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Mourinho, le Special Out
Après deux ans et demi d’une grande intensité, José Mourinho et l’AS Roma ont décidé, d’un commun accord, de se séparer. La fin d’un passage qui aura fait changer le Portugais de dimension, pour retrouver le statut d’un entraîneur presque comme les autres.
Ça y est, Mourinho et la Roma, c’est terminé. La fin d’une idylle émotionnelle, aux résultats sportifs compliqués sur la scène nationale, mais concluants à l’échelle continentale. S’il n’aura pas su lutter avec les clubs de Milan ou le Napoli, le Special One aura rempli une armoire à trophées qui attendait ça depuis 2008. Le club romain ne s’y trompe pas lorsqu’il remercie le technicien pour « sa passion et ses efforts depuis son arrivée ». Rappelant qu’elle gardera « toujours d’excellents souvenirs de son passage », l’institution présidée par l’Américain Dan Friedkin souligne aussi qu’un « changement immédiat est dans le meilleur intérêt du club ».
Grazie da parte di tutti noi all’AS Roma, José! #ASRoma pic.twitter.com/3uwjHlEU1f
— AS Roma (@OfficialASRoma) January 16, 2024
L’expérience touche donc à sa fin, certainement provoquée par le départ du directeur sportif Tiago Pinto, alors que Mourinho assurait encore en décembre vouloir s’inscrire dans la continuité à Rome, « malgré toutes les difficultés ». Le lien qu’il a tissé avec les Romains, qui remplissent désormais le Stadio Olimpico tous les week-ends, laisse transparaître l’attachement qu’il porte à la Louve, qu’il a quittée, visiblement ému, sous l’ovation des supporters.
Il ne brille plus en championnat
Cet intermède italien ressemble pourtant fortement à celui du déclassement pour Mourinho. Pour beaucoup d’entraîneurs, deux finales européennes consécutives, dont une remportée, représenteraient un bilan plus que satisfaisant. Sauf que l’on parle ici du Special One, longtemps considéré comme l’un des tout meilleurs entraîneurs du monde, et qui ne semble aujourd’hui plus faire partie des débats. Depuis son départ du Real Madrid en 2013, le Portugais peine à aligner les saisons correctes. Hormis une Premier League décrochée avec Chelsea en 2015, il a seulement connu les joies du podium final avec Manchester United en 2018, deuxième avec 81 points, loin derrière Manchester City et ses 100 unités.
S’il laisse actuellement la Roma à une indigne huitième place, il vient de conclure les deux derniers exercices à la sixième position et avec le même nombre de points (63). Incapable d’accrocher le top 4 de Premier League avec Tottenham, même s’il a opéré un impressionnant redressement des Spurs en 2019-2020, plus souvent hors du coup que prétendant au titre avec United et mis à la porte par Chelsea, Mourinho ne semble plus vraiment être en capacité de briller en championnat. Certes, il a opéré avec des grosses cylindrées sur le déclin ou des équipes limitées comme à Rome, mais il a aussi laissé l’impression d’être à 60 ans tout rond dépassé tactiquement et de ne pas réussir à s’adapter au football contemporain. Cela ne l’a pas empêché de gagner, parfois, mais son image et son standing en ont pris un coup.
L’Europe son jardin, mais aussi son paradoxal déclin
Au niveau continental, ce n’est pas le même limoncello. Il n’a plus remporté la Ligue des champions depuis son titre avec l’Inter en 2010, mais n’a pas oublié de se montrer sur son terrain de jeu favori. Il a mené la Roma à son deuxième titre continental (après la C3 de 1961) en remportant la Ligue Europa Conférence, qu’il a gravée dans sa chair, puis atteint la finale de la Ligue Europa l’an dernier avec le club italien, six ans après avoir soulevé ce même trophée avec Manchester United en 2017. Mais même là, il y a un hic. Unai Emery, par exemple, s’est servi d’un tel bilan comme d’un tremplin, ses Ligues Europa l’ayant propulsé au PSG puis à Arsenal. Mais pour José Mourinho, le Special One en personne, on y voit plutôt, toutes proportions gardées, des lots de consolation. Malgré un effectif composé de quelques pointures comme Paulo Dybala ou Romelu Lukaku, Mourinho n’a pas réussi à impulser une dynamique positive en Serie A, ni même à impulser un tantinet de beau jeu à une Roma peu entraînante cette saison. À voir si Daniele De Rossi, son successeur sur le banc giallorosso, saura faire mieux avec son club de cœur.
Ce nouvel échec pourrait définitivement fermer au Mou les portes des meilleurs clubs du continent, probablement réticents à lui proposer un nouveau challenge. Les opportunités ne manqueront certainement pas, mais elles seront d’un autre niveau. Pourquoi pas en Ligue 1, où les clubs tentent de plus en plus de faire venir des visages marquants du coaching. Après tout, on a bien vu Claudio Ranieri ou Marcelo Bielsa débarquer dans l’hexagone ces dernières années, sur des bancs autres que celui du PSG. Pour les plus nostalgiques, rassurez-vous. Le champion d’Europe 2004 avec Porto n’a rien oublié de sa diatribe, ni même de se clasher ouvertement avec ses joueurs. Pour autant, c’est un Mourinho plus doux, plus proche de ses joueurs que l’on a pu apercevoir depuis quelques années, presque devenu un mentor, un protecteur. Peut-être cela a-t-il contribué à la cote d’amour impressionnante dont il a joui dans la capitale italienne. Quoi qu’il en soit, son départ soudain devrait surtout profiter à Netflix.
Par Julien Faure