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Milan, Rangnick et la révolution manquée

Par Adrien Candau
Milan, Rangnick et la révolution manquée

En feu depuis la fin de la pause sanitaire et invaincu depuis dix matchs en Serie A, l'AC Milan a annoncé mardi soir la prolongation de Stefano Pioli aux manettes de l'équipe A. De quoi zigouiller dans l’œuf la venue annoncée de Ralf Rangnick en Lombardie la saison prochaine, alors que l'Allemand était censé tout chambouler au sein d'un club sportivement déclinant depuis de trop nombreuses années.

En sport comme ailleurs, l’anticipation est un art subtil. Une certaine discipline mentale est toujours requise, pour ne pas céder au piège tentateur de l’instant présent et des émotions qui vont avec. Que faut-il alors penser de la prolongation de Stefano Pioli à l’AC Milan jusqu’en 2022, officialisée à la suite de la victoire des Rossoneri face à Sassuolo mardi soir ? Qu’il s’agit à la fois d’une extension de contrat méritée pour un type qui a remis Milan la tête à l’endroit, comme d’un choix aux contours stratégiques court-termistes. En backstage, c’est Ralf Rangnick, l’ex-gourou de Schalke, Hoffenheim et Leipzig, qui devait reprendre les rênes du club lombard la saison prochaine, pour amorcer la mutation d’une équipe en quête nécessaire d’un changement radical. Raté : l’entraîneur allemand, annoncé en grande pompe au Diavolo depuis plusieurs mois par les médias italiens, ne sera finalement pas de la partie. Et on est en droit de penser que Milan est peut-être passé à côté de quelque chose de grand.

Le monde de Ralf

Rien, évidemment, n’aurait garanti la réussite de Rangnick en Italie. Le technicien n’a d’ailleurs jamais entraîné de grand club historique à proprement parler. Le bonhomme, à qui on attribue souvent la paternité du gegenpressing, a en revanche montré par le passé que sa patte tactique et managériale pouvait emmener les clubs sous ses ordres à des hauteurs inespérées. Celui qui a propulsé Schalke à la seconde place de la Bundesliga en 2004-2005, puis mis Hoffenheim sur la carte du football allemand, s’est dernièrement signalé en élaborant largement le projet du RB Leipzig, dont il est devenu le directeur sportif en 2012. En parallèle, il a également piloté l’équipe première du RBL en 2015-2016 et 2018-2019. Bilan : une montée en première division allemande, puis une troisième place en Bundesliga, conquise haut la main grâce à un collectif aussi compact que spectaculaire.

Rangnick aurait-il pu reproduire sa formule magique à Milan ? Peut-être. On ne le saura jamais. Ce qui est certain, c’est que le club lombard n’a plus les moyens économiques pour regarder droit dans les yeux ses rivaux historiques, la Juve comme l’Inter. À défaut de combler cette différence pécuniaire, recruter Rangnick était l’assurance de voir Milan se remettre à phosphorer, pour tenter de combler son déficit de talent individuel en misant sur un schéma de jeu, un savoir-faire tactique et une méthodologie unique. Une perspective ô combien excitante qui n’en restera donc qu’au stade du fantasme, à la suite de la confirmation de Pioli dans ses fonctions.

Demain, c’est loin

La suite ? Difficile à dire, tant l’avenir du Milan reste confus. En Lombardie, Rangnick aurait pu avoir les pleins pouvoirs à en croire la presse transalpine, en assumant à la fois la fonction de coach et celle de directeur sportif, un poste jusqu’ici occupé par Paolo Maldini. C’est finalement seulement le rôle de patron du secteur sportif qui aurait été proposé à l’Allemand (sans la casquette d’entraîneur), ce qui aurait motivé son refus. Maldini, comme Pioli, reste donc en poste et Milan, toujours sous la coupe du fonds d’investissement Elliott, peut légitimement se demander de quoi demain sera fait. Invaincus et souvent spectaculaires depuis la fin de la pause sanitaire (7 victoires en 10 matchs, 27 buts marqués), les Rossoneri sont en très grande forme, mais il est encore difficile d’assurer que la hype est partie pour durer, du moins lors de la saison prochaine.

Par ailleurs, le prolongement du bail de Pioli à Milan pourrait s’accompagner de l’extension de celui d’Ibrahimović avec le Diavolo, alors que le Suédois était apparemment considéré comme un indésirable par Rangnick. Voir Ibra, capocannoniere en 2012 sous les couleurs rossonere, faire durer le plaisir en Lombardie semblerait alors souligner encore un peu plus ce drôle de mal qui semble habiter le club milanais. Un club où l’on préfère manifestement encore picorer sur les restes d’un glorieux passé, plutôt que de tenter d’aller de l’avant, en osant innover et expérimenter.

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