Comment est-ce que vous le sentez, ce match contre l’Allemagne ?
C’est un match où personne ne peut vraiment donner un favori. L’Allemagne est une équipe qui a joué les premiers rôles ces dernières années, mais elle semble un peu moins bien en ce moment. En plus, ils ont disputé des matchs plus difficiles que nos Français et ils ont dû jouer une prolongation contre l’Algérie, il y aura donc sûrement un peu plus de fatigue de leur côté. Il est vrai que les joueurs allemands sont plus expérimentés que les nôtres, mais on aura plus de fraîcheur qu’eux. C’est un match qui est très indécis, avec d’un côté l’expérience et de l’autre la jeunesse. Bien malin celui qui devinera le vainqueur.
Vous pensez que si les Bleus présentent le même visage que depuis le début de la Coupe du monde, ils auront une vraie carte à jouer, contre cette équipe allemande ?
Ils ont non seulement une carte à jouer face aux Allemands, mais à mon sens, ils ont même une carte à jouer pour aller au bout. Car, finalement, il n’y a aucune équipe qui s’est vraiment montrée au-dessus du lot. Pour moi, le vainqueur de cette confrontation France – Allemagne aura réellement une chance de ramener le titre à la maison.
Si on regarde l’historique des confrontations entre les deux nations, on a de quoi avoir peur, non ?
Oui, mais la vie est ainsi faite que tout ce qui a été vrai pendant un moment finit inéluctablement par changer. Rien n’est éternel. Je trouve que les Allemands ont eu beaucoup de mal lors de leur dernier match contre l’Algérie, ils ne me paraissent pas très en forme, contrairement à nos Français qui n’ont pas eu des matchs trop difficiles et qui ont même pu faire tourner un peu lors du troisième match. Je pense qu’on aura un peu plus de fraîcheur et de force que les Allemands.
Vous pensez que c’est le moment idéal pour les affronter, en fait ?
Absolument ! Le fait qu’ils soient un peu fatigués est un bon point pour notre équipe qui pourra faire jouer sa jeunesse et son envie de faire quelque chose. Et ils ont tous envie, ça se voit.
Comment parler de ce France – Allemagne, sans évoquer celui de 1982 et cette célèbre défaite aux tirs au but, à Séville. À l’époque, vous étiez à la tête de l’équipe de France, est-ce qu’aujourd’hui encore vous vous rappelez bien de ce match ?
Oh oui ! Et il restera certainement dans ma tête jusqu’à la fin de ma vie. On avait fait tellement de belles choses, mais le problème principal de ce match reste l’arbitrage. Comment l’arbitre n’a-t-il pas sanctionné un gardien comme Schumacher qui casse trois dents à Battiston ? Comment peut-on voir ça dans une Coupe du monde ? Après le match, je n’ai jamais vu des joueurs aussi en colère et aussi abattus que ça. J’avais mis sur le terrain des hommes, de vrais athlètes, mais après le match, dans les vestiaires, j’ai récupéré des enfants d’une école maternelle. Ils étaient tellement abattus. Ce match était un vol manifeste ! Mais bon, qu’est-ce que vous voulez y faire ?
Le geste de Schumacher semble vous avoir marqué.
Évidemment. Mais, sérieusement, comment l’arbitre ne voit pas ça ? Patrick a trois dents de cassées, il est plein de sang, les bras qui tremblent, vous êtes obligés de l’emmener très vite à l’hôpital pour une intervention immédiate. En plus, Schumacher n’a même pas eu ne serait-ce qu’un geste vis-à-vis de Battiston, il n’est même pas allé le voir pour prendre de ses nouvelles. Ça a été un vrai coup dur.
Est-ce que ce match a été long à digérer ?
Oui, ça a été très long. À tel point que les joueurs m’ont dit le lendemain qu’ils ne voulaient même pas jouer le match de troisième place. D’ailleurs, pour être honnête, on n’en a même pas vraiment voulu de cette troisième place, on s’en foutait. Par contre, on a su les faire réagir pour se remobiliser pour le championnat d’Europe, en France, deux ans plus tard. Et on a fait quelque chose de grand en le gagnant, en remportant nos cinq matchs. Mais, honnêtement, ça n’a pas tout à fait effacé ce qu’on avait vécu deux ans auparavant. Même si ça a été une grande satisfaction, car c’était tout de même le premier titre du football français, il ne faut pas l’oublier.
Pour en revenir à la Coupe du monde au Brésil, est-ce que vous êtes satisfait du parcours des Bleus depuis le début de ce Mondial ?
Ah oui, très content ! Ils ont une bonne conduite, ils font de bons matchs. Même si sur le dernier match, en huitièmes, on a subi un petit peu, on a quand même bien su gérer le dernier quart d’heure pour leur mettre deux buts. Donc au niveau de la réussite, on peut dire que c’est parfait.
Y a-t-il un effet Deschamps par rapport au renouveau de cette équipe de France, selon vous ?
Bien sûr ! Comment ne pas féliciter Deschamps et son staff. Ce sont tout de même eux qui ont tout fait pour que les joueurs soient en parfaite condition physique et mentale. Et c’est grâce à cela qu’ils arrivent à réussir leurs matchs. Donc, oui, un grand bravo à Didier, son adjoint et tout son staff dans l’ensemble !
Vous serez devant votre télévision, à 18h, pour regarder le match ?
Non, je serai à l’Élysée, chez le président de la République. J’ai été invité avec d’autres personnes, je ne sais pas trop qui il y aura, pour regarder ce match. Mais je vous rassure, on ne sera pas que tous les deux, hein (rires).
Et vous allez y croire, en cette victoire française ?
Oui ! Ah oui, absolument ! Je vous dis qu’ils n’ont pas encore dépensé toutes leurs vitamines et toutes leurs ressources mentales, et ça c’est moins vrai chez les Allemands. Vous verrez que c’est la France qui va se qualifier !