ACTU MERCATO
Le mercato en Ligue 1 : silence, ça ronronne
Entre l'Euro, les JO et surtout la crise des droits TV, le mercato est très calme pour de nombreux clubs français, à dix jours de la reprise du championnat. Comment l'expliquer et, surtout, faut-il s'inquiéter pour la Ligue 1 ?
Un été passe toujours plus vite quand il est rythmé par des grandes compétitions. Entre l’Euro et les Jeux olympiques (voire la Copa América pour les insomniaques), les émotions du sport ont pris le dessus sur la traditionnelle folie du mercato. Nous sommes le 7 août et le marché estival 2024 ne semble pas encore avoir décollé pour la plupart des clubs de Ligue 1. Il y a bien eu l’OM, assez actif, et d’autres mouvements notables (Georges Mikautadze à Lyon, Ludovic Ajorque à Brest, João Neves au PSG, etc.), mais le championnat a surtout été marqué par des départs, comme ceux de Kylian Mbappé au Real Madrid (libre) ou Leny Yoro à Manchester United (62 millions d’euros). Ce mercato français va-t-il continuer à ronronner jusqu’aux derniers jours, où tout finit toujours par s’agiter ? Pas certain.
Depuis l’ouverture du marché le 10 juin et à l’heure d’écrire ces lignes, seulement 57 arrivées (hors prêts et transferts internes aux clubs) sont enregistrées parmi les 18 clubs de Ligue 1. Un nombre qui interpelle et des chiffres viennent montrer que le mercato est avant tout animé par les deux Olympiques, l’OL (huit recrues pour plus de 130 millions d’euros de dépenses) et l’OM (quatre recrues pour un peu plus de 50 millions d’euros de dépenses), soit plus de la moitié des montants dépensés par les écuries hexagonales pour le moment. Il reste quelques semaines pour faire ses emplettes, mais les clubs français devraient fonctionner davantage à l’économie jusqu’à la fin de l’été, alors qu’ils avaient claqué plus d’un milliard d’euros un an plus tôt (bien aidés aussi par le PSG).
L’impact des compétitions de l’été, de l’Euro aux Jeux olympiques, est réel. Comme souvent, un grand tournoi de football, Mondial ou championnat d’Europe, ralentit le marché pendant plusieurs semaines, comme le souligne l’agent Yvan Le Mée : « Évidemment lorsqu’il y a un Euro, ça complique les transactions, on attend le joueur évènement de l’Euro, même si finalement des joueurs de l’Euro transférés il n’y en a pas eu beaucoup mais ça fait toujours perdre du temps. Après tu enchaînes avec les Jeux olympiques, et là on parle du marché global, pas seulement français. »
Crise des droits TV et nouveau marché
En France, la crise des droits TV et le fait d’avoir passé de nombreux mois dans le flou le plus total n’ont rien arrangé et les clubs ont rapidement compris (ou on le leur a fait comprendre) qu’il allait falloir se serrer la ceinture. « Aujourd’hui, les clubs français vont perdre 40% des revenus liés aux droits TV voire plus, confirme Le Mée. Donc ça bloque aussi le mercato. » Un secret de polichinelle, en vérité, puisqu’ils sont plusieurs parmi les présidents à avoir mis des mots sur leurs craintes, à l’image de Joseph Oughourlian (RC Lens) sur RMC, le 15 juillet dernier : « Je suis un président inquiet pour l’état financier du foot français. 500 millions d’euros valorisés, c’est in fine environ 9 millions d’euros pour le RCL. Jamais les clubs de L1 n’ont touché aussi peu au titre des droits TV. »
Ils sont nombreux à être dans le même bateau qui tangue. Montpellier, par exemple, fait partie des clubs très touchés, dépendant à plus de 65% sur l’allocation des droits TV. Le DNCG a donné le feu vert à la Paillade, mais les dirigeants héraultais savent qu’il est vital de faire de belles ventes cet été pour survivre. « Il manque 20 millions d’euros. Pour l’instant, on n’a pas de droits TV donc on attend, désespérait Laurent Nicollin en conférence de presse début juillet. Normalement, j’ai entre 18 et 25 millions d’euros de droits télé en fonction du classement. Alors qu’aujourd’hui, il n’y a pas de droits télé. Donc, dans la caisse, j’ai zéro. » Conséquence, après une saison 2023-2024 terminée à la 12e place, le MHSC ne peut pas recruter, et est d’ailleurs un des seuls clubs à ne pas avoir accueilli de nouveaux joueurs cet été.
Face à cette crise de grande ampleur, il va être question de travailler différemment et de mettre en place d’autres stratégies pour ne pas couler. Ce qui peut se trouver aux Pays-Bas ou au Portugal, un potentiel modèle à suivre pour un championnat qui appartient davantage à cette catégorie qu’au Big Four européen. Sachant qu’il faut également composer avec certaines évolutions : « Il y a le marché du gros gros joueurs, autour des 30 ou 40 millions comme on a pu le voir en Angleterre par exemple, et après on a un marché des jeunes talents, 18, 19 ans, fort potentiel qui peuvent être achetés très cher aussi, et qui peuvent être revendus pour plus d’argent. » Le Mée poursuit : « Aujourd’hui, tout ça ne vient pas que de la crise économique. Le jeune talent, ce sont les fonds d’investissement qui les veulent, pour chercher la plus-value. Ce business, ça vient de là aussi. Il y a la crise, mais aussi les nouvelles propriétés qui ont beaucoup influencé le mercato. »
La Ligue 1, plus que jamais un championnat de seconde zone ?
Les clubs les plus modestes sont donc une nouvelle fois les plus touchés. Si les grosses stars et les pépites sont prisées, les joueurs de devoir, de collectif, ceux de l’ombre, sont laissés de côté et les ventes ne se font pas. Le mercato tourne au ralenti et les clubs français accumulent les incertitudes, entre les manques d’attractivité, d’argent et de visibilité. Les écarts avec la Premier League, la Liga, la Bundesliga ou la Serie A semblent se creuser saison après saison, et les marges de manoeuvres sont réduites, sauf peut-être pour le Paris Saint-Germain et Monaco qui sont des cas à part.
La Ligue 1 est-elle vouée un championnat de seconde zone, si elle ne l’est pas déjà ? « On n’en est pas là, répond Le Mée. Mais c’est sûr quand on voit que les droits domestiques de la Serie A sont à 900 millions d’euros pendant qu’on est à 500 millions… On est à un peu plus de la moitié d’eux. Ça oblige à travailler différemment, en faisant plus de recrutement dans des pays où c’est moins cher. On le voit avec Rennes qui se tourne de plus en plus vers la Scandinavie […] On n’est pas au niveau du Portugal ou de la Belgique encore, mais c’est clair que ça se complique et qu’il faut mieux travailler. » Sans ses récentes têtes d’affiche, comme Neymar, Lionel Messi ou Kylian Mbappé, le championnat de France doit en quelque sorte se réinventer et les clubs doivent adopter de nouvelles stratégies de recrutement, sans que l’on ne sache s’il faut y voir une bonne ou une mauvaise nouvelle. Ces perspectives inquiétantes ne devraient malheureusement pas empêcher le grand bazar des dernières 48 heures du mercato estival, fin août : le foot, il n’a pas encore totalement changé.
Par Maxime Verhille