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Meghan et Harry, à croire qu’ils s’en foot

Par Théo Denmat
Meghan et Harry, à croire qu’ils s’en foot

L’annonce avait fait trembler le trône d’Angleterre : le prince Harry et Meghan Markle vont donc se marier ce 19 mai, jour de finale de FA Cup. « Erreur de débutant », ironisent certains, blasphème pour d’autres, l’union sacrée pourrait, il faut le dire, avoir de foutues conséquences sur la journée de José Mourinho et Antonio Conte.

Elle colle un peu, cette Coupe, non ? Ce fut à peine perceptible, mais le prince William vient d’incliner légèrement le crâne. Une étrange gestuelle pour un homme si distingué, révélant au passage une calvitie héritée de son père en même temps que le trône d’Angleterre et le statut de président de la Fédération anglaise de football. À ce titre, c’est donc à lui que revient l’honneur ce samedi après-midi de remettre la FA Cup sur le promontoire installé au cœur des tribunes de Wembley. Michael Carrick, bien au fait des us de la remise d’un trophée qu’il vient de remporter 2-1 face au Chelsea d’Antonio Conte, a d’ailleurs bien remarqué le mouvement coupable, invitant silencieusement son regard à se poser sur les mains de l’héritier. Première surprise : elles sont pleines de cake au citron. Un autre coup d’œil sur les anses collantes du trophée qu’il s’apprête à soulever lui révèle qu’il s’agit de toute évidence d’une pâtisserie citronnée à la fleur de sureau, spécialité de la célèbre cheffe Claire Ptak. Mais pourquoi William est-il si rouge et si joyeux ? Plus étrange encore, pourquoi se lèche-t-il les doigts d’un air satisfait ?

Ce que croit simplement savoir à cet instant le capitaine des Red Devils, c’est que le bonhomme sort tout juste du déjeuner de mariage de son prince de frère, Harry, conclu sur une touche sucrée à 57 000 euros. Préparée pour six cents convives, certes, mais 57 000 euros quand même. Alors pas question de laisser une miette traîner sur son auriculaire royal. Curieuse image, songe Michael. Mais pour une fois qu’il se déride un peu… Il aurait quand même pu se laver les mains avant, merde. Les réponses viendront plus tard, il a un titre à fêter. Alors Carrick attrape le trophée, le soulève et… réveil. Fin du rêve. Le voilà nu comme un ver, transpirant à grosse gouttes dans son lit à baldaquin.

Foot 1-0 Monarchie

Non, tout ceci n’était qu’un rêve, car tout ceci n’arrivera pas. Le prince William, préposé à la remise du trophée depuis douze ans qu’il siège comme président de l’Association de football, sera en effet exceptionnellement absent de Wembley ce samedi soir pour cause de mariage princier. La cérémonie, dont la date a été calée le 15 décembre dernier, avait d’ailleurs choqué à l’époque pour son timing bâtard, indisposant public et chaînes télé. Comment penser programmer le mariage de Harry et Meghan Markle le même jour que la finale de la FA Cup ? Le premier événement à midi, heure locale, le second quelques heures plus tard, entame à 17h30. « Le prince William aura le temps de se rendre à la finale, de donner le coup d’envoi, puis de remettre le trophée aux vainqueurs avant de retourner à Windsor, assurait à l’époque une source anonyme de la FA. Sûrement par hélicoptère, pour éviter qu’il ne manque quoi que ce soit. » Pas grand-chose de plus qu’un simple arrangement d’emploi du temps, pourrait-on croire, s’il ne s’agissait pas précisément de l’agenda Ben le plus policé du XXIe siècle. Rompre avec la tradition du pudding et accepter l’absence du papa de la mariée, passe encore, mais pas question d’accepter pour la reine que son successeur ne file assister à un match de football entre le dessert et le café. Conséquence, serrage de boulons en règle, quelques jours plus tard, par la voix du responsable communication de Kensington Palace : « Les responsabilités du duc en tant que témoin signifient qu’il n’assistera pas à la finale de la FA Cup. » Point, à la ligne.

L’épisode en dit en réalité beaucoup sur les moeurs d’un peuple tiraillé entre ses deux plus grandes passions, soit un peu tout ce qui brille – façon Géraldine Nakache et Leïla Bekhti : les trophées de football d’un côté, les diamants de la couronne de l’autre. Fut un temps, les tabloïds du pays se posaient même la question de savoir si Harry allait déserter sa belle en plein goûter de noces pour aller assister au spectacle, en supporter assumé d’Arsenal. C’était avant que l’élimination des Gunners contre Nottingham Forest au troisième tour n’écarte cette possibilité en même temps que les gros titres de presse. Non, là où le bât blesse, c’est qu’au-delà de la simple question de savoir qui viendra ou non à la boum du lycée, l’épisode crée un sacré bazar passionnel pour la couronne britannique. Un mariage royal, c’est une réputation à tenir. Et alors que la cérémonie sera amputée de 2000 journalistes par rapport à celle de Kate et William il y a sept ans (pour 5000 accréditations, quand même), tout porte à croire que l’actu foot du jour ne participe à saper l’engouement populaire pour l’évènement.

Bousculer Lord établi

« Le prince Harry est très populaire et épouse une femme extraordinaire. Mais je pense que les gens vont probablement regarder le mariage d’un autre œil cette fois. C’est une finale de Coupe. J’imagine difficilement beaucoup de personnes s’installer tout l’après-midi dans leur canapé pour regarder la cérémonie puis le football. » Les mots ont glissé de la bouche d’Andrew Coombe à la BBC comme un défenseur sur pelouse mouillée, et, logiquement, ont emporté pas mal de choses sur leur passage. Lord Lieutenant du comté du Yorkshire du Sud, ce vieux bonhomme aux yeux bleus et à la coupe en vagues est un des rares représentants de la reine à avoir osé nager à contre-courant du concert d’éloges entendu jusqu’ici. Car derrière les 2640 invités de la chapelle Saint-George du château de Windsor et le bain de foule en calèche prévu à 13h, les chiffres ne mentent pas : là-bas, rien ne fait le poids par rapport au sport.

La ville de Sheffield, par exemple, dont ce cher Mr. Coombe est à la tête, n’a enregistré que deux demandes pour des « fêtes de rue » , habituelles pour ce genre de grands évènements. Une simili-fête des voisins qui avait concerné trente et une avenues il y a sept ans au même endroit. Pour le mariage d’une lignée destinée à monter sur le trône, certes, mais qui n’avait surtout pas commis l’impair de jouer avec plus gros qu’elle. Pire, selon un sondage YouGov publié en début de semaine, 66% des 1615 personnes interrogées se sont dits soit « pas vraiment intéressés » , soit « pas du tout intéressés » par le mariage. Pour une confirmation, donc : en Angleterre, si l’on dit que la reine supporte Arsenal tout comme son fils, c’est bien parce que le football est roi.

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