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Moi, Moyes et perdant

Par Maxime Brigand
Moi, Moyes et perdant

La Premier League n’avait plus connu ça depuis vingt et un ans. Un début de saison terrible, deux points en dix matchs et une position de bon dernier du Royaume. Cette fois encore, Sunderland est au fond de la gamelle et David Moyes, son septième coach en cinq ans, n’a pas les armes pour se battre. Au bout de la tristesse.

L’histoire s’étire depuis maintenant trop longtemps. Comme un refrain lancinant qui a aujourd’hui la teinte d’une évidence. Les scènes sont connues, déjà vues. Samedi dernier, pendant que Sunderland prenait sa huitième gifle de la saison, la quatrième au cœur d’un Stadium of Light déjà vidé de moitié, alors qu’Alexis Sánchez s’amusait à ridiculiser son monde, David Moyes était là, les bras posés sur les hanches, sans réponse. Incapable de trouver ce qui ne va pas. La mine est défaite, le physique touché. Il avoue qu’il passera probablement un nouveau samedi soir « dans le noir quelque part » , à réfléchir, à se repasser les dix premiers épisodes d’une saison qui devrait logiquement pousser Sunderland en Championship, quelques mois après la chute du voisin Newcastle qui s’est reconstruit depuis avec autorité. Au fond, tout le monde sait que cela devait arriver, mais personne ne savait quand, après quatre saisons à jouer avec la zone rouge comme on fait du limbo. Moyes est déjà le septième coach en cinq ans à s’essayer à la reconstruction d’un historique remonté en Premier League en mai 2007. Il faut aussi prendre de la distance et retirer un peu du poids porté par l’entraîneur écossais des Black Cats depuis quelques semaines. Sunderland n’est plus le Sunderland de Bob Stokoe, le statufié en chapeau vainqueur de la FA Cup 73 avec un club alors en deuxième division face au Leeds de Don Revie. Non, comme l’expliquait récemment Gustavo Poyet, à la barre d’octobre 2013 à mars 2015, le problème est plus profond. « Il y a quelque chose à l’intérieur de Sunderland, quelque chose au plus profond de son cœur. C’est difficile à expliquer, mais c’est une façon de faire, quelque chose d’enfoui, qui fait que c’est compliqué.(…)Il y a quelque chose ici, quelque chose que je n’ai pas trouvé. Si je le savais, j’aimerais le dire, mais c’est présent et ça doit être changé à la racine. »

Johnson, Byrne et le champagne

Il n’y a qu’à s’arrêter sur les mois écoulés, qui ne sont que les lignes grasses d’une sombre décennie. Le problème de Sunderland vient avant tout de ce qui se passe dans son board. Prenons le cas Adam Johnson qui est le plus symbolique des maux de ce club : en avril dernier, l’ancien espoir, alors joueur des Black Cats, mangeait une peine de six ans de prison pour agression sexuelle sur une mineure. Il a été reconnu coupable et pionce depuis à la prison de Moorland, à Doncaster. L’affaire a été désastreuse pour l’image de l’homme, mais aussi pour Sunderland, qui a perdu dans la tempête sa directrice générale Margaret Byrne, qui avait eu connaissance plus tôt de l’histoire et avait décidé d’avancer dans le silence. Byrne était critiquée depuis plusieurs mois et a été contrainte de quitter un poste pour lequel elle tournait autour de 450 000 livres par an. Depuis, Sunderland a replongé, sans son pompier de service Allardyce, passé de héros après un sauvetage miraculeux la saison dernière à paria de la nation, mais avec un Moyes qui affiche un bilan horrible : dix matchs de Premier League, deux nuls, huit défaites, et une élimination sans se battre en League Cup à Southampton le 26 octobre dernier. Les Black Cats vivent actuellement leur dixième saison en Premier League et on parle probablement déjà de la pire. Un sentiment général se confirme : quelque chose de terrible semble arriver à chaque joueur qui débarque au Stadium of Light, excepté Jermain Defoe qui se bat toujours avec autant de classe contre l’âge. Les erreurs de recrutement s’enchaînent et parler de Sunderland est aujourd’hui synonyme de sale histoire. Le souvenir de Connor Wickham et de sa bouteille de champagne à 17 000£ sous le soleil de Marbella en juillet 2014 est encore vif.

Lost in translation

La situation est plus que jamais alarmante, et Sunderland n’attire plus. Il y a quelques semaines, David Moyes cherchait des réponses publiquement après avoir échoué à récupérer Wilshere en prêt. Finalement, il a tout craqué sur Didier Ndong, avec jusqu’ici une réussite alternative. Puis, il y a le visible et ce qu’il y a derrière. Sous la présidence d’Ellis Short, Sunderland a enregistré une perte de 25 millions de livres lors de la saison 2014-15. Une situation qui se répète depuis désormais plusieurs exercices – Sunderland n’a pas connu de profits depuis 2006 et a perdu 170 millions en neuf ans – et qui peine à se comprendre dans un pays brassé par des droits télés massifs. À Sunderland, tout s’explique par cette culture de l’instabilité et un bricolage qui semble permanent. Pourtant, David Moyes continue d’expliquer qu’il voit du bon dans les performances de ses joueurs, qu’il faut espérer et croire que la situation va s’inverser. Il sait aussi qu’il a perdu sa première bataille lors d’un mercato estival qu’il a souvent jugé incomplet. La preuve ? Cette scène d’incompréhension totale entre Ndong et Lee Cattermole lors de la défaite à domicile contre Crystal Palace fin septembre. Un lost in translation réel qui pointe les faiblesses d’un groupe et d’un club qui auraient dû gérer avec plus de pragmatisme les ventes de Mignolet, Sessègnon, Gyan et Henderson. Il est presque déjà trop tard, et Moyes n’y est pas forcément pour grand-chose, malgré une culture de la lose qu’il s’amuse à entretenir. Terrible.

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