. Un amour d’enfance, la Lazio, et un amour plus mature, le Milan AC. Né à Rome, Alessandro grandit dans une barre d’immeubles où vivent pratiquement essentiellement des Romanisti. Mais la famille Nesta, elle, est profondément laziale. « Nous vivions à Cinecittà, et une seule famille était de la Lazio : nous. Et quand tu es dans ce cas, tu deviens un supporter encore plus fervent » , nous confiait Nesta, l’an dernier, lors d’une interview réalisée dans les vestiaires du stade Saputo, à Montreal. Tifoso laziale, Nesta est abonné à la Curva Nord, et est même ramasseur de balles au Stadio olimpico. Il intègre le club de l’US Cinecittà au poste… d’attaquant. Puis il rejoint les jeunes de la Lazio, grandit (en taille) et recule. Pour son premier match avec l’équipe première, il est aligné au milieu. Mais c’est l’arrivée à Rome de Zdeněk Zeman qui va marquer un tournant dans sa carrière. « Le défenseur central de la Lazio s’est blessé, et, du coup, Zeman m’a mis au centre de la défense pour les quatre derniers matchs de la saison. L’année d’après, j’étais jeune, le président Cragnotti avait de l’argent pour acheter des joueurs. Zeman a dit : « Non, moi, je ne veux personne en défense, je veux ce garçon-là. » Il parlait de moi. « Il va jouer titulaire, au centre de la défense. » C’est ce qui s’est passé » , raconte-t-il encore.

S’ensuit une ascension fulgurante. Nesta devient un titulaire indiscutable du club romain. La Lazio, à l’époque, a de grandes ambitions. En avril 1998, elle remporte la Coupe d’Italie face au Milan AC (tiens donc), son premier trophée depuis le Scudetto en 1974. Comme un symbole, le but de la victoire est inscrit par Nesta, sous la Curva Nord. « C’était magnifique. Ce soir-là, j’avais 22 ans, j’étais un vrai supporter. Après le match, je planais » , détaille-t-il. Blessé lors du Mondial 1998, Nesta ne refoule les pelouses qu’en décembre 1998. Eriksson, le coach de la Lazio, n’hésite pas une seconde, et lui remet le brassard de capitaine. Un brassard qu’il va fièrement porter pendant plusieurs années, au cours desquelles la Lazio va remporter la Coupe des coupes, la Supercoupe d’Europe et, point d’orgue, le Scudetto en mai 2000. La Roma a Totti, la Lazio a Nesta. Les deux joueurs sont les symboles de la Ville Éternelle, et ce duel semble parti pour durer des années et des années. Sauf qu’à force de dépenser des millions, la Lazio se retrouve endettée jusqu’au cou. Le président Cragnotti est obligé de vendre ses joyaux pour ne pas faire faillite. Nesta en fait partie. « Le dernier jour du mercato 2002, le fils de Cragnotti m’appelle et me dit :« Tu vas aller au Milan AC. » Je lui réponds : « Comment ça ? Moi ? Non. » Ensuite, cela s’est révélé être la chance de ma vie, mais à ce moment-là, je ne voulais pas y aller. Dès mon arrivée, j’ai dû faire une interview en direct avec une émission italienne. Galliani est venu me voir et m’a fait comprendre qu’il valait mieux que je souris un peu. Ils venaient de dépenser des millions pour moi, et moi j’étais triste. » L’enfant prodigue quitte le cocon familial. Une nouvelle page de sa vie, encore plus glorieuse, s’ouvre.

Deux Scudetti et deux Ligues des champions

Débute alors l’aventure milanaise. La nostalgie romaine dure quelques semaines, puis s’envole rapidement. En même temps, il y a de quoi : le Milan AC de l’époque fait rêver. Schevchenko, Inzaghi, Maldini, Pirlo, Rui Costa, Seedorf… Le Grande Milan d’Ancelotti. Dès sa première saison là-bas, Nesta réalise l’un des rêves de sa vie : soulever la Ligue des champions. Milan la remporte aux tirs au but face à la Juve, lors d’une nuit interminable à Old Trafford. Un souvenir tout particulier pour le joueur, qui s’affirme cette saison-là comme le meilleur défenseur central du monde. « Cette victoire, c’était du jamais vu. Nous avons fait une fête géante dans l’hôtel avec toutes les femmes des joueurs, nous avons bu, nous avons joué au foot jusqu’à 8 heures du matin alors que l’on ne sentait plus nos jambes. Magnifique » , se remémore-t-il. Pilier du Milan d’Ancelotti, qu’il considère comme un père, Nesta va être monstrueux lors de sa deuxième saison à Milan, celle qui emmène les Rossoneri vers un Scudetto que le club n’avait plus remporté depuis 1999. Ce Milan-là semble invincible, marche sur tous ses adversaires, et Nesta vit très probablement, footballistiquement parlant, le point le plus haut de sa carrière. Même si, de son propre aveu, il lui « manque deux Ligues des champions : celle perdue contre La Corogne en 2004, et contre Liverpool en 2005 » .

Peu importe, Nesta rafle sa deuxième C1 en 2007, en prenant sa revanche face à Liverpool. Entre-temps, simple détail de l’histoire, il est également sacré champion du monde, même s’il regarde la finale depuis le banc de touche à cause d’une énième blessure en équipe nationale. Ironie : c’est son remplaçant, Materazzi, qui est le protagoniste absolu de la finale contre la France. « Le fait que Materazzi ait eu son moment de gloire grâce au Mondial, beh, je suis content. Le regret, ce n’est pas que ce soit Marco qui ait joué à ma place, mais que moi, je n’ai pas joué, tout court. C’est aussi ça une carrière. J’ai beaucoup gagné, j’ai beaucoup perdu, j’ai eu mes blessures, parfois un peu trop… Mais ça va comme ça » , atteste-t-il. Nesta remporte son dernier titre avec Milan en 2011, un nouveau Scudetto (suivi d’une Supercoupe d’Italie) avec Allegri sur le banc, et Zlatan en attaque. La saison suivante, c’est la fin d’un cycle à Milan. Tous les tauliers se barrent, et Nesta ne fait pas exception. Il choisit Montréal. Façon, aussi, de se rapprocher de Miami, où le joueur a une maison secondaire. « Je voulais vraiment venir ici, car j’aime beaucoup l’Amérique. C’est une expérience qui me tentait. Le niveau est assez élevé, dans le sens où les équipes courent beaucoup, les joueurs sont très athlétiques » , témoigne-t-il. Avec l’Impact, Nesta dispute 34 matchs toutes compétitions confondues, portant le total de sa carrière à 699. Il reste encore les play-offs de MLS pour passer la barre des 700, et tenter d’aller décrocher un 20e trophée. C’est encore un petit morceau de l’histoire du football italien qui s’en va. Sans nul doute l’un des morceaux les plus élégants et les plus doués que l’Italie ait enfanté.

L’interview intégrale de Nesta est à retrouver dans le SOFOOT #101, sorti en novembre 2012.

Époque Lazio, dont il était le capitaine et l’idole

À Milan, époque cheveux longs avec Inzaghi

La preuve qu’il a bien disputé le Mondial 2006

À Milan, époque cache-cou avec Ronnie et Thiago Silva

Le Bleu de l’Italie l’a suivi jusqu’à l’Impact Montreal

Petit bonus : Nesta en 1991-92, âgé de 15 ans.

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