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Michaël N’dri : « Quand tu te réveilles au milieu d’un champ de bataille… »
Belgique, Émirats arabes unis, Qatar, Thaïlande et maintenant Hong Kong : il ne s'agit pas des destinations tendance à bas prix pour cet été, mais bien des pays dans lesquels le buteur Michaël N'dri a évolué. Formé à Sète, le plus cosmopolite des buteurs français vient de prolonger au Lee Man FC, à Hong Kong, et déroule le fil de son parcours unique. Entre nourriture thaï, manifestations, golf et Mourad Boudjellal.
Tu as été formé à Sète (entre 2003 et 2005), puis tu as joué à Toulon (2005-2007), quels souvenirs gardes-tu de cette période ?Quand je suis arrivé à Sète, le club était en National. Moi, je venais d’un petit club, où je jouais en moins de dix-huit Pré-Excellence et parfois en PHA, à Val Durance. Me retrouver en National, c’était un grand saut… Je n’avais pas suivi de formation, donc c’était assez compliqué au départ. Après, je garde de très bons souvenirs à Toulon, la première année avec un super entraîneur. L’année d’après, on est descendus malheureusement. Pourtant, on avait une grosse équipe.
En parlant de Toulon, l’actualité est mouvementée autour de Mourad Boudjellal. Quel est ton regard sur le projet de rachat de l’OM de l’ancien président du RCT ?J’espère que ça va se faire à Marseille ! Il sait y faire, ça peut être une bonne chose. Après, entre ce qui se dit et la réalité, des fois ça fait deux, mais j’espère… J’espère aussi qu’il pourra aider le Sporting Club de Toulon, parce que ce club mérite de jouer à un niveau supérieur.
Après Toulon, tu es parti à l’étranger. Ta carrière est assez exotique… Pourquoi ?Je suis d’abord passé par la Belgique, à Charleroi. Ça a été compliqué là-bas. Ce n’était pas forcément le niveau, mais comme j’avais toujours joué dans le sud, me retrouver en Belgique, avec la pluie… J’avais un contrat de deux ans et je l’ai cassé au bout d’une année. Mon ami Grégory Dufrennes a signé à Dubaï à cette période et m’a dit : « C’est le top là-bas, je connais un agent, si ça t’intéresse… » Pourquoi pas ?
Tu avais imaginé ça en début de carrière ?Je rêvais d’Angleterre, je me voyais bien là-bas… Partir à Charleroi, c’était aussi dans ce sens, parce que je savais que le championnat belge est très regardé. Finalement, ça a été les Émirats ! Mais non, bien sûr que ce n’était pas prévu.
Derrière, tu as joué au Qatar, en Thaïlande, à Hong Kong… Qu’est-ce que tu as préféré ?La Thaïlande, parce que le mode de vie… Il fait toujours beau, les gens sont super gentils, super accueillants. La nourriture est… pfff… Pour moi, la nourriture thaï, c’est la meilleure ! Quand tu arrives là-bas, c’est vraiment cool, et d’ailleurs, je pense y vivre après ma carrière. Les gens ne se prennent pas la tête, il n’y a pas de jugements. À l’inverse, à Dubaï, bah c’est un pays où il faut se montrer, montrer que tu as ceci, que tu as cela… Ce n’est pas naturel. Mais bon, le niveau du championnat été assez élevé, peut-être le plus élevé de ma carrière. Le football aux Émirats a évolué à une de ces vitesses ces dernières années… Aujourd’hui, pour un joueur étranger, c’est plus difficile de venir, ça devient plus sélectif, plus exigeant.
Tu n’as jamais connu de problèmes d’adaptation ?Jamais. On m’a toujours mis dans de bonnes dispositions. Après, quand tu es attaquant, que tu commences à marquer… C’est tout bon. Aux Émirats, quand je suis arrivé, je n’étais pas connu. Quand j’ai cassé mon contrat en Belgique, l’agent de Grégory m’a contacté et m’a parlé d’un club, Ittihad Kalba, qui était en stage en Allemagne. Il me proposait de faire un match avec eux. J’ai été voir le président de Charleroi dans la foulée pour qu’il m’autorise à faire un essai. Il m’a expliqué que j’avais deux solutions : soit j’y allais et, si on me prenait, Charleroi demanderait de l’argent, soit je cassais tout de suite mon contrat et j’y allais à mes risques et périls. C’est ce que j’ai fait et j’ai marqué sept buts dans ce match amical. J’ai signé dans la foulée.
