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Merci Wissam

Par Alexandre Pedro
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Merci Wissam

Il est arrivé comme un anonyme de l’UJA Alfortville, il repart comme une légende. Meilleur buteur de l’histoire du TFC devant l’idole Beto Marcico, Wissam Ben Yedder méritait une déclaration d’amour. Si ce club est encore en Ligue 1, il ne le doit pas seulement au pull de Pascal Dupraz.

Au départ, il y avait eu le sourire et l’ironie qui accompagnent souvent les trouvailles d’Ali Rachedi. Été 2010, l’attaquant vedette de l’équipe de France de futsal débarque au milieu d’un casting de vainqueurs entre un latéral uruguayen rouquin (Adrian Gunino), l’avant-centre des benjamins de l’OL (Yannis Tafer) et un char vendu comme le nouveau Santa Cruz (Fédérico Santander). On se rassurait en disant que c’était une blague pour pas cher au moins, qu’on en rigolerait comme lorsque l’un de nous lance en soirée les noms de Pavel Fort, Ratinho ou Jon Jönsson. Trop petit, trop frêle, cette Ligue 1 n’était pas ta guerre. Pendant deux ans, on t’a vu t’échauffer les mains dans les poches à jeter ce regard triste vers le banc. Un soir, après un entraînement en 2014, on avait eu l’occasion de revenir sur cette période depuis ce bungalow transformé en salle d’interview de fortune. « J’espérais à tout moment entrer sur le terrain, mais je n’entrais presque jamais. J’essayais de voir si le coach Casanova me faisait un signe. » Des entraînements sur l’île du Ramier revenaient pourtant l’écho d’un type au-dessus techniquement. « On m’a parlé de me prêter en Ligue 2, mais moi, je me disais que j’étais en L1 et je ne voyais pas pourquoi je serais allé en L2 » , disais-tu avec cet orgueil de grand timide.

Il t’a fallu deux ans pour appréhender ce monde où tout est plus grand et pas seulement la taille du terrain. Et puis, tu t’es mis à marquer. Beaucoup. Comme une évidence, comme si ces deux premières années n’avaient jamais existé. Casanova avait osé voir du « Messi » en toi. On avait encore un peu souri. Mais quand on te regardait de plus près, on se disait qu’il ne divaguait pas complètement. En janvier dernier, Grégory Schneider s’était « pointé » à Reims pour Libération et avait noté chez toi « les deux, trois gestes qui vous mettent hors de portée de la masse des joueurs de football » . Tu avais touché trois ballons en 29 minutes. Une misère, mais ton jeu n’a jamais été une affaire de ballons touchés ou de kilomètres parcourus. En te poussant un peu, on avait réussi à te faire théoriser cet art de la disparition. « Parfois dans le match, Je m’arrête quelques secondes pour analyser la situation, voir où sont les failles et trouver la solution. J’essaye toujours de ne pas être trop loin du but et disponible dans cette zone pour mes partenaires, parce que c’est là qu’on m’attend. » Ce soir-là à Reims, tu avais négocié avec l’arbitre pour récupérer le ballon du match après ton triplé. Tu étais passé en coup de vent en zone mixte pour lâcher que « ça faisait longtemps que je n’avais pas mis trois buts dans le même match » .

L’amour sur le tard

Le papier de Schneider commençait par cette phrase : « Drôle de star, mais star quand même. » Est-ce parce que tu joues dans un club dont le dernier trophée a été remis par René Coty ou parce que tes mots sont aussi rares que les relances au pied d’Ali Ahamada ? Tu as bien tenté de mener une campagne médiatique pour approcher l’équipe de France, mais on se souvient de toi sur le plateau du CFC aussi à l’aise qu’Édouard Balladur en campagne dans le métro parisien. Si on tremblait à chaque mercato de te voir enfin trouver la porte de sortie, on ne te disait pas assez qu’on tenait à toi. Elmander a beaucoup moins marqué pour être aimé, Gignac était passé de bon à rien à légende en une saison. Toi, tu avais juste tes buts à offrir. C’était déjà énorme, mais pas assez pour t’assurer un statut de légende au Tef.

Et puis Pascal Dupraz est descendu de sa montagne. Déjà, il a eu la bonne idée de te faire terminer les matchs à la différence d’Arribagé. Enfin, un entraîneur a raconté une histoire à ce club. Et dans cette histoire, tu tiens le premier rôle. Et on a eu envie d’y croire. Envie de croire que le sort du club t’importait vraiment, envie que tu sortes un peu de ta coquille, que tu viennes vers nous, envie nous aussi de faire un pas vers toi pour te dire qu’on t’aime. Il fallait bien être 1 200 à Angers samedi, traverser la ville en cortège, emmerder ceux qui nous répètent que Toulouse n’est pas une ville de foot pour venir chanter dans le parcage « Merci Wissam » . Oui, merci Wissam. Merci pour ses 63 buts, merci d’avoir gardé ce club en Ligue 1, merci d’être passé au-dessus d’une frustration tout à fait légitime quand Olivier Sadran a bloqué ton transfert pour Séville, merci d’être un bon mec, merci d’avoir tout donné pour le TFC. Maintenant, tu peux partir en légende où bon te semble, on ne t’oubliera pas.

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