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ACTU MERCATO

Mercato : partir au bras de fer, ça vaut vraiment le coup ?

Par Régis Delanoë
Mercato : partir au bras de fer, ça vaut vraiment le coup ?

Ils sont sous contrat avec un club, mais veulent le quitter contre la volonté de leurs dirigeants, généralement pour signer dans une formation plus huppée. Dans ce cas, certains joueurs n'hésitent pas à aller « au bras de fer » et donc à faire pression sur leur employeur pour le faire céder : boycott de l'entraînement, déclarations fracassantes à la presse… Tous les moyens sont bons. Mais est-ce vraiment bénéfique pour le joueur ?

C’est devenu un classique de l’intersaison. Pour égayer la période de mercato et apporter un peu de matière à débat, il va forcément arriver un moment où un joueur un peu coté et donc convoité va manifester son envie de quitter son club employeur, contre l’avis de ses dirigeants et de son entraîneur, trop tenté de répondre à la drague plus ou moins visible d’un autre club souvent plus huppé qui lui fait promettre de meilleurs conditions salariales et/ou un meilleur challenge sportif. Théoriquement, si le joueur est encore sous contrat, il n’est pas franchement en position de force pour l’ouvrir et réclamer un départ. En pratique, certains frondeurs n’hésitent pourtant pas à faire des pieds et des mains pour obtenir ce qu’ils désirent : partir, par tous les moyens, quitte à passer pour un pourri gâté caractériel. Généralement, le relais médiatique est apprécié, à grands coups d’interviews « vérité » où le joueur parle d’un « manque de respect » , de « mal-être » et évoque son envie de « franchir un palier » , histoire de bien mettre la pression. Et si ça ne suffit pas, il y a toujours l’option de la grève de l’entraînement pour bien faire comprendre à ses employeurs que la tête comme les jambes sont déjà loin, loin et qu’il n’y a plus qu’une mince feuille de contrat qui relie encore le joueur au club. Vous voyez le gamin à claquer qui se roule par terre au rayon bonbons du supermarché pour faire céder sa mère ? C’est un peu ça l’histoire.

Alessandrini, de chouchou à paria

Cette stratégie peut-elle s’avérer payante ? « Jamais, affirme Christophe Mongai, agent de Romain Danzé, Yannick Cahuzac, Pantxi Sirieix… Le conflit est toujours la plus mauvaise des solutions. On ne règle les problèmes qu’avec le dialogue, pas autrement. Jamais je n’ai conseillé cette technique et jamais je ne la conseillerai, cela n’a aucun sens à mes yeux. » Un point de vue partagé par son confrère Alain Gauci, agent de Brice Jovial notamment, pour qui « mieux vaut toujours privilégier la discussion et trouver un terrain d’entente, ce qui arrive dans la plupart des cas » . Il poursuit : « Le problème quand on va au clash, c’est qu’on risque la scission irrémédiable avec son employeur, ce qui n’est bon pour personne. » Et d’illustrer la chose avec le cas Romain Alessandrini, qui avait entamé une stratégie bras de fer avec le Stade rennais en septembre dernier, vexé de ne pas avoir pu partir à Marseille pendant l’été comme il le souhaitait. « Les dirigeants ont su éteindre le départ d’incendie en raisonnant le joueur et en lui faisant comprendre qu’il revenait d’une longue blessure et qu’un an de plus à Rennes ne lui ferait pas de mal. » Ce qu’il a fini par accepter, obtenant finalement ce qu’il voulait il y a quelques semaines : un transfert à l’OM. Jennifer Mendelewitsch, qui connaît bien le club breton pour s’occuper notamment de la carrière du jeune Axel N’Gando, est plus nuancée concernant la gestion du cas Alessandrini. « Quel était l’intérêt de le retenir contre son gré ?, interroge-t-elle. Tout le monde y a perdu. Le joueur est passé de chouchou à paria auprès des supporters et le club a conservé un élément qui a traîné sa peine et qui n’a pas réalisé une saison faramineuse. »

« Le joueur n’est pas toujours le méchant de l’histoire »

