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Monaco-PSG : au rendez-vous des bandits
Si le choc entre Monaco et Paris paraît déséquilibré sportivement, il met aussi un terme à une semaine où les deux clubs ont été embarqués dans une tempête judiciaire, à la suite des révélations de Mediapart. Bienvenue dans le premier Football Leaksico de l'histoire.
Il y a encore quelques mois de cela, une rencontre entre l’AS Monaco et le Paris Saint-Germain avait tout d’un sommet du championnat. Sur le plan sportif, bien sûr, puisque seuls les Monégasques ont pu sérieusement contester la suprématie parisienne depuis 2012. Mais également financièrement parlant, tant le club de la Principauté est un des rares — avec l’Olympique lyonnais, qui, lui, présente un modèle économique différent — à pouvoir titiller celui de la capitale. Une accointance certainement possible grâce à la présence d’investisseurs étrangers dans les deux camps.
Sauf qu’aujourd’hui, ce duel n’a jamais paru aussi déséquilibré depuis le retour de Monaco en Ligue 1 et que Russes et Qataris sont aux manettes. Les hommes de Thierry Henry végètent à une dangereuse 19e place et se présenteront meurtris par les derniers résultats (aucune victoire en trois mois) et avec une équipe décimée par les blessures et les suspensions (15 joueurs indisponibles), quand le PSG tentera lui d’améliorer son record de victoires consécutives. Mais cette semaine, un événement extérieur et extrasportif a surgi pour devenir le seul point commun entre l’AS Monaco et le Paris Saint-Germain : les Football Leaks.
Football Leaksico
Au début des années 1990, Canal+ avait investi dans le PSG pour notamment relancer l’intérêt du championnat en mettant un rival dans les pattes de l’Olympique de Marseille. Dix-sept ans plus tard, ce sont d’autres entreprises médiatiques qui participent, avec des intentions tout autres, à apporter une nouvelle dimension à l’affiche du dimanche soir de Ligue 1. En effet, les documents récupérés par Der Spiegel et les révélations faites par Mediapart et le consortium EIC ont pour le moment égratigné uniquement l’ASM et le PSG en France. Et c’est donc un choc avec un arbitre tout à fait original qui est mis au programme. Pour le PSG, ce feuilleton d’enquête ressemble à un marathon d’accusations et de réactions, si bien que certains supporters se mettent à parler d’acharnement.
Au sommaire et en vrac : du dopage financier réalisé par le Qatar, qui aurait injecté 1,8 milliard d’euros dans le club via des contrats de sponsoring surévalués, et couvert par Michel Platini himself ; les clauses hallucinantes du contrat de Kylian Mbappé et un bakchich filé à l’agent Jorge Mendes pour faciliter le transfert du « génie français » ; du fichage ethnique réalisé par la cellule de recrutement du PSG entre 2013 et 2018 et des allégations de propos racistes tenus par son ancien responsable Marc Westerloppe ; des primes d’éthique comprises entre 33 000 et 375 000 euros pour se montrer exemplaire en tout point ; les « garanties fiscales » accordées à neuf joueurs (Neymar, Mbappé, Di María, Meunier, Marquinhos, Verratti, Thiago Silva, Cavani et Dani Alves) et leur assurant une rémunération en « ultra net » ; et le dernier en date, le coût réel de la venue de Neymar dont le montant du transfert s’élèverait à 252 millions au lieu des 222 officiels, une fois comptées les commissions pour Neymar Senior et Pini Zahavi (10,7 millions chacun) et la contribution de solidarité pour son club formateur (8,7 millions). Bref, à boire et à manger.
Monaco, perdant même sur ce terrain
Du côté du Rocher, le vent du scandale a aussi soufflé cette semaine. Mediapart a révélé lundi que l’ASM a trouvé une combine pour contourner le fair-play financier en signant un accord avec une agence de marketing sportif, censée lui apporter 140 millions d’euros par an. Un montage financier alambiqué qui remettait le club dans les clous des règles de l’UEFA. Pour ne rien gâcher et en marge des Football Leaks, Dmitri Rybolovlev a fait un petit séjour en garde-à-vue. Au même moment, l’ASM devait recevoir le Club Bruges pour ce qui était son dernier espoir de printemps européen (finalement douché 0-4). Finalement, son propriétaire a pu être libéré sous caution avant d’être inculpé pour « trafic d’influence actif et corruption active » selon Le Monde. Paris, Monaco, deux cibles prioritaires des Football Leaks qui sont même impliquées ensemble sur un dossier : un arrangement leur permet de ne pas payer d’impôts sur le transfert à 180 millions d’euros de Kylian Mbappé. Une triche collaborative, malin.
Mais quand on cumule toutes ces affaires, une tendance se dégage et semble se calquer sur la dynamique sportive. Comme sur le terrain, les révélations montrent un PSG tout puissant, rattrapé sur des déviances qui illustrent son pouvoir économique sans limite, quand les torts reprochés à Monaco illustrent surtout un club qui est encore en train d’éponger un surplus d’investissement à l’arrivée des Russes, mettant le club dans le rouge face au fair-play financier, et qui ressent aujourd’hui les conséquences sportives et financières (l’ASM a frôlé le dépôt de bilan en 2014). Comme quoi, même si ces révélations portent le débat loin du terrain de football, il n’en est pas sans répercussion sur la réalité sportive.
Au révélateur
Pourtant, ce dimanche soir, les joueurs parisiens et monégasques n’auront certainement pas ces histoires en tête. Rares ont été les réactions concernant ces leaks et seuls les titis Yacine Adli et Moussa Diaby se sont exprimés sur les réseaux sociaux pour soutenir leur club face aux accusations de racisme.
Tout ça n’a que très peu de chance d’avoir de l’impact sur Kylian Mbappé et Neymar, les joueurs les plus cités cette semaine. En témoigne la façon dont Thomas Tuchel a pris de la distance avec ces remous en conférence de presse ce samedi. « Pour moi, ce n’est pas un sujet que j’évoque avec l’équipe et mon staff. Je suis ici pour entraîner et manager, on a préparé le match contre Monaco sans que ces affaires aient de l’influence, soufflait l’entraîneur allemand. Honnêtement, je ne sais pas ce que Kylian ou Ney ont fait. Ça m’est égal et je ne peux pas perdre de l’énergie avec ça. Je m’en fiche, je ne suis pas la police. » Ou quand ces joueurs ont plus de chance de se faire rattraper par la patrouille pour un retard à une causerie que pour des magouilles financières…
Par Mathieu Rollinger