Avec plus de 200 buts en carrière, tu es, toutes proportions gardées, dans le top 10 des buteurs français en activité…(Rires.) Je ne savais pas. C’est une fierté, ça récompense tout le travail effectué… Je suis fier de ça.
Tu as notamment marqué 71 buts en deux saisons à Kalba (entre 2008 et 2010). Qu’est-ce qu’il s’est passé ?Je savais ce que je devais montrer en arrivant là-bas. Parce qu’aux Émirats, ils sont comme ça, surtout quand tu es attaquant : si tu ne montres rien au bout de six mois, ils te mettent dehors. J’en ai vu passer, des joueurs… Et puis j’étais en feu, j’envoyais des triplés, des quadruplés à chaque match !
Sur ton compte Instagram, tu ne publies aucune photo de foot, que du golf ! C’est ta deuxième passion ?Oui, je suis un fou de golf. Je pense même me reconvertir. J’ai découvert ça à Dubaï. Greg Dufrennes jouait un peu, j’y suis allé avec lui, et au départ, je pensais que ça ne serait pas pour moi. J’y suis retourné un mois et demi après et, depuis ce jour-là, je joue presque tous les jours. J’ai même gagné un tournoi la semaine dernière au Cap d’Agde.
Le projet post-carrière, c’est donc golfeur en Thaïlande ?Exactement ! (Rires.)
Tu joues aujourd’hui au Lee Man FC, à Hong Kong. L’actualité, avant le Covid-19, était chargée avec des manifestations pro-démocratie qui ont secoué le territoire… Comment as-tu vécu tout ça ?C’était compliqué, ce n’était pas les petites manifestations qu’on a pu voir avec les gilets jaunes. C’était impressionnant, violent… Certains mecs brûlaient, des personnes leur mettaient de l’essence dessus avant de leur envoyer un briquet. Honnêtement, c’est des images qui restent. Quand tu rentres chez toi le soir pour aller te coucher, que les rues sont propres et que tu te réveilles le lendemain au milieu d’un champ de bataille… Du coup, avec les enfants, c’était un petit peu compliqué. Mon fils est dans sa dernière année avant de rentrer au CP, il n’avait pas beaucoup école, puis avec le virus, au total, il a dû faire cinq mois d’école.
Comment s’est passé ton confinement du coup ?À Hong Kong, on n’a pas été confinés. (Le territoire a globalement été épargné par la pandémie avec sept décès officiellement recensés, N.D.L.R.) Le championnat a été arrêté tardivement, autour du 10 avril, et quand je suis arrivé en France, il ne restait que trois semaines de confinement. Globalement, on a été moins touchés, mais on savait ce que c’était depuis décembre.
Tu sais quand le championnat va reprendre ?Le 23 août, il nous reste six matchs à jouer. Là, j’attends le visa pour les joueurs étrangers, et en arrivant, je serai testé à l’aéroport. Après, quatorzaine, avec un bracelet électronique.
Qu’as-tu pensé de l’arrêt définitif des compétitions en France ?Je pense qu’ils auraient pu terminer, comme ailleurs en Europe. Pourquoi les autres ont pu terminer et pas nous ?
Comment ça s’est passé l’arrêt définitif, à Hong Kong ?Déjà, là-bas, les stades appartiennent au gouvernement. Et comme le gouvernement a décidé de fermer tous les lieux publics… On a un centre d’entraînement avec plusieurs terrains, on a fini les matchs de coupe qu’on avait à jouer là-bas. Ensuite, le gouvernement a rouvert les stades, pour deux matchs de championnat. Puis, tout a été refermé.
Ça fait un an et demi que tu évolues à Hong Kong, tu viens de prolonger d’une année supplémentaire, tu te plais là-bas ?Oui, mais c’était assez compliqué au départ… J’ai eu du mal à m’adapter. Les trois premières semaines, je voulais repartir en Thaïlande. Je sortais d’une grosse saison avec seize buts. Puis, au fil du temps, je me suis adapté, et en fin de saison, ils m’ont prolongé. Le président voulait me garder à tout prix. Pourtant, je n’étais pas impliqué plus que ça, j’avais mis un but en championnat, un en coupe, je voulais repartir en Thaïlande… Après la prolongation, je m’y suis mis à 100%.
Tu penses revenir un jour jouer en France avant la fin de ta carrière ?Honnêtement, je ne pense pas. Une fois que j’arrêterai, j’arrêterai définitivement…
Propos recueillis par Guillaume Laclotre