Si elle estime que la technique n’est à utiliser qu’en « dernier recours » , le bras de fer est un coup autorisé et légitime selon elle dans certains cas. « Certains clubs bloquent des transactions contre toute logique et les médias ont généralement pour habitude de relayer uniquement leur point de vue. C’est parfois une question de bon sens que de reconnaître qu’un bon joueur convoité par un club plus huppé a intérêt de partir si l’indemnité de transfert est raisonnable. Quand un joueur part au bras de fer, quelque part c’est aussi un échec du club qui l’emploie au niveau de sa gestion humaine. » Sonia Souid, qui défend notamment les intérêts des anciens Sochaliens Pierrick Cros et Mathieu Peybernes, partis respectivement à Mouscron et Bastia, reconnaît d’ailleurs que certains clubs abusent parfois franchement de leur pouvoir : « Le joueur n’est pas toujours le méchant de l’histoire. Des dirigeants peuvent aussi mettre des joueurs à la cave de manière très brutale, pour des raisons économiques ou parce qu’il y a un nouvel entraîneur qui veut imposer sa patte en se différenciant de son prédécesseur. C’est normal dans ce cas que le joueur pense avant tout à ses intérêts. » Alain Gauci y va aussi de son témoignage : « Dans les pays de l’Est notamment, les relations avec les clubs sont souvent très difficiles. Par exemple, j’ai eu à gérer un problème avec Manassé Enza-Yamissi (frère du Valenciennois), dont le club roumain (Petrolul Ploiesti, ndlr) n’a pas accepté le fait qu’il refuse une prolongation de contrat, ce qui est parfaitement son droit. Résultat, le coach ne l’a plus jamais fait jouer et il a fallu passer par la résiliation. » Dans tous les cas, les agents interrogés sont catégoriques : l’oral dans le monde du football n’a aucune valeur. « On peut le déplorer, mais c’est ainsi que le système est fait, reconnaît Alain Gauci. Si en cours de saison, les dirigeants disent à un joueur : « Ne t’inquiètes pas, tu auras un bon de sortie à l’issue de la saison », il ne faut pas forcément le croire. »

Thauvin, marqué pour longtemps

Jennifer Mendelewitsch, toujours à la défense des joueurs : « Il arrive que des clubs profitent de la naïveté de l’entourage de certains joueurs, surtout des jeunes, en leur faisant signer des contrats hallucinants. Quand ils s’en rendent compte, ils ne peuvent parfois qu’aller au clash pour s’en défaire, c’est malheureux, mais c’est normal aussi. On n’évolue pas dans un monde d’enfants de chœur. » Il y a tout de même un exemple récent où elle ne se fait pas l’avocate du joueur : le cas Thauvin, parti à Marseille l’été dernier après un rocambolesque bras de fer et sans jamais avoir joué pour Lille, son employeur. « Là oui, c’est une bêtise selon moi, car ça lui a beaucoup nui. Il a eu beau jouer les garçons matures sur le plateau du Canal Football Club, il va garder pendant longtemps cette image négative. » Alain Gauci au relais : « Quoi qu’il arrive, les joueurs sont solidaires entre eux, donc ce n’est pas à ce niveau que ça peut mal se passer, mais plus au niveau des dirigeants de club. Un gars qui part au clash, même s’il obtient gain de cause, il acquiert forcément une réputation néfaste qui peut jouer en sa défaveur sur le long terme. Un profil capricieux qui fait des problèmes à chaque transfert, ça peut nuire à une carrière. » « Le problème, c’est qu’une majorité d’agent pensent avant tout à leur commission et ont tendance à pousser le joueur à aller au clash plutôt que d’envisager la carrière de son protégé sur le long terme, admet Sonia Souid. Certains conseillers ne le sont pas vraiment… » Ce qui n’est pas le cas de Christophe Mongai, droit dans ses bottes et catégorique, qui insiste : « Aller au bras de fer est plus que risqué : c’est à la fois inutile et dénué de tout bon sens. » À bon entendeur…

Par Régis Delanoë

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