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Merci Franck Ribéry, c’était bon

Par Mathieu Rollinger
Merci Franck Ribéry, c’était bon

Dimanche 22 août 2004, le musée Munch d'Oslo signale le vol du Cri et de La Madone, deux tableaux du peintre norvégien. Le même jour à plusieurs centaines de kilomètres de là, il était permis de douter que l'un deux s'était retrouvé par miracle sur ce terrain entre un des bras de la Moselle et l'autoroute A31. Aujourd'hui, tout le monde sait qu'il s'agissait en réalité d'un des premiers coups de pinceaux de Franck Ribéry. Un artiste qui tire sa révérence après 18 années de football professionnel.

Le soleil déclinant, celui qui oblige à se servir de ses paluches comme d’une visière, est aveuglant. Mais pas plus que l’amour. Pour un ado de 14 ans, ce dimanche présentait tous les ingrédients nécessaires pour faire d’un premier match au stade un souvenir impérissable. C’est l’Olympique lyonnais, le triple champion de France en titre, qui se présente ce jour-là à Saint-Symphorien, avec Élber, Govou, Essien et Caçapa dans le onze de départ. En face, une équipe messine joueuse, guidée par Jeannot Fernandez et incarnée par des gars du cru comme Borbiconi, Proment, Obraniak ou Renouard, encore rassurée par sa 14e place la saison précédente et voulant oublier sa descente en Ligue 2 survenue deux ans plus tôt. Lorsqu’on est calé en Tribune Est, quelques rangées au-dessus de la Horda Frenetik, la pelouse prend une allure de théâtre d’ombres, les jambes des joueurs s’étirant et le contrejour laissant planer un doute sur l’identité de ceux-ci. Pourtant, l’un se détachera rapidement, au point de devenir un point ineffaçable dans les rétines. Il porte le numéro 10, flotte dans son maillot grenat et virevolte dans son couloir droit. Ce garçon de 21 ans s’appelle Franck Ribéry. Et grâce à lui, impossible d’oublier sa première sortie au stade.

Quinze jours plus tôt, après une victoire contre Nantes à domicile (1-0), Le Républicain lorrain avait bien noté dans ses pages la prestations de ce petit gars, chipé gratuitement à Brest (en National) au nez et à la barbe du FC Nantes et de l’Ajax, ramené en voiture en Lorraine par Fernandez en personne. Pour sa première en Ligue 1 et dans le monde pro, Ribéry avait réalisé un festival et délivré une passe décisive à Richard Socrier, l’autre recrue estivale. Alors forcément, les fans grenat étaient curieux de voir si ce petit phénomène pouvait confirmer dans la foulée. Ils ne seront pas déçus et devront même s’arracher de leur siège dès la demi-heure quand l’ailier, décalé par Hervé Tum, arrête le temps. Une fresque que décrira par ces mots L’Est républicain dans son édition du lendemain : « Tous les dirigeants de Ligue 1 doivent, ce matin, regretter de ne pas être allés à Brest à l’intersaison. Car s’ils avaient fait un tour dans le Finistère cet été, ils auraient pu mettre la main sur une perle rare, un diamant caché, que les techniciens messins, eux, ont su trouver : Franck Ribéry, un petit milieu de terrain aux pieds d’or, au culot inestimable et aux dribbles subtils. Parlez-en au latéral gauche de l’OL, Jérémy Berthod, qui a failli souffrir d’un torticolis, hier à la 31e minute, quand le prodige venu de Bretagne s’est mis à danser devant lui : un double passement de jambes « à la Waddle », une feinte à gauche, un petit crochet vers la droite, suivis, pour couronner le tout, d’un tir croisé légèrement dévié par Abidal et qui trompa Coupet. Et voilà comment Metz ouvrit la marque face aux Rhodaniens. Merci, monsieur Ribéry, pour le chef-d’œuvre ! »

Ce rayon de soleil, l’OL saura le calfeutrer, resserrant le jeu en seconde période, Abidal chargé d’éteindre le fauteur de trouble adverse, Coupet repoussant un penalty de Babacar Gueye, et un autre prodige promis à un avenir radieux, Hatem Ben Arfa, offrant l’égalisation à Florent Balmont. Mais la machine est lancée, et rien n’entravera Franck Ribéry dans sa marche glorieuse. Certes, Metz ne pourra profiter de Franck Ribéry que pendant six mois, 22 matchs dont une nouvelle folie au Vélodrome (deux passes décisives pour asseoir un succès messin 3-1). Le balafré ira à Galatasaray dès l’hiver 2005, mais son passage restera aussi marquant qu’une cicatrice pour les spectateurs de Saint-Symphorien. Dix-huit ans plus tard, à l’heure où Ribéry raccroche les crampons, ils savent pertinemment que cet amour, ils doivent le partager avec les fans de Galatasaray, de l’OM, du Bayern, de la Fiorentina et de la Salernitana, ainsi qu’avec la plupart des personnes qui ont croisé dans leur vie ce personnage haut en couleur et détonnant dans le monde du foot. Le missile collé à Landreau, le tracteur du jardinier, le « vas-y mon petit » de Gilardi, les citations dans une chanson de Julien Doré, les claquettes sur le plateau de Téléfoot, la vanne de la salière dévissée, le podium du Ballon d’or, les scandales aussi, seront autant d’étiquettes qui seront collées sur son front. Mais cette soirée du mois d’août sera, elle, au moins pour quelque 23 000 chanceux, le vrai début d’une histoire qui connaît en ce vendredi un épilogue.

Le jour où Franck Ribéry plantait son premier but en seniors